Damien Jurado, besogneux dans l’effort

En musique, il y a deux écoles : ces auteurs qui, de disque en disque, remettent en question ce qu’ils avaient forgé avant ; et puis il y a les autres, ceux qui peignent un peu tout le temps le même tableau, comme si l’esquisse façonnée ne les satisfaisait jamais complètement. Ils sont les obsessionnels du détail, du tout petit contrepoint, de cette minuscule différence qui fait la singularité. Ils creusent toujours le même sillon et pourtant, jamais ils ne déterrent la même substance. Damien Jurado est bien de cette école-là, un besogneux dans l’effort. A lui seul, il représente ce croisement des chemins de toutes les musiques américaines. Délaissant sa collaboration avec Richard Swift, il décide ici d’autoproduire ce disque très personnel. Toujours cette voix au bord de la rupture, si proche de John Martyn. Comme le Familiars (2014) de The Antlers, Damien Jurado puise dans le Nixon de Lambchop, dans les merveilles alanguies d’un Curtis Mayfield. A mi-chemin entre le folk et une soul soyeuse, l’Américain tutoie aussi cette ligne claire héritée d’un Hoagy Carmichael ou d’un Cole Porter. Il glisse quelques références (Percy Faith, Thomas Wolfe, Cindy Lee…) comme pour mieux ancrer son propos dans le concret. Mais c’est sans doute dans ses ballades comme sorties d’un vieux western qu’il est le plus touchant.

 

 

Gregory Bodenes

The Horizon Just Laughed
(Secretly Canadian) – 04/05/2018