Chevalrex : « J’ai l’impression que seule ma voix peut porter ces chansons »

Auteur d’un formidable troisième album (Anti Slogan), élément fort du mouvement de « la France Libre » mis en valeur par notre numéro 208, Rémy Poncet alias CHEVALREX sera en concert ce jeudi à Paris aux Étoiles. Entretien avec une voix pas comme les autres, à tous les sens du terme.


Orchestre à cordes, Mocke et O dans ton groupe, propos global sur ta place dans le monde. Anti Slogan est-il l’album qui te permet d’aller encore un cran au-dessus ?

Ça dépend de ce qu’on entend par “cran au-dessus”. Ce n’était pas le souhait de départ, je ne raisonne pas en terme de montées ou descentes. Enregistrer un disque seul, je l’ai fait pendant des années et j’y reviendrai un jour sûrement. Là, il y avait l’envie d’ouvrir le propos, d’aller plus loin dans la production, de faire des tas de choses que j’aime chez les autres et que je ne m’étais jamais vraiment autorisé sur mes disques. Ce pas en avant-là marque effectivement une rupture entre les précédents albums et celui-là.

D’où est venu ce besoin ?

De pas mal de facteurs… J’ai toujours été en mode : “Je sais ce que je veux faire mais je n’en attends pas grand chose, je veux donc continuer à faire ce que j’aime”. Je n’ai, à ce titre, jamais cherché le contact. Ce qui m’intéresse, c’est la production et l’écriture. Je me suis toujours arrêté là. Avec Futurisme (2016), j’ai vu que des gens pouvaient travailler autour de mes disques et en assurer la promotion et la diffusion. J’ai trouvé que c’était cool, finalement, cette vie après la sortie des disques. J’ai eu rapidement envie d’en faire un autre, en assumant totalement le fait d’être musicien, et plus “un graphiste qui fait de la musique le soir”. C’est la musique qui me fait le plus vibrer. Le disque s’articule autour de cette émancipation qui était déjà un peu à l’oeuvre dans Futurisme.

Dans quelle direction souhaitais-tu faire évoluer ta voix et ton chant ?

J’ai l’impression que les voix sont mixées trop fort, de manière générale, parce que je suis pas un très grand amateur de chanson. J’ai cette même impression avec la mienne, même si elle est mieux mixée qu’avant. La volonté était de sortir un peu du parlé-chanté. Je voulais un truc plus mélodique. Il reste quelques défauts que je n’ai pas encore complètement gommés.

La mélodie est très audible mais effectivement estompée par une durée de tenue des notes assez courte.

Oui, tu m’entendras rarement tenir une note plus d’une seconde. Je n’ai jamais fait ça. Je suis incapable de dire si c’est mon goût ou une forme de timidité… Ce n’est pas quelque chose que j’ai résolu même si je ne l’ai pas non plus identifié comme un problème.

La reconnaissance de tes qualités de mélodiste ne passe-t-elle pas par là ?

Je ne suis pas mécontent de ma voix mais la question des musiciens-mélodistes qui ne sont pas des grands chanteurs a toujours été là. Je me demande souvent à quoi ces chansons ressembleraient si elles étaient chantées par d’autres, notamment un vrai chanteur. Je crois que ça me paraîtrait bizarre, j’ai l’impression que seule ma voix peut porter ces chansons. Je voulais lâcher le parlé-chanté pour aller vers plus de mélodie, mais je veux aussi que ça reste un homme derrière le micro avec quelque chose d’assez intimiste qui reste dans l’oreille. À partir du moment où tu chantes davantage, peut être que tu t’éloignes de ça. Peut être que le prochain disque sera une solution sur cette question-là.

Écrire pour d’autres, est-ce quelque chose qui t’intéresse ?

J’ai eu quelques occasions, qui ne se sont pas concrétisées. Il y a plein de morceaux que je fais et qui ne deviennent rien. J’écris parfois certaines choses qui ne sont pas exactement connectées à ce que je veux et ce que je suis. J’ai besoin de chanter des choses avec lesquelles je suis en phase. Écrire pour d’autres est quelque chose que je trouve assez excitant en soi, c’est génial de mettre des mots dans la bouche d’autres chanteurs ou chanteuses.

Dans la plupart de tes textes, il est question d’un “tu”. Qui est ce “tu” ?

Ça dépend des chansons. Je crois que c’est souvent un “tu” universel, propre aux trucs assez intimistes comme les miens. On est dans un registre amoureux. C’est le moment où tu te fais la conversation dix fois avant d’appeler. Ou bien les “tu” que tu t’adresse à toi-même. C’est aussi une tentative d’adresse à l’auditeur. C’est une espèce de perche qui lui est tendue et qui dit : “eh oh, vous êtes là ?”.

Entretien et photo : CÉDRIC ROUQUETTE