Steve Albini, 2010
Steve Albini, 2010 | Photo © Jim Merithew/Wired Photostream

Disparition de Steve Albini : la playlist hommage

Nos équipes, nos lecteurs et des milliers d’artistes à travers le monde ont perdu une figure tutélaire. Steve Albini, le producteur peut-être le plus influent des sonorités indie, est décédé mardi 7 mai d’une crise cardiaque, à l’âge de 61 ans.

Son nom dans l’histoire de la pop est gravé depuis plus de trente ans, mais le musicien et ingénieur du son américain – il détestait le mot “producteur” – restait un intarissable faiseur de disques dans ses studios de Chicago et s’apprêtait à relancer Shellac, le dernier en date des trois groupes où il officia aussi comme musicien.

Cette playlist de 30 titres, réalisée par nos soins, ne donne qu’un aperçu approximatif de son héritage.

Pixies, Nirvana, PJ Harvey…

Albini a codéfini avec Pixies le son du rock alternatif américain en produisant le premier et colossal album du quatuor de Frank Black, Surfer Rosa en 1988. Il est aussi intervenu à l’aube de la carrière de futures figures majeure comme Slint, Tortoise ou The Breeders.

C’est Albini qui a été choisi par Nirvana quand il a fallu donner un successeur à Nevermind (pour In Utero en 1993), par PJ Harvey quand il a fallu donner un successeur à Dry (Rid of Me, 1993), par The Auteurs quand il a fallu inventer la suite de New Wave (After Murder Park, 1996) et par des centaines d’autres artistes des scènes rock, pop, post-punk et noise, en quête d’authenticité, de puissance, d’absence de compromis. Parmi eux, en France, les Thugs et Dionysos notamment.

Albini n’était pourtant soluble dans aucune caricature, lui qui avait aussi donné un écrin fabuleux aux chansons déchirantes de Jason Molina pour Songs: Ohia (Secretly Canadian vient de publier en guise d’hommage le plan du studio qu’il avait lui-même dessiné), à la folk mélancolique de Scout Niblett, Nina Nastasia ou Shannon Wright.

“The Albini album”

Il avait accompagné l’ascension du post-rock de Godspeed You! Black Emperor et, au risque de se répéter, des centaines de groupes anonymes auxquels il a prêté son oreille, ses mains et sa passion, lui qui se foutait pas mal des statuts et des postures.

Être produit par Steve Albini était à ce point totémique dans la carrière d’un groupe que le deuxième album d’Elysian Fields, Clinical Trial, celui qui n’a jamais connu de sortie officielle car trop intransigeant, a été de facto rebaptisé The Albini Album.

Cet homme porte un pourcentage non négligeable, que vous le vouliez ou non, que vous le sachiez ou non, dans votre affection pour l’indie rock tel qu’on s’y abreuve depuis qu’on a compris que le monde était beaucoup plus grand et vivable en sa compagnie.

L’annonce de cette disparition est pour nous un malaisant et tragique bras d’honneur du destin puisqu’elle intervient quasiment au moment exact où nous lançons le projet qui nous tient le plus à cœur depuis notre relance en 2021 : une série de quatre hors-séries sur les années 1990, qu’il a tant contribué à façonner.