Betrand Burgalat, Les Choses qu’on ne peut dire à personne

“Les disques à faire écouter à tout le monde” : le Top 2017 de Matthieu Chauveau

Jusqu’à la fin de l’année, les rédacteurs de Magic délivrent tous les jours leur Top 2017, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief.


1. BERTRAND BURGALAT Les Choses qu’on ne Peut Dire à Personne (Tricatel)
2. HAND HABITS Wildly Idle (Humble Before the Void) (Woodsist)
3. ALVVAYS Antisocialites (Transgressive)
4. WILL STRATTON Rosewood Almanac (Bella Union)
5. RICKY HOLLYWOOD Le Modeste Album (Futur)
6. SLOWDIVE Slowdive (Dead Oceans)
7. MAC DEMARCO This Old Dog (Captured Tracks)
8. SAM AMIDON The Following Mountain (Nonesuch)
9. DIRTY PROJECTORS Dirty Projectors (Domino)
10. MIDGET! Ferme tes Jolis Cieux (Objet Disque)
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On a écouté, en 2017, plus de disques qu’en 2016, et sans doute moins qu’en 2018. Face à cette offre sans cesse croissante, une seule solution : faire le tri le plus sincèrement possible, en ayant conscience que de grands disques échapperont forcément à notre vigilance (mais aussi que des œuvres majeures auront échappé à celle des autres). Bref, fonctionner au coup de cœur sans le moindre a priori – et sans trop scruter les tops des confrères…

Cela donne, me concernant, un curieux podium où trois artistes ayant peu en commun se côtoient. D’abord un musicien trop souvent réduit au statut commode de dandy de service de la pop underground hexagonale. Avec Les Choses qu’on ne Peut Dire à Personne, Bertrand Burgalat signe un disque totalement addictif, en apparence mal fichu : 19 titres étalés sur 68 minutes (de quoi désarçonner aussi bien le féru de playlists Spotify que l’amateur de vinyle) bizarrement introduits par deux instrumentaux aux allures de tours de chauffe, avant l’attaque de sommets de songwriting qui n’en ont pas l’air entre énergie héritée de la Northern Soul, suites d’accords subtiles comme du Prefab Sprout et poésie du quotidien racontant le monde qui nous entoure.

À une époque où tout dire à tout le monde semble être de mise, le Burgalat 2017 est aussi l’un des albums français les plus joliment titrés de l’année (avec le délicieusement vaporeux Ferme tes Jolis Cieux de Midget!). Ce disque fleuve, aux allures de montagnes russes, pourrait bien être l’exact opposé du monochrome premier album de Meg Duffy alias Hand Habits. Avec Wildly Idle (Humble Before the Void), la musicienne croisée chez Kevin Morby nous invite dans sa chambre où, recroquevillée sur sa guitare et pas mal de pédales d’effet, elle égrène de somptueuses ballades intemporelles et intimes, dont les arpèges cristallins s’avèrent à la réécoute beaucoup plus précieux que ceux d’un Cigarettes After Sex (ok, impossible de ne pas lorgner les listes des voisins).

Dans un genre nettement moins introspectif, les Canadiens d’Alvvays auront réussi un autre tour de force : convaincre qu’il est toujours possible, trente ans après la séparation des Smiths, de maintenir intacte la flamme twee/power/jangle pop. Mission il est vrai déjà accomplie par Teenage Fanclub l’an dernier. C’est   logiquement qu’on retrouve le « Fanny » Norman Blake crédité sur Antisocialites, album qui, s’il n’a formellement rien de révolutionnaire, n’en demeure pas moins l’une des plus précieuses collections de pop songs de l’année. Ce disque devrait nous accompagner encore quelques temps, jusqu’à 2018 et même au-delà, comme les sept autres de cette sélection purement subjective, avec une mention spéciale pour le divin Will Stratton, dont chaque nouvel album se fraie invariablement un chemin jusqu’aux palmarès de fin d’année de votre serviteur.

MATTHIEU CHAUVEAU a rejoint l’équipe de Magic pour sa renaissance, en janvier 2017 et a notamment, pour le numéro 207, eu l’honneur de discuter pop moderne une heure durant avec un maître en la matière, le grand Étienne Daho. Amateur aussi bien de pop que de folk, pourvu que la mélodie soit reine, il écrit parallèlement sur la musique – mais aussi sur le cinéma – pour les magazines nantais Wik et Kostar ainsi que pour le journal Ouest France.