«Finalement, 2025 n’aura pas été si naze que ça» Le top 10 2025 de Jules Vandale

Attends, quoi ?! Donc on est déjà en décembre, là ? C’est déjà le moment des tops de fin d’année, de sacraliser son Spotify Wrapped — si, comme moi, vous n’avez toujours pas réussi à aller au bout de votre boycott — et de tirer le bilan de vos trois-cent-soixante-cinq réveils, couchers, et de tout ce qui se passe entre les deux ? Mince, je n’ai pas vu le temps passer — j’ai l’impression que mon année 2025 n’a duré que six mois, les six où je n’étais pas sous escitalopram.

C’est peut-être ce médicament censé remettre mes neurotransmetteurs à l’endroit qui explique deux choses dans mon top. D’abord, l’omniprésence — peut-être plus que jamais — du triptyque guitare / distorsion (à intensité variable) / ampli dans les groupes qui composent mon top 10, mais plus globalement dans mes playlists. Il faut dire que, depuis avril, je m’essaie moi-même à la guitare, avec l’ambition secrète d’être un jour chroniqué dans Magic. Ensuite, mon album de l’année. Parce qu’à l’origine, le titre devait se jouer entre bar italia et They Are Gutting a Body of Water, deux groupes qui résument à merveille mes obsessions musicales récentes : indie rock londonien ultra stylé d’un côté, revival shoegaze américain de l’autre. Ils ont d’ailleurs sorti leur album le même jour, le 17 octobre 2025.

Sauf que, ce jour-là, est aussi arrivé Thank You For Almost Everything, le deuxième album — totalement inattendu — de Headache. Un projet à moitié trip-hop ambient, à moitié voix robotique, façonné par Vegyn et un certain Francis Hornsby Clark. Leur premier album, The Head Hurt But The Heart Knows The Truth (2023), je l’avais découvert par hasard lors d’un DJ set à La Station — Gare des Mines en avril, un mois après une rupture aussi abrupte que douloureuse. Un disque qui a littéralement dominé mes écoutes de l’année. Et son successeur confirme tout le bien que je pense de Headache, dans ces textes presque kafkaïens qui entrent en résonance avec le flux incessant de mes pensées — “I dare the world to delight in me / Loudness is my laughter / And there’s always the beauty of blueberries, you know / There’s always fields and shit / Fairness, disease, age, good moods / The days can be unendurable, but the world holds / […] I will wait for you, and I will smile again / But the world holds / And while my face is pale, it faces the sun”, dans Most Undo Tomorrow. Et, aussi bizarre que cela puisse paraître, il m’arrive de verser quelques larmes à l’écoute de ces textes chantés par une IA de traitement vocal. Même en plein milieu de l’open space.

Ah, mais avant, on parlait de guitares, non ? C’est vrai qu’il y en a beaucoup dans mon top. Parfois, je me dis que je suis quand même sacrément précis dans mes goûts musicaux. La pire question icebreaker qu’on pourrait me poser, c’est : «Et toi, t’écoutes quoi ?». Pas parce que j’ai honte de ce que mes oreilles ingurgitent huit heures par jour — ni du volume sonore associé — mais plutôt parce que je risque d’être tellement enthousiaste que je perds les gens dans un tunnel de références parfois un peu obscures. Prenez Tommy Oeffling, par exemple : un petit bijou discret, subtilement subtilisé dans les playlists de mon ex américaine. Son septième album, Picture Of Health, regorge de merveilles d’un indie rock pastoral parfaitement dosé. Je pourrais parler pendant des heures de Love In The Time Of Trump, de ce “I couldn’t grab anything by the reins if I wanted to / I work for the man and he doesn’t give a shit about me / Doing everything we used to do / Couldn’t capture flags in front of you” qui me renvoie sur un divan de psy à chaque écoute, et de la façon dont ce morceau me donne envie d’écrire seul dans la chambre d’une maison familiale, au beau milieu du Wisconsin, alors que je ne me suis jamais aventuré plus loin que Berlin.

Ou encore Maria Somerville qui, avec Luster, déploie un shoegaze plus blanc que les ailes d’un ange. Ou le trio — bien grunge, bien country, bien slowcore, bien shoegaze — composé de Hotline TNT, Wednesday et Teethe, qui justifie presque à lui seul pourquoi je me fringue désormais comme un routier du Minnesota à la retraite — j’ai toujours fait un lien entre mode et musique. Ou Double Virgo, le duo formé par Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton, guitaristes de bar italia, qui fait littéralement du bar italia avec un budget dix fois inférieur, sans que le résultat ne soit dix fois moins bon. Ou Horsegirl, dont le deuxième album quitte le noise-rock pour des sonorités quasi-enfantines, et pourtant bien plus techniques qu’elles n’y paraissent.

Et dans une année où une large partie de la musique que j’ai écoutée l’a été à des fins éditoriales — je me rends compte que j’ai de moins en moins envie de digger quand je ne suis pas au bureau, comble pour un journaliste musical —, il est amusant de constater que j’aurai interviewé la moitié des artistes de mon top : TAGABOW, bar italia, Horsegirl, Wednesday, Hotline TNT. J’en aurai aussi vu pas mal en concert. Presque tous, en fait, sauf Headache, Wednesday et Tommy Oeffling. J’espère rattraper cet affront l’année prochaine.

Finalement, 2025 n’aura pas été si naze que ça.
2026, tu es prévenue.

Le top 10 de Jules Vandale :

HEADACHEThank You For Almost Everything
THEY ARE GUTTING A BODY OF WATERLotto
BAR ITALIA Some Like It Hot
DOUBLE VIRGOShakedown
MARIA SOMERVILLE Luster
TOMMY OEFFLING Picture Of Health
HOTLINE TNTRaspberry Moon
HORSEGIRL Phonetics On And On
WEDNESDAYBleeds
TEETHEMagic Of The Sale