Nils Frahm à la Route du Rock 2018

“Shhhhhh”, Nils Frahm est en train de jouer

Au cours d’une prestation exigeante et immersive, l’Allemand s’est fait aider par le public du Fort, qui s’est fait taire lui-même, samedi à la Route du Rock 2018.

Peu de musiciens inspirent un respect tel que le public se met, de lui même, à demander le silence pendant une prestation, surtout lors d’un festival et en fin de soirée. Ce fut le cas de Nils Frahm, samedi lors de la deuxième soirée de la Route du Rock 2018.

Après une première moitié de set habitée, hantée par son style unique à la croisée de la musique classique et de la musique électronique, l’Allemand, seul en scène, s’installe sur son piano à queue. Un  instrument présent sur scène depuis le début du set mais délaissé par le musicien, qui lui préfère ses synthétiseurs bardés de boutons.

Les nappes de synthé s’arrêtent, le beat aussi, et le pianiste laisse courir ses doigts sur les touches et entame les furieux arpèges de Hammers. La pièce, présente sur son album précédent, Spaces (2013), dévoile l’étendue de sa maîtrise technique – jusqu’à ce moment du concert, le musicien s’était concentré sur les morceaux de son dernier album, le très ambient All Melody (2018).

Les quelques voix encore dissipées au sein du public s’éteignent progressivement au rythme des “shhhhh” qui se font entendre partout dans la foule, à l’adresse des noctambules distraits (et mal élevés ?) en mal de rythmiques de night club. Non seulement l’Allemand joue parfaitement, mais ce qui impressionne – comme pour le reste de son set, d’ailleurs – c’est son attachement au son, un son clair, précis, organique à mesure qu’il joue des pédales du piano.

Un instant suspendu, à un horaire (23h) où n’importe quel autre grand festival aurait proposé une tête d’affiche consensuelle. Un pari qui ne sort pas de nulle part : la Route du Rock restait marquée par son passage en 2011, à l’édition hiver, lorsque le musicien avait débarqué avec son piano dans le coffre d’un van avant de vendre ses disques lui-même a l’arrière de la Chapelle-Saint-Sauveur où il venait d’infliger une claque au public. Sept ans plus tard, le compositeur allemand revient en patron sur la grande scène du fort pour l’un des moments les plus marquants de cette édition 2018.

Texte : Nicholas Angle
Photos : Cédric Rouquette
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