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Détournement du logo d’Howlin Banana | Illustration ©Julia Borel pour MagicRPM d’après Andy Warhol et Darren Merinuk

Howlin Banana, des guitares et des liens

Avec bientôt cent références et déjà dix ans d’existence, le label Howlin Banana joue un rôle déterminant dans l’éclosion de nombreux groupes pop français. Tom Picton, son cerveau, nous raconte.

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Gloria dans notre best of 2021. Johnnie Carwash dans un numéro récent. Brace ! Brace ! dans celui que vous tenez entre les mains. Fontanarosa bientôt. Magic n’est pas sous contrat avec Howlin Banana, mais la récurrence des éloges que reçoivent les groupes parus sous le sceau du label francilien nous a rappelé que nous n’avions jamais raconté l’histoire de cette «banane hurlante» à qui des dizaines de formations françaises doivent leur émergence. Comme souvent quand il s’agit de musique et d’underground, c’est une histoire d’acharnement et de sueur – celle du labeur, et celle des salles de concert où les amplis jouent fort.

Thomas Picton – «Tom», pour les intimes et pour le reste du monde – est le fondateur, directeur artistique et homme à tout faire du label. Programmateur de la salle parisienne L’International, Tom nous retourne tous au concours de celui qui écoute le plus de musique à guitares tous les jours. «Le rock reste une niche en France mais il y a plus de possibilités d’exposition aujourd’hui qu’il y a dix ans, assure Tom. Quand j’ai commencé, il y avait un blocage chez beaucoup de professionnels sur l’idée même d’une scène rock de qualité anglophone en France. C’est moins le cas aujourd’hui.»

Quand il crée le label à 25 ans, Tom Picton n’a d’autre envie que de mener un projet à lui dans l’univers qui a bouleversé sa vie d’étudiant en histoire et en gestion des structures culturelles : le disque, les guitares, l’underground. En passant plus de temps chez les disquaires que dans les salles de TP, il réalise que «des petits groupes dont (il) n’avait jamais entendu parler peuvent lui plaire davantage que les mastodontes». The Nerves, The Remains, The Blue Magoos entrent dans son univers. Avoir grandi dans une village du Sud de la Picardie l’avait jusqu’ici bloqué à Oasis. «J’étais un peu dans un mode : si c’est connu, c’est que c’est bien, si ce n’est pas connu, c’est que ça ne vaut pas le coup. Avec Howlin Banana, je veux aller chercher mon ancien moi, pour qui l’accès à la culture était difficile en dehors de la télévision ou la radio.»

Avant d’avoir un groupe, Tom a une identité. Il voulait quelque chose avec le code couleur jaune et noir. Il ne pense pas spécialement au Velvet Underground mais au label allemand Screaming Apple Records. Howlin Banana verra le jour sans l’objection du label aîné, et même avec un coup de main du graphiste qui dessine le logo. La promesse d’un premier 45 tours et de quelques dates débouche sur la production de la première référence du label, en mai 2012 : le single Lonely & Blue d’un groupe de La Rochelle, les 60 Seconds Swinger. Le premier album sera Bourbon, Blood & Seafoods des Bordelais Los Dos Hermanos. Des groupes rennais comme The Madcaps et Baston s’ajoutent au tableau de chasse. Puis Tom, en voyant ses groupes sympathiser, tourner, collaborer, sent naître un esprit de corps et comprend que son microlabel a désormais quelque responsabilité.

Un premier tournant vient avec l’album de Volage, Heart Healing, en 2014. «Je me suis senti l’obligation d’en faire quelque chose, au-delà de mes fanzines et disquaires habituels. Je connaissais le potentiel du groupe mais l’album avait été produit en studio et relevait d’une tout autre ambition.» Avec Kaviar Special, premier groupe Howlin Banana programmé à Rock en Seine et aux Trans Musicales en 2016, la légitimité auprès des tourneurs s’accroît. La même année, avec In Excelsis Stereo de Gloria, le Royaume-Uni et les États-Unis donnent un coup d’oreille. Et avec Brace ! Brace !, dont le premier disque paraît en 2018 (dans le Top 100 de Magic cette année-là), Howlin Banana commence à accroître son périmètre vers les sonorités pop. «J’en écoutais beaucoup mais je ne l’assumais pas totalement dans le label, dit Tom. Avec Brace ! Brace !, je ne me suis plus posé la question, le disque était trop bien pour ne pas sortir.»

Malgré dix ans de route, Tom parvient encore à dénicher des groupes sur Bandcamp et à être, souvent, celui qui fait le premier pas. L’avenir, c’est une série d’une demi-douzaine d’albums sur lesquels il a une visibilité quasi totale jusqu’à 2023. Parmi eux, Fontanarosa donc, mais aussi Hoorsees, Pop Crimes, TH da Freak, Cathedrale. Et l’évidence de chroniques à venir dans Magic.

Notre sélection du meilleur du catalogue Howlin Banana est à découvrir ici.

Vous pouvez également retrouver notre playlist Howlin Banana juste ici, sur Deezer.