Le “Manifeste” anti-patriarcal d’Anna Calvi

Anna Calvi fait paraître ce vendredi Hunter, un album où elle explore les identités sexuelles que la société assigne aux personnes, dont elle entend se soustraire pour explorer ses identités. Elle a accompagné ce disque d’un manifeste qui explicite ses intentions. Nous avons décidé de le traduire et de le publier en intégralité.

Cet album est la recherche de quelque chose – une volonté d’en avoir toujours plus, de vivre des expériences, d’agir, de revendiquer sa liberté sexuelle, d’avoir son intimité, de dépasser les genres, de se sentir puissante, de se sentir protégée et trouver quelque chose de beau dans tout ce bazar.

C’est un album queer, qui parle de son combat lorsqu’on se sent rejeté, en dehors des clous et d’une recherche pour trouver un lieu sûr, où l’on est accepté pour ce que l’on est. Cet album est la recherche d’une sexualité plus subversive, qui va au-delàs de ce que notre société patriarcale et hétéronormative attend de la femme.

Par exemple, le morceau Hunter représente le lieu sûr qu’est une boîte de nuit gay. Un espace où l’on peut observer quelque chose de transcendantal dans toute la laideur et la saleté du sexe ; cette musique montre que ce type de moment est à la fois spirituel et laid.

J’essaie de travailler le concept de masculinité pour explorer ma propre identité et ma féminité ainsi que ce que signifie être une femme ou un homme. Je cherche à être quelque chose qui n’est pas ce qu’on m’a assigné à être depuis toujours.

Je pense que le genre correspond à un large spectre, la sexualité, et que tout ceci n’a pas grand chose à voir avec l’anatomie. Je crois que si nous avions la possibilité d’être quelque part au milieu de ce spectre, et non pas au niveau des extrêmes de l’interprétation masculine et féminine, nous pourrions nous libérer du patriarcat.

Je veux explorer ce qu’être une femme aphe signifie et pourquoi la force est vue comme un trait masculin. Je me demande pourquoi les femmes sont censées se comporter comme des hommes pour être entendues. Pourquoi, au travail, elles doivent endosser le rôle de l’homme et, en rentrant à la maison, celui de la femme. Pourtant, les hommes ne sont pas encouragés à emprunter des traits caractériels féminins. Être féministe est perçu comme une faiblesse.

Je crois au rôle de la femme et à un rôle qui ne serait pas le dérivé d’une histoire d’hommes. Je vis et découvre le monde et le vois comme le mien ; je suis désireuse d’apprendre des choses de ce monde, et non pas d’en être un sujet passif. J’ai envie d’expériences. Parfois, les choses semblent claires et parfois je me sens perdue.

Je donne tout à travers ces morceaux. Ils me donnent le sentiment d’être forte et vulnérable à la fois.

En tant qu’homosexuelle, je vois et vis mon corps et mon art comme une armure, mais je sais aussi que pour être honnête avec soi, il faut être disposé à être blessée et vulnérable.

Le but de cet album est d’être à la fois primitif et beau, féminin et masculin, vulnérable et puissant, d’être le chasseur et la proie.

Anna

Traduit par Lola Loubet
Photographie de Julien Bourgeois

Chronique à lire dans le Magic n°210