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Charlie Watts : le père de la batterie rock est mort, les Rollings Stones aussi

C'est l'histoire d'un style de musique, le rock, et d'un instrument majeur, la batterie, qui avaient deux parents. La mère, Maureen Tucker, s'est perdue depuis longtemps dans des idéologies rétrogrades et incompréhensibles. Le père, Charlie Watts, vient de mourir, entraînant avec lui dans l'océan des sixties bourré de cadavres les Rolling Stones. Y'a plus de papa.

Charlie, c’était l’épure, la simplicité, l’efficacité et cette frappe d’une précision déconcertante au service du Rock’n’roll et des Rolling Stones. En acceptant son rôle de guerrier de l’ombre, il a contribué à façonner l’identité de cet instrument qui en était encore à ses balbutiements dans le rock jeu, comme tous les autres instruments d’ailleurs. La batterie, avec lui, allait alors devenir cet instrument à la fois indispensable et “secondaire”, d’une importance capitale, comme celle de la basse, mais toujours en retrait derrière les fantaisies et les ritournelles un brin mégalomanes des guitaristes et des chanteurs qui ne se feront pas prier pour prendre toute la lumière sur eux.

Cette fameuse section rythmique, ce socle, cette base indispensable pour la survie de n’importe quel groupe de rock, Charlie l’assumait avec la solidité d’un roc(k) qui jamais, absolument jamais, ne trébucha. Et pour cause: il ne prenait pas de drogue, il ne courait pas les filles, il ne passait pas son temps à draguer les caméras et les journalistes, tous ces comportements ultra clichés des “rock-stars”.

Charlie lui, ne s’est jamais laissé aller à toutes ces facilités de l’existence rock, pour pas dire plus. Mentalement, il faut être fort, très fort, pour résister à tout ça, et Dieu sait qu’il l’était, accroché derrière sa batterie comme un alpiniste à sa corde, prêt à gravir tous les sommets du rock’n’roll avec ses potos qui déconnaient en permanence, ratant quelques concerts ça et là. Lui, il ne faillait jamais, il était toujours là, tel Sam qui ramène ses potes bourrés en rentrant de soirée, ce bon copain sérieux et tenace sur qui on peut toujours compter.

Charlie Watts, un batteur de génie, mais pas seulement

Avec la mort de Charlie, les Rolling Stones perdent cette base si solide qui les a maintenus en vie durant près de soixante ans, qu’il s’agisse de son comportement ultra-professionnel sur scène ou bien de son tempérament exemplaire hors-scène. A bien des égards, il était cette bouée de sauvetage toujours gonflée à bloc qui permettait aux autres de ne jamais se noyer complètement, perdus dans leurs délires de camés ou d’obsédés sexuels.

Avec la mort de Charlie Watts, c’est bien plus que la simple disparition d’un batteur de génie, qui n’en faisait jamais trop mais faisait toujours exactement ce qu’il avait à faire, acceptant à la perfection son rôle crucial de bite d’amarrage et de boussole pour orienter et maintenir à flot les branleurs de guitaristes et de chanteurs, avec l’aide indéfectible de son comparse de bassiste de Bill Wyman, autre maillon essentiel de la chaîne rythmique sur qui nous ne pourrons pas nous étendre malheureusement ici.

Avec la mort de Charlie, les Rolling Stones perdent tous leurs repères mais aussi tout simplement un père, ce daron infaillible et un brin discret qui réparait absolument toutes leurs conneries de sales gosses immatures. Le père des Rolling Stones mais aussi un des pères du rock, via sa technique de batterie ultra épurée et ultra solide, sans qui la batterie rock et tout simplement le rock’n’roll n’auraient pas été tout à fait les mêmes.

Sans père et sans repère, les Rolling Stones viennent tout simplement de mourir, après 57 ans de bons et loyaux services envers le rock. La bouée de sauvetage vient de couler, entraînant irrémédiablement Keith et Mick avec elle, dans les profondeurs de l’océan des sixties qui n’en finit plus de récupérer des cadavres. Simple logique temporelle. Les prochains seront les punks, quand ils ne sont pas tous déjà morts.

Une part de nous-mêmes ne reviendra jamais. Adieu Charlie, Adieu les Rolling Stones.