Twin Peaks 2017

« L’année des filles qui marchent avec le feu » : Le Top 2017 de Jean-Marie Pottier

Jusqu’à la fin de l’année, les rédacteurs de Magic vont délivrer tous les jours leur Top 2017, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief.

  1. ARIEL PINK Dedicated to Bobby Jameson (Mexican Summer)
  2. THE MOUNTAIN GOATS Goths (Merge)
  3. MOLLY BURCH Please Be Mine (Captured Tracks)
  4. BIG THIEF Capacity (Saddle Creek)
  5. TIMBER TIMBRE Sincerely, Future Pollution (City Slang)
  6. FLOTATION TOY WARNING The Machine That Made Us (Talitres)
  7. THE SHINS Heartworms (Columbia)
  8. ALVVAYS Antisocialites (Polyvinyl)
  9. CORRIDOR Supermercado (Requiem pour un twister)
  10. LORDE Melodrama (Universal)+ La mise en son de la pop dans la troisième saison de Twin Peaks

Mon album préféré de 2017 n’est pas totalement de 2017 et pas vraiment un album. D’ailleurs, son édition sur disque ne lui rend pas justice. C’est une compilation de scènes, celles de la troisième saison de Twin Peaks dans lesquelles David Lynch a invité un groupe ou un artiste à se produire sur la scène du Roadhouse, un bar de la petite ville de l’état de Washington. Dans les derniers plans du deuxième épisode, le cinéaste fait s’y croiser deux personnages connus, émouvants fantômes, pendant que les Chromatics jouent “Shadow”. Suivront Au Revoir Simone, Sharon Van Etten, Nine Inch Nails ou Eddie Vedder, venus jouer un morceau plus ou moins récent. Julee Cruise, ainsi, réinterprète un quart de siècle plus tard “The World Spins”, qu’elle jouait déjà dans l’épisode le plus traumatisant de la première série. Sommes-nous en 2017 ou en 1989 ? On ne sait plus trop.

C’est un gimmick, c’est nostalgique mais aussi nouveau, et c’est très beau – bref, un bon résumé de la musique pop de cette année. Celle où James Mercer des Shins, bientôt quinqua, nous fait revivre ses quinze ans, c’est-à-dire les nôtres toutes générations confondues, nous qui avons eu et aurons toujours besoin d’un passeur (« A kid in class passed me a tape / A band called The Jesus and the Mary Chain »). Celle où Ariel Pink sort un superbe album hommage à un musicien oublié des sixties et fait surgir au passage du magma sonore de Time To Live la mélodie d’un des plus gros tubes des eighties, Video Killed The Radio Stars des Buggles.

Lui aussi, je l’aurais bien vu faire un tour sur la scène du Roadhouse. Comme Molly Rankin de Alvvays, dont j’ai écouté en boucle l’ensorcelant In Undertow. Comme Adrianne Lenker de Big Thief qui, avec un deuxième album aussi poignant que ses concerts, s’impose discrètement comme un groupe qui compte. Ou comme Molly Burch et Lorde avec Please Be Mine et Melodrama, deux grandes réussites de songwriting dans des genres très différents. “You say my name and it feels like fire”, lance l’une, “She’s so hard to please but she’s a forest fire”, répond l’autre : 2017, l’année des filles qui marchent avec le feu.

JEAN-MARIE POTTIER est journaliste à Slate et auteur de deux essais aux éditions Le Mot et le Reste, Indie Pop 1979-1997 et Ground Zero, une histoire musicale du 11-Septembre. Il travaille actuellement à un livre sur la saga d’un grand disque maudit qui a changé l’histoire de la pop : Smile des Beach Boys. Il est entré dans les pages de Magic en 2017 avec le récit de la passion de la France pour The Apartments, co-signée avec son frère François Pottier.