© Anna Edwards-Borcherdt

Les 17 meilleurs albums sortis dans la torpeur de l’été

D'Ade et April March à Ty Segall et Villagers, Magic a sélectionné 17 albums parus en juillet et août, avant la grande rentrée discographique de ce vendredi 27 août.

Cette liste exclut les disques parus le vendredi 2 juillet, déjà traités dans nos relevés hebdomadaires.

ADE
It’s Just Wind
(MEXICAN SUMMER) – 14/07/2021

Hors de tout contexte franchouillard, le 14 juillet est la date anniversaire du père de Connan Mockasin et la date choisie pour la parution de It’s Just Wind, le disque commun de Connan Tant Hosford (nom de “Mockasin” à la ville) et son géniteur, Ade, âgé de 72 ans. Un jour, un voyant a recommandé à Connan Mockasin d’enregistrer un disque avec son père sous peine de regrets éternels. Un autre, Ade a connu une expérience de mort imminente suite à un arrêt cardiaque. Décision fut prise d’enregistrer cet album, au Texas, avec des musiciens de confiance et avec un processus de travail assez spontané. Entre chant et talk over, entre synth pop et ambient matinée de funk, le duo propose un objet rare dans l’univers de la pop, celui du témoignage pre-mortem, pas si dérisoire que son titre le laisse entendre.

APRIL MARCH
In Cinerama – Record Store Day issue

(AUTOPROD) – 17/07/2021

Comme on dit chez Truffaut, vous parler ici de ce disque est à la fois une joie et une souffrance. Joie car il s’agit d’un des monuments de l’année pour les amoureux de pop mélodique et luxuriante dont nous sommes. Souffrance car le périmètre des personnes en situation d’écouter In Cinerama est extrêmement réduit à l’heure où nous écrivons ces lignes. Paru à 1400 exemplaires vinyles le 17 juillet aux États-Unis – le pays d’origine d’April March – dans le cadre du second Record Store Day de 2021, il n’a encore fait l’objet d’aucune parution numérique ou physique en Europe. Cela se fera, nous assure-t-on de source proche de In Cinerama, disque-monde piloté avant le premier confinement par Mehdi Zannad (Fugu, The Last Detail) et dont le casting de rêve fait scintiller ces onze pop songs plus sûrement que vous pouvez l’imaginer (Tony Allen, Olivier Marguerit, Sean O’Hagan ou encore Petra & Rachel Haden entre autres).

DARKSIDE
Spiral
(MATADOR RECORDS) – 23/07/2021

Cela faisait huit ans que Nicolás Jaar et Dave Harrington n’avaient pas publié de travail commun sous leur identité Darkside, projet lancé en 2011 à Providence aux États-Unis et couronné d’un acclamé Psychic en 2013. Relancé en 2018 à la faveur d’une semaine de travail commun dans une maisonnette louée pour l’occasion, le duo, qui fonctionne sous le double principe du jam recording et de l’absence de redite par rapport à leurs autres travaux, vous amène encore dans des recoins soniques que vous ne soupçonniez pas. Riche de mille nuances, articulée autour de rythmiques créatives et tendues, la musique de Darkside reste difficile à étiqueter et à épuiser.

DUSTED
III
(TOTAL DUST) – 23/07/2021

Dusted est le nom de scène de Brian Borcherdt quand il opère loin des aventures électroniques du quatuor canadien Holy Fuck. Ici songwriter plus apaisé et “tradi”, Brian Borcherdt trouve un point d’équilibre entre un positionnement lo-fi assumé et un soin viscéral consistant à donner à ses mélodies un écrin digne des émotions qu’elles véhiculent. Enregistré à la campagne, en Nouvelle Écosse, il a vu Dusted revisiter des chansons oubliées dans un vieux PC et revenues à lui d’abord en rêve, puis à un moment de son existence où il redevenait tentant de les laisser croître. Profitez-en maintenant, il sera dans des listes de trésors cachés au milieu du siècle.

THE GOON SAX
Mirror II

(MATADOR RECORDS) – 09/07/2021

Le trio australien (de Brisbane) The Goon Sax confirme son épaisseur et son statut de grand groupe pop en devenir avec Mirror II. Au programme de ce premier album pour Matador Records, les mélodies entêtantes qui vous avaient probablement séduit.e.s lors des premiers essais du groupe. Et une exploration libre des sonorités empruntées aux origines de l’indie eighties (synthés, guitares carillonnantes) qui enrichit le référentiel déjà impeccable du groupe. Difficile de ne pas penser aux Pixies sur certaines tranches de son proposées par Riley Jones, Louis Forster et James Harrison. C’est un compliment.

BRIAN JACKSON
w/ Adrian Younge & Ali Shaheed Muhammad : Jazz is Dead 08

(JAZZ IS DEAD)

L’album de Brian Jackson est la huitième référence de la série Jazz is Dead, du label du même nom, lancé par Adrian Younge et Ali Shaheed Muhammad, mais il est chronologiquement le premier à avoir été enregistré et, à ce titre, donne son caractère à la suite de la collection. Ancien partenaire décisif de Gil Scott-Heron, Brian Jackson a peu publié sous son propre nom, mais son inspiration aux claviers nourrit l’exercice de redéfinition de l’actualité du jazz proposé par Younge et Muhammad avec leur série : improviser, enregistrer sur bandes analogiques et distribuer cette musique nouvelle. Le batteur Malachi Morehead s’est joint au trio pour faire naître l’un des volumes les plus réussis de la série.

JAROMIL SABOR
Mount Visions
(SAFE IN THE RAIN / HOWLIN BANANA RECORDS / PERMANENT FREAK) – 09/07/2021

Nous avons été très fiers de vous proposer en avant-première la vidéo de On My Mind ce printemps. Le single annonçait un album, Mount Vision, au diapason de ce décollage cosmique. Le Bordelais Jaromil Sabor, qui en est déjà à son sixième LP en six ans, compose et produit des symphonies pop sans âge, aériennes et léchées. Seulement trahi par son accent français au service ses textes en anglais, elles devraient faire de Jaromil Sabor un des producteurs les plus recherchés du moment.

JUNGLE
Loving in Stereo
(CAIOLA RECORDS / AWAL RECORDINGS)

S’il vous reste quelques soirées dansantes à faire d’ici la rentrée, n’oubliez ni le pass sanitaire, ni le Loving in Stereo de Jungle – titre d’album propice à toutes les interprétations possibles… Depuis leur arrivée dans le paysage en 2013, le projet de Josh Lloyd-Watson et Tom McFarland modernise les canons de la disco des années 1970 avec des sonorités pop et une envie furieuse de grand spectacle. Après un milliard de streams revendiqués, le groupe qui avait enflammé la Route du Rock en 2018 s’envole vers les sommets de la reconnaissance internationale : Jungle va ouvrir pour Billie Eilish lors de sa prochaine tournée.

KORELESS
Agor
(YOUNG) – 09/07/2021

Il aura fallu attendre dix ans pour que le Gallois Lewis Roberts, perçu comme un prodige de l’electro lors de son premier maxi en 2011, finisse par faire paraître son premier album. Originaire de Bangor mais installé à Glasgow en Écosse, Koreless (son nom de scène) a travaillé les dix pistes d’Agor avec une maniaquerie qui le désigne comme l’un des cerveaux les plus perfectionnistes de la pop moderne. Entre ambient et techno, Agor ne ressemble à rien de connu, sinon peut-être à une pochette de disque qui rend justice au contenu : un matériau robuste, brut, dans lequel ont été creusées des pierres précieuses d’un autre monde.

LUMP
Animal

(CHRYSALIS RECORDS / PARTISAN RECORDS) – 23/07/2021

Quelle drôle d’idée, de la part de Laura Marling et Mike Lindsay (ou ceux qui gèrent leur carrière) de publier leur deuxième album commun au cœur du ballet estival entre juillettistes et aoûtiens. Dans un monde ordinaire, cette association entre deux musiciens anglais parmi les plus importants des quinze dernières années trouverait sa place parmi les grands albums de la rentrée. La capacité de Marling et Lindsay à produire une musique novatrice, radieuse, mystérieuse et instantanément accessible n’a rien perdu depuis leur premier album éponyme de 2018. S’il fallait décerner le titre de l’album de l’été, ce serait très vraisemblablement à Animal.

SAM MEHRAN
Cold Blue
(DOMINO RECORDS) – 30/07/2021)

Quand le musicien Zak Mering a appris au monde le décès de Sam Mehran il y a trois ans, il a précisé que l’ancien membre de ​​Test Icicles (2004-2006) avait laissé derrière lui le matériau pour un dernier album solo. Publié en ligne à la date exacte du suicide de Mehran, puis en physique deux jours après, Cold Blue voit le jour dans le catalogue de Domino. Il confirme la multiplicité inouïe des influences du musicien américano-australien : entre guitares viriles et synthés haut perchés, Sam Mehran ne choisit pas vraiment et livre un patchwork tendu, lo-fi, débordant de pulsions contraires, qualifié d’hypnagonique (entre éveil et sommeil) par The Guardian en 2010. Entre éveil et sommeil éternel, ces montées de sève s’écoutent avec une gravité supplémentaire.

FRÉDÉRIC D. OBERLAND
Même soleil
(IIKKI) – 19/07/2021

Le nom de l’album (Même Soleil) et les noms des pistes de Frédéric D. Oberland se lisent comme les titres de romans d’une bonne rentrée littéraire (Augures, Quatre Épaves d’Acier, En Terre Immergée, Un Feu rebelle, Ravages, A Notre Nuit). Mais la musique du membre d’Oiseaux-Tempête et FOUDRE! se découvre plutôt comme un film. Un film de cinéma expérimental, à la trame narrative aussi hallucinée qu’un bon Lynch. Il y a quelque chose de très visuel dans les couches sonores analogiques pétries sans repère rythmique sûr, dans la sourde inquiétude de notre époque et l’élévation de l’âme que permet la musique.

PIROSHKA
Love drips & Gathers
(BELLA UNION) – 23/07/2021

Formé en 2018 avec d’anciennes gloires nineties issues de Lush, Moose, Elastica et Modern English, Piroshka semble vouloir s’inscrire dans la durée avec un deuxième disque en quatre ans. Love drips & Gathers succède à Brickbait avec la double ambition de tenir un propos plus introspectif (sur les relations entre les êtres aimés) et d’explorer des sonorités shoegaze après un premier essai plus pop. C’est réussi et plein de charme.

TROY VON BALTHAZAR
Courage mon amour!
(VICIOUS CIRCLE) – 20/08/2021

L’ex-Chokebore Troy Von Balthazar poursuit une œuvre solo, désormais plus dense que celle du groupe lancé au début des années 1990 dans le sillage de Nirvana. Courage mon amour! est le septième disque du musicien américain. La marque de fabrique de Troy Von Balthazar est partout : une musique plaintive, brute, parfois proche du lo-fi, pour accompagner des textes qui disent les choses qui comptent vraiment entre les êtres.

TY SEGALL
Harmonizer

(DRAG CITY) – 30/07/2021

Annoncé la veille, sorti le lendemain, tout ça en plein cœur de l’été, Ty Segall a signé un grand geste punk, centré sur sa fan base, pour rendre public son huitième album en six ans, un rythme qui fait de lui l’un des musiciens les plus productifs de son époque. Harmonizer a ses hauts et ses bas, comme toujours avec l’hyperactif Ty Segall. Il souffre d’un manque de morceau imparable, mais sa palette sonore ressemble à une synthèse entre Freedom’s Goblin (2018) et Slaughterhouse (2012) deux grandes balises dans la discographie de Ty Segall.

VILLAGERS
Fever Dreams
(DOMINO) – 20/08/2021

Fever Dreams, autant l’assumer d’entrée, n’a pas la force globale de The Art of Pretending to Swin, le chef-d’œuvre de Villagers paru en 2018, coup de cœur Magic à l’époque. Mais, en grand rêveur et grand anxieux, Villagers continue d’étoffer une œuvre d’une grande prestance. Si l’ajout de cuivres dans le répertoire de Villagers reste discutable, la deuxième partie du disque est inouïe de créativité. A noter que l’album se déploie sous quatre pochettes différentes, “toutes liées aux thèmes de l’album à travers des constellations figurant dans la liste des 48 constellations établie par Ptolémée au IIème siècle : Ursa Major (ours), Aquila (aigle), Cassiopeia (élan) et Serpens (serpent)”, indique son label, Domino. Avis aux collectionneurs : le premier pressage de toutes les éditions vinyles aura une pochette prédécoupée avec 4 visuels d’album interchangeables.

WEDNESDAY
Twin Plagues
(ORINDAL RECORDS) – 13/08/2021

Le quintette américain Wednesday a encore une notoriété confidentielle en Europe mais Twin Plagues, son deuxième album, confirme qu’il propose l’une des relectures du shoegaze et du grunge les plus actuelles. Comme Crumb, dont il serait une version plus agressive, Wednesday s’appuie sur une mécanique collective assurée et la forte présence de sa chanteuse, ici Karly Hartzman, qui porte l’expressivité de Wednesday avec l’égal concours de la guitare de Jake Lenderman. A découvrir.