Matt Elliott, Rowland S. Howard, Sufjan Stevens & Lowell…: ça sort aujourd’hui et Magic aime

Avec "Farewell To All We Know" de Matt Elliott, "Au Paradis" de Thousand et "Aporia" de Sufjan Stevens & Lowell, Magic vous a sélectionné les albums importants qui sortent ce vendredi 27 mars.

MATT ELLIOTT – Farewell To All We Know
(ICI D’AILLEURS)
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L’une des scènes de cinéma les plus fortes qu’il a été possible de contempler est le final de Melancholia, de Lars Von Trier (2011). Assis en tailleur sur le gazon, Claire (Charlotte Gainsbourg), son jeune fils Léo (Cameron Spurr) et Justine (Kirsten Dunst) attendent la fin du monde, puisqu’il est désormais acquis que la planète Melancholia va s’écraser sur la Terre et la désintégrer. Bien sûr, Justine souffre. Elle est soustraite à ses émotions depuis trop longtemps. Mais son splendide détachement, la contemplation passive dont elle gratifie l’instant est sa façon à elle de se hisser au niveau de la tragédie qui rôde. Cette sinistre volupté, cette fabuleuse dignité, ce souffle vital véritable irriguent Farewell to All We Know («Adieu à toutes nos certitudes»), le dixième album solo de Matt Elliott. Le Bristolien fondateur de Third Eye Foundation n’attend plus rien des sept milliards d’âme qui l’entourent, encore moins de ceux qui les dirigent (vers le mur). Mais il est homme assez sûr de son art pour fendre le chaos de l’époque avec ses armes : la musique, les mots, la beauté, l’épure, ce goût d’éternité qui traverse les quarante-quatre minutes de l’album. Depuis The Mess We Made (2003), Matt Elliott s’inscrit dans la noble et rare lignée de ces artistes dont chaque album, chaque chanson, chaque demi-seconde est une offrande durable à ce qu’il faut appeler une œuvre – Wake the Dead, l’album du retour de Third Eye Foundation avait, presque fatalement, fait l’objet d’un coup de cœur dans ces colonnes mêmes en 2018. Farewell to All We Know aura quoi qu’il arrive une place à part dans cette œuvre. Un disque miraculeux de grâce sur les crépuscules qui nous cernent.

ROWLAND S. HOWARD – Teenage Snuff Film (1999) & Pop Crimes (2009)
(MUTE / [PIAS])
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C’est une silhouette aux antipodes. Longue, légèrement penchée et coupée net en son milieu par une Fender Jaguar. C’est une voix caverneuse et le visage d’un enfant perdu, Edward aux mains d’or. C’est un musicien disparu jeune (à cinquante ans le 30 décembre 2009), une de ces figures qui déposent, sur les chemins ombreux sur lesquels ils auront toujours évolué, une trace luminescente. C’est Rowland S. Howard. Il faut remonter à la fin des années 1970 et en Australie pour chercher les premières traces. Aux côtés de Nick Cave, Howard initie The Boys Next Door et The Birthday Party. Tôt, il part former ses propres groupes (Crime & the City Solution puis These Immortal Souls. Il y eut également, au cours des décennies 1980 et 1990, de nombreuses collaborations (Lydia Lunch, Nikki Sudden ou Henry Rollins par exemple). Finalement, Rowland S. Howard n’aura enregistré que deux disques sous son seul nom : Teenage Snuff Film en 1999 et Pop Crimes, paru juste avant sa mort en 2009. Ce sont deux albums magistraux : élégants, intenses et inquiétants. Howard plonge le rock dans les profondeurs d’eaux glauques ou dans les ténèbres glacées pour prendre acte de son innocence perdue. À l’incision nette et profonde de la lame succède, inévitablement, l’effusion bouillonnante du sang. Puis tout vire au noir. 

NICOLÁS JAAR – Cenizas
(Other People)
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Quatre ans après Sirens, le producteur américano-chilien Nicolás Jaar nous offre avec Cenizas (cendres, dans la langue de Pablo Neruda) un magnifique accompagnement à une séance de méditation. Aux croisements de l’electronica, de l’ambient et de la musique traditionnelle sud-américaine, Cenizas est un recueil de 13 pistes spirituelles.

SUFJAN STEVENS & LOWELL BRAMS – Aporia 
(ASTHMATIC KITTY / DIFFER-ANT)
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Alors que tous ses fans attendent impatiemment le successeur de ce chef-d’œuvre qu’est Carrie & Lowell, voici Sufjan Stevens de retour avec un album électronique enregistré en duo avec le même Lowell. Un cadeau de départ à la retraite pour son ex-beau père, avec qui il a cofondé, il y a un peu plus de vingt ans, le label Asthmatic Kitty. Aporia se révèle parfois être un album new age of adz. Il n’est qu’à moitié un album de Sufjan Stevens mais c’est un vrai album de Sufjan Stevens : celui d’un artiste qui sait concilier ambitions démesurées et goût du pas de côté.

AVISHAI COHEN BIG VICIOUS – Big Vicious
(ECM)
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Sur son quatrième album pour le label ECM, le trompettiste israélien (ne pas confondre avec son homonyme contrebassiste) reprend à la fois Massive Attack et Ludwig van Beethoven. Sans que cela détonne dans son répertoire jazz largement teinté de pop, de rock, voire de psychédélisme.

BASIA BULAT – Are You in Love? 
(SECRET CITY RECORDS) 
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Si le lyrisme affirmé d’une Natalie Merchant ne vous fait pas peur, si se trouver à l’étroit entre émotion pure et sensiblerie ne vous met pas mal à l’aise, si une voix toute puissante stimule votre curiosité, il y a des chances pour qu’Are You in Love?, le cinquième album de la Canadienne Basia Bulat soit pour vous. Un disque aussi académique que furieusement fureteur.

KO SHIN MOON – Leïla Nova
(AKUPHONE)
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Avant de danser nu sous acide dans la vallée de Nazca pour former un tout avec l’univers, commencez par écouter le troisième LP de Ko Shin Moon, Leïla Nova. Il vous permettra de mieux cerner le lien cosmique qui unit derbukas, rubabs afghans, ghantas, synthétiseurs Moog, boîte à rythmes et probablement tous les instruments de la galaxie, sans besoin de vous arracher les cils un par un en criant votre culpabilité d’Occidental décadent.

THE MONOCHROME SET – Little Noises 1990-1995
(CHERRY RED RECORDS) 
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On ne se félicitera jamais assez de l’amour des Japonais pour la pop tordue. Remis en selle par la scène Shibuya-kei au début des années 1990, le Monochrome Set s’est alors reformé le temps de cinq albums, ici réédités en CD avec une poignée de bonus. Certes, rien n’y atteint le pic des trois inusables disques sortis par le groupe entre 1980 et 1982, Strange Boutique, Love Zombies et Eligible Bachelors. Reste le plaisir renouvelé pris à cette pop spaghetti comme le western du même nom, à ce cabaret de curiosités où même un album moyen est sauvé par une belle étrangeté.

SORRY – 925
(DOMINO RECORDS)
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Venu du nord de Londres, Sorry dévoile, avec 925, un premier album étonnant voire déstabilisant. La formation place l’expérience au cœur de son processus créatif. Aucun des treize titres ne se ressemble. Si ce n’est dans l’utilisation incisive des guitares ou dans un entremêlement de voix qui rappelle les Kills. Mais l’abondance dont faire preuve ce disque s’impose aussi comme son défaut, tant les Anglais usent de déviations prometteuses mais dont la qualité fluctue selon les chansons.

JULIEN BELIARD – Le Mirage de Zo
(Satellite Label)

Nous vous dévoilions récemment le clip de L’autre Hémisphère, dans lequel Julien Belliard s’amusait à brouiller les frontières entre rêve et réalité. Dans Le Mirage de Zo, le Parisien brouille les frontières entre chanson française et indie folk, pour un album poétique aux allures de carnet de voyage.

Mais rien ne vous empêche d’écouter les autres sorties du jour :

SORRY – 925 (Domino)
CABLE TIES – Far Enough (Merge / Differ-Ant)
DEEPER – Auto Pain (Fire Talk / Bertus France)   
NICOLÁS JAAR – Cenizas (Other People)   
ROUUGE – Mended (L’affect records)
ARTUS – Cerc (Pagans)  
HALF WAIF – The caretaker (Anti-)  
AL QASAR – Miraj EP (The Arabian Fuzz)  
MAGIC SWORD – Endless (Joyful noise Recording)  
LHADYAK – Rise & Walk EP The Orcard  
MAYFLOWER MADAME – Prepared for all nightmare (Only Lover Records)
ESKIMO – Que faire de son cœur ?  
GLASS MUSEUM – Reykjavik (SDBAN Ultra)
LITTLE DRAGON – New Me Same Us (Ninja Tune)
ROSELAND – To Save What is Left (The Gum Club / Inouïe Distribution)
THE ORB – Abolition of the Royal Familia (Cooking Vinyl)
TAMIKREST – Tamotait (Glitterbeat)
CATHOLIC ACTION – Celebrated By Strangers (Modern Sky)