"Porter la lumière sur ce qui nous anime" : le Top 2019 de Pierre Lemarchand

Jusqu’à la fin de l’année, nos rédacteurs publient le Top 10 de leur année pop. Voici celui de Pierre Lemarchand. Le Top de la rédaction sera publié dans nos hors-séries de fin d’année à pré-commander et à pré-financer ici.

1. Shannon Wright – Providence
2. Nick Cave & The Bad Seeds – Ghosteen
3. Tindersticks – No Treasure But Hope
4. Big Thief – Two Hands
5. Oiseaux-Tempête – From Somewhere To Invisible
6. Bill Callahan – Shepherd In A Sheepskin Vest
7. Patti Smith & Soundwalk Collective – Mummer Love
8. Simon Joyner – Pocket Moon
9. La Féline – Vie Future
10. Mount Eerie & Julie Doiron – Lost Wisdom Pt.2

Pour quelqu’un comme moi, qui doute de tout et a toujours du mal a faire des choix nets, établir des listes est un exercice périlleux. Mes pensées s’abîment donc, dans le cas précis de ce palmarès de mes dix albums préférés de 2019, contre les piles de disques que j’ai dû écarter. Mais c’est un privilège que de pouvoir porter la lumière sur ce qui nous anime, aussi me suis-je plié à l’exercice. 

Tout d’abord, peut-être, afin de rappeler (à mon humble mesure) l’existence de grands artistes étrangement méconnus : c’est le cas de Simon Joyner. Depuis le début des années 90, c’est-à-dire au même moment que Will Oldham, il publie des albums emplis d’un folk osseux de petits matins et de chansons miracles. C’est le cas de Phil Elverum (Mount Eerie) qui choisit d’offrir lui aussi aux grands espaces et aux plis tourmentés de ses pensées la même bande-son : quelques touches, ici et là, d’une peinture vibrante – des esquisses.

Nos hors-séries de fin d’année à pré-commander ici

Les disques recueillis ici sont l’œuvre de musiciens qui m’accompagnent depuis longtemps – depuis toujours, me semble-t-il. Je ne prends pas beaucoup de risques en la matière, la musique m’offrant avant toute autre chose un refuge, le réconfort dans un monde trop incertain et versatile. Aussi dois-je remercier ces artistes-là de prendre des risques pour moi : Shannon Wright, pour avoir jeté par dessus bord guitares et amplis pour un tête à tête avec son seul piano – et signé alors le plus beau disque de l’année. Bill Callahan pour avoir publié un disque de miniatures, rompant avec son art maîtrisé de la navigation en long fleuves sinueux. Tindersticks et Big Thief pour avoir tourné le dos aux recettes d’une longue maturation en studio qui fit le succès de leurs œuvres précédentes et fait confiance à la magie de l’ici et maintenant, à l’alchimie des groupes exceptionnels qu’ils sont devenus. Patti Smith pour, à soixante douze ans, avoir poursuivi l’exploration de terres vierges à la confluence de la poésie, de l’improvisation, du chant et de l’expérimentation sonore. Oiseaux-Tempête pour avoir continué de tracer dans des paysages de glace et de nuit le fil ténu de leurs dérives électriques, d’une inquiétante majesté. La Féline, pour avoir tenté de lier l’infiniment petit (le détail de nos drames intimes) à l’infiniment grand (la beauté d’une planète en péril) – et d’y parvenir avec une grâce infinie. Nick Cave enfin, pour avoir livré un album qui parvient à mêler ténèbres et lumières, offrant aux recherches de Soulages un possible pendant musical – un nouveau chef d’œuvre.

Pierre Lemarchand

Parallèlement à son activité professionnelle centrée sur l’accès à l’art et à la culture pour tous, Pierre développe une activité engagée pour la diffusion et la transmission de la musique. Programmateur, producteur d’émissions de radio (Eldorado, la dernière en date, est diffusée par une quinzaine de radios francophones), conférencier, il est aussi journaliste (on peut lire ses articles dans différents magazines dont Magic et Grazia) et auteur. Karen Dalton, Le Souvenir des montagnes a par exemple paru en 2016 et Alain Bashung Fantaisie militaire en 2018. En octobre 2020 paraît Nico The End… Aux côtés de Dominique A, il impulse dans sa ville, Rouen, le collectif « Des Liens », qui se propose de lutter contre l’exclusion culturelle.