Forever Pavot

“Que faisions nous, à 17 ans ?” : Le Top 2017 de Baptiste Manzinali

Jusqu’à la fin de l’année, les rédacteurs de Magic délivrent tous les jours leur Top 2017, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief.

1. FOREVER PAVOT La Pantoufle (Born Bad Records)
2. KING KRULE The Ooz (True Panther)
3. YELLOW DAYS Is Everything Okay in Your World ? (Good Years Music Ltd)
4. COURTNEY BARNETT & KURT VILE Lotta Sea Lice (Marathon Artists)
5. KING GIZZARD & THE LIZARD WIZARD Polygondwanaland
(Heavenly Recordings)
6. BAXTER DURY Prince of Tears (Pias)
7. KEVIN MORBY City Music (Dead Oceans)
8. ARIEL PINK Dedicated to Bobby Jameson (Mexican Summer)
9. KING KHAN Murderburgers (Ernest Jenning Record)
10. CIGARETTES AFTER SEX Cigarettes After Sex (Partisan Records)
+ Le clip de Candy May d’ALEX CAMERRON, issu de Forced Witness, album paru le 8 septembre chez Secretly Canadian.

Il y a des contradictions qui donnent à certaines oeuvres d’avantage de relief et de contenance. Archy Marshall et George Van Den Broek, deux Anglais, en sont la preuve du cru 2017. Le premier, connu sous le nom de King Krule, petit rouquin freluquet âgé de 23 ans, publiait à la rentrée un deuxième album mature à la liberté créative saisissante, The Ooz, où retentissait un timbre de voix d’une gravité folle décliné sous 19 petits bijoux. George Van Den Broek, alias Yellow Days, est encore plus précoce – 17 ans seulement – et présente le même paradoxe : une voix puissante dans un corps si maigre. Son deuxième LP, Is Everything Okay in Your World, est une pop subtile, une soul urbaine élégante qui interroge : Que faisions-nous, nous, à 17 ans ?

Cette question, on pourrait la poser à Baxter Dury, dont le succès tardif est largement mérité. Si ce Prince of Tears n’atteint pas les sommets du nonchalant It’s a Pleasure (2014), il reste la confirmation qu’à 45 ans, Baxter suit les traces de Ian, son père, dont la carrière musicale débuta aussi tardivement que lui. Complexe d’Oedipe ou pas, on lui souhaite une fin moins triste.

Ceux-là n’ont pas attendu l’âge de raison pour sortir des disques. 53 chansons, soit 4 albums (le texte a été écrit avant la parution du cinquième), c’est la quantité des publications sorties en 2017 des Australiens stakhanovistes King Gizzard & The Lizzard Wizard. Si le dernier Polygondwanaland semble le plus abouti, il vole la vedette de justesse à Flying Microtonal Banana.

2017 fut aussi l’année de Kurt (Vile) et Courtney (Barnett) dont l’affiliation, outre l’évocation au plus mythique des couples rock’n’roll, était évidente. Certains en rêvaient secrètement. Le résultat de ce Lotta Sea Lice est à la hauteur des attentes : une ode au plug and play, un rock mélodieux, instinctif et intemporel. Pour finir, la dream pop de Cigarettes After Sex et ses volutes de fumée, la folk urbaine de Kevin Morby, les dingueries d’Ariel Pink, tout comme celle de King Khan et Forever Pavot se devaient de figurer ici en bonne place. Un regret seulement, celui du dernier album d’Alex Cameron qui mord, c’est le moins qu’on puisse dire, la ligne rouge après avoir publié un premier extrait pourtant convaincant, Candy May, magnifiant son côté crooner lo-fi.

 

BAPTISTE MANZINALI, journaliste indépendant ayant collaboré avec Gonzaï, Vice Munchies, Greenroom, membre actif de l’association Come on People organisatrice du festival This is Not a Love Song jusqu’en 2017, se consacre aujourd’hui à La Gazette de Nîmes, Rolling Stone Magazine, Little Lions et entame sa collaboration avec Magic.