Car Seat Headrest, Damien Jurado, Joe Chester : ça sort aujourd’hui et “Magic” aime

Magic vous a sélectionné les meilleurs disques parus vendredi 1er mai, à quelques jours de la parution de notre numéro 221, dans lequel vous retrouverez l'essentiel de ces artistes, notamment l'excellent "Making a Door Less Open" de Car Seat Headrest, coup de cœur Magic. Bon (long) week-end (confiné).

CAR SEAT HEADREST – Making a Door Less Open
(Matador / Beggars)
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Où sont passées les guitares torturées et les larmoyantes odyssées de quinze minutes ? Pour comprendre Making a Door Less Open, il faut l’analyser comme s’il n’était pas issu des seules pensées fertiles de ce génie aux grandes lunettes et à l’attachante dégaine de l’élève assis seul au fond de la classe qu’est Will Toledo. C’est un album de Trait, son alter-ego au masque futuriste couvert de leds (drôle de coïncidence en ces temps étranges) et au gilet… pas jaune. C’est son identité «secrète» dans 1 Trait Danger, projet d’EDM décomplexée mené avec son batteur Andrew Katz. C’est un coup de cœur Magic, à retrouver jeudi dans notre numéro 221.

DAMIEN JURADO – What’s new Tomboy
(LOOSE MUSIC)
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ll dure moins d’une demi-heure, mais cela suffit pour faire de What’s new Tom Boy un des albums les plus riches de Damien Jurado. Le songwriter américain, en quasi autarcie, voire moins que ça – il s’est débarrassé de nombreux objets pendant l’enregistrement, notamment cinq de ses huit guitares – raconte des trajectoires cabossées en appelant les héros de ses chanson par leur prénom. Encore un grand album, le quinzième.

VARIOUS ARTISTS – Au dehors
(IN SILICO)
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Sur bandcamp et seulement sur bandcamp, Au dehors a le nom d’un rêve, par les temps qui courent. C’est en réalité une jolie anthologie de reprises avec des artistes comme Rouge Gorge, Jean Felzine, Pam Risouri ou Rémi Parson réalisée pendant le confinement. Les dons sont libres et les fonds sont destinée à recueillir quelques fonds pour l’association Auxialia, qui s’occupe d’aider les personnes en marge de la société, et en cours de réinsertion.

JOE CHESTER – Jupiter’s Wife
(BOHEMIA RECORDS)
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Le musicien irlandais installé à Nice Joe Chester s’attaque au sixième chapitre studio de sa carrière. Dans Jupiter’s Wife, il est évidemment question de folk à l’état pur. Habillement joué ; sincèrement mis en forme. Un bel objet sonore, imaginé de A à Z par la moitié de Hedge Schools.

CALEB LANDRY JONES – The Mother Stone
(SACRED BONES RECORDS)
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Ce visage qui vous toise, sous sa perruque de Marie-Antoinette, vous dit quelque chose ? Normal : vous l’avez déjà croisé sur les écrans des salles obscures (Get Out, 3 Billboards, Twin Peaks). Contrairement à un Johnny Depp, qui affiche le rock comme une étiquette, Caleb, trente ans, écrit des chansons pour lui. Depuis ses seize ans, il en aurait commis plus de sept cents. Cela nous donne la mesure de la maturité de ce premier album quasi parfait. La profusion sonore d’Olivia Tremor Control et l’énergie outrancière de Foxygen qui irriguent ce disque. Rarement une œuvre retromaniaque n’aura sonné si authentique.

CHICANO BATMAN – Invisible People
(ATO RECORDS)
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Pour le quatrième chapitre de sa discographie, Chicano Batman est de retour dans un fracas de sons et d’idées. Eduardo Arena, tête pensante du quatuor californien, pose son flegme en guise de phrasé, avec l’incipit Color My Life comme meilleur exemple. Il mélange également les grooves R’n’B (The Way), les influences latines (Bella), les envolées de synthétiseurs funky (Moment of Joy), les rythmes hip-hop west coast des 90’s (Pink Elephant) et les dissonances psychés maîtrisées (Polymetronomic Harmony). Avec cet album, on dévale, dans une décapotable, la baie des Anges. À fond la caisse.

BEN LUKAS BOYSEN – Mirage
(ERASED TAPES)
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Aussi étrange que cela puisse paraître, on peut être à la fois hyperactif artistiquement et très discret sur le plan médiatique. C’est un peu le constat qu’impose la carrière de l’Allemand Ben Lukas Boysen, sous son seul nom comme sous son alias Hecq. Ce Mirage versatile suit plusieurs pistes et se révèle, d’écoute en écoute, une œuvre hasardeuse et accidentée, avec un soupçon de mystère qui ne se laisse jamais totalement apprivoiser.

JOAN AS POLICE WOMAN – Cover Two
(SWEET POLICE / [PIAS])
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Tempos lents et voix de velours, Joan Wasser a choisi son répertoire tout en lui apportant sa touche personnelle. Cela saute aux oreilles sur la reprise languide du Kiss de Prince. C’est très réussi sur Out of Time de Blur et le Under Control des Strokes, méconnaissable dans ses nouveaux habits soul. Talk Talk, Neil Young et même Outkast sont revisités avec classe, même si l’ensemble, avec ses orchestrations languides, légèrement jazzy, se révèlent à la longue un brin monotone. À picorer.

GHOSTPOET – I Grow Tired But Dare Not Fall Asleep
([PIAS])
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L’artiste londonien, Obaro Ejimiwe au civil, porte un regard amer sur notre monde, notre société sclérosée par l’égoïsme, la course à la jouissance, l’argent, le pouvoir. Ghostpoet est las, et ça s’entend, dans chaque inflexion de sa voix alanguie, son parlé-chanté désincarné. Le successeur de Dark Days + Canapés est cauchemardesque, étouffant, sentiment accentué par ses motifs instrumentaux et ses chorus répétitifs. Ghostpoet mène une révolution silencieuse contre un futur dystopique.

JOHANNA WARREN – Chaotic Good
(WAX NINE / CARPARK RECORDS)

Cinquième album pour Johanna Warren et toujours cette même faculté à nous subjuguer en un instant. Avec une rage absolue d’abord et une capacité étonnante à transformer sa voix pour la rendre aussi inquiétante que sauvage comme sur ce Twisted, d’une férocité audacieuse et d’une noirceur géniale. Si l’ensemble de l’album n’atteint pas toujours ce type de sommet, il regorge à certains endroits d’un tel talent mélodique (Faking Amnesia) qu’il place son auteure tout prêt des plus illustres guitares héroïnes de notre temps.

EGGS – Life during wartime EP
(HOWLIN’ BANANA)

Double surprise que ce EP d’EggS, paru sans crier gare, et dont le titre (Life during Wartime) renvoie à une prise de son de 48 secondes évoquant le silence d’un espace déserté de ses humains confiés, avec quelque oiseau en signe de vie. Dans la foulée de ses deux précédents maxis, le groupe parisien a enregistré Still Life et Gues What avec les moyens du bord, c’est-à-dire un 4 pistes Tascam, cultive son amour de l’indie eighties avec un joli sens de l’accroche. Dispo en 45-tours fin juin.

Mais vous pouvez tout aussi bien écouter :

AUSTRA, Hirudin (DOMINO RECORDS)
MAN MAN, Dream Hunting in the Valley of the In-Between (SUB POP)
DRAKE, Dark Lane Demo Tapes (OVO/Republic)
THE SOFT PINK TRUTH, Shall We Go On Sinning So That Grace May Increase? (Thrill Jockey)
ANTOINE HENAUT, Par défaut (30 Février / [PIAS])
PURE X’s, S/T LP réédition (FIRE TALK)
GAETAN NONCHALANT, Tout ça pour ça EP
PALES, As Dreams EP