Kraftwerk, King Krule, Maria Somerville… La Route du Rock 2025, c’était ça !

Alors que son top départ se tenait il y a une semaine, et après du repos bien mérité, voici notre traditionnel best-of de la Route du Rock, après une édition 2025 des plus enthousiasmantes.

Overmono

Photo par Brice Delamarche
Photo par Brice Delamarche

Décidément, les Anglais nous auront fait tourner la tête ce jeudi à La Route du Rock. En clôture de soirée, après King Krule, le duo Overmono rejouait en France pour la première fois depuis 2 ans – et je dois avouer que je ne m’attendais pas à voir un nouveau set de la part des deux frères. La scénographie est la même, Tom et Ed Russel jouent sur un podium sur lequel des images sont projetées en prolongement de celles qui se jouent derrière eux sur scène. Comme lors de leur précédente venue en France, on se délectera pendant les chansons de nombreux visuels de dobermans courant au ralenti sur une plage – mais les vidéos sont cette fois altérées, les couleurs saturées, dans une sorte de version 1.5 de leur tournée de 2023 – en fait, le même set qu’ils ont joué à Glastonbury un mois plus tôt. Mais c’est au niveau du son que le duo excelle, ne se reposant pas uniquement sur ses compositions mais touchant à tout ce que les Britanniques ont fait de meilleur, du dubstep à la techno, le tout rythmé par cette UK Garage très anglaise devenue pop depuis l’immense succès de Fred Again.. , en passant par des incursions par la jungle. Les tubes de leur premier albums sont au rendez-vous, et plus encore : cette collaboration avec Joy Orbison et le rappeur Kwengface, ce remix de For Those I Love qui transpire la mélancolie… et même un inédit, avant la clôture du set, pop et solaire, qu’on a hâte de voir sortir sur les plateformes. D’accord, ce n’est pas vraiment du rock. Mais c’est aussi pour ça qu’on a fait La Route.

M.C.

Suuns

Photos par Jules Vandale
Photos par Jules Vandale

S’il y avait un groupe emblématique de la RDR, ce serait sûrement celui là : le trio montréalais Suuns, une grosse quinzaine d’années d’existence et déjà 4 participations au festival malouin. Ben Shemie, le chanteur, le rappellera lors du concert : “ce festival est très important pour nous, c’est ici qu’on a joué en France pour la première fois”. C’était en 2011, pour la collection hiver, le concert était tellement fou qu’ils avaient été reprogrammés pour l’édition été dans la foulée. En 2025, la claque est toujours aussi intense – l’équilibre entre accessibilité et expérimentation est excellent, les nombreux effets de voix, de guitare ou de basse, tantôt saturées, tantôt réverbérées à l’infini, parfaitement maîtrisés. Quoi de mieux qu’une dose de bizarrerie rock juste avant Kraftwerk ? On retiendra leur prestation de Fish On A String, l’un des meilleurs titres de leur dernier album, chanté entre les dents avant une coda plus solaire. Sans oublier le riff délirant de 2020, où la guitare électrique semble poussées au plus aigu, dans ses derniers retranchements. Au moment où les premières notes de ce titre datant de 2013 retentissaient, de nombreux festivaliers se cherchaient du regard. Il fallait partager cela avec ceux qui connaissaient.

M.C.

Kraftwerk

Photos par Jules Vandale
Photos par Jules Vandale

Après une annulation en 2020, Covid oblige, les robots allemands ont bien atterri cette année au Fort Saint Père. En témoignent ces visuels de soucoupe volante planant au dessus du site de la Route du Rock, diffusés sur les écrans pendant Spacelab. Et quel concert ! Certes, la froideur métallique de la musique de Kraftwerk aura pu en laisser quelques-uns de marbre. Mais en voyant ces quatre silhouettes aux combinaisons lumineuses, postées derrière leurs pupitres (la marque de fabrique du groupe en live depuis deux décennies), j’ai l’impression tenace d’assister en direct à 50 ans de musique électronique qui se recrée sous mes yeux. Home Computer, The Man-Machine, Autobahn, tout est là, ces mélodies synthétiques, ces rythmes minimalistes venus de nulle part et de partout à la fois… Et évidemment, les visuels, partie intégrante de l’esthétique du groupe, célébrant des décennies d’avancées technologiques, du TGV aux ordinateurs en passant par la télétransmission (le célèbre Tour de France !). Les vidéos sont kitsch, façon images de synthèses des années 90, presque un peu dérangeantes à l’ère de l’IA photoréaliste. En ressort un sentiment hypnotisant, celui d’être à la fois dans le futur et dans le passé. Après avoir quitté leur pupitre un par un, s’inclinant à tour de rôle devant le public, les 4 Allemands reviennent interpréter The Robots. Les humains de la Route dur Rock, eux, se souviendront longtemps de ce concert.

M.C.

Maria Somerville 

Photos par Jules Vandale
Photos par Jules Vandale

Chacun a ses petits secrets pour un réveil en douceur. Certains filent sous une douche bien chaude au parfum régressif, d’autres appuient une dernière fois sur le bouton snooze pour prolonger un rêve où le capitalisme n’existe pas, et puis il y a ceux qui laissent tourner leur George Foreman Grill à côté du lit pour être accueillis, yeux encore mi-clos, par le fumet salivant du bacon. Pour son dernier jour, la Route du Rock a trouvé une recette plus sûre : programmer Maria Somerville, en ouverture. Quelques mois après la sortie de Luster sur 4AD, l’Irlandaise séduit de nouveau, accompagnée d’un bassiste, d’un batteur et de sa fidèle Fender Jaguar (que je verrais bien rejoindre ma collection de… trois guitares). C’est déjà la troisième fois que j’assiste à son live en 2025, et toujours la même magie : un shoegaze d’une simplicité désarmante, fait d’accords ouverts que n’importe quel prof de guitare placerait dans ses toutes premières leçons, mais dont la beauté reste inégalée. Dans ma chronique du disque, je notais que « le bruit de fond inondant ma chambre était ce qu’on est censé entendre lorsqu’on s’approche un peu trop près du Paradis ». On ne vient pas ici pour pogoter, mais pour se laisser happer par Garden, Up ou Spring – qui méritent toute l’écoute attentive et apaisée possible.

J.V.

La Femme

Photos par Jules Vandale
Photos par Jules Vandale

Je n’ai jamais vraiment écouté La Femme. Ou plutôt : jamais plongé dans leurs albums en boucle, seulement quelques singles éparpillés dans mes playlists, sans chercher à comprendre la bigger picture d’un groupe décidément pas comme les autres. Du coup, contrairement à Dewey et son fameux « je ne m’attendais à rien et je suis quand même déçu », je ne m’attendais effectivement à rien du concert de La Femme à la Route du Rock — et je n’ai vraiment pas été déçu. Déjà parce qu’il faut le dire : le show était franchement cool. Prestance scénique des nombreux musiciens, visuels projetés en arrière-plan (mention spéciale à ceux sur Sphinx)… tout y était. Et justement, Sphinx m’a fait réaliser le cœur du set : comme je le disais, je n’ai jamais écouté La Femme d’une manière aprofondie, et pourtant, plus de la moitié des titres de la setlist se sont instantanément rattachés à des souvenirs précis — ce que 95 % des albums que j’adore ne parviennent pas à provoquer. Sphinx ? Un après-midi à Brest avec une amie, en janvier 2017. Elle ne t’aime pas et Où va le monde ? Les courses au Monoprix de Vannes, fin 2016, quand j’étais encore coincé dans mes études de droit. Antitaxi ? La reprise mi-sérieuse, mi-ironique d’un groupe de potes nommé les Rusty Beers, à la Pointe Lafayette en janvier 2019. Foutre le bordel ? Les soirées à quatre dans mon petit appart du 20e, en plein couvre-feu Covid de début 2021. Bref : un concert comme une madeleine de Proust géante. Signe d’un groupe qui sait prendre soin de ses hits comme de son public.

J.V.

King Krule 

Photos par Jules Vandale
Photos par Jules Vandale

Qu’on se le dise : les deux journées que j’attendais le plus à cette Route du Rock 2025, c’étaient le jeudi et le samedi. Au risque d’en décevoir certains, je suis trop jeune pour avoir grandi avec Pulp. En revanche, j’ai commencé à m’intéresser à la musique pile entre 6 Feet Beneath the Moon (2013) et The OOZ (2017), quand King Krule bouleversait le petit monde de l’indie. Autant dire que j’attendais son concert du jeudi soir avec impatience – enfin l’occasion de voir sur scène l’un des artistes les plus marquants de sa génération. 23h30, c’est l’horaire parfait pour une musique aussi nocturne, ce mélange d’indie rock et de JAZZ (les majuscules sont de rigueur, le saxophone utilisé sur scène est gigantesque). Plutôt taiseux – ou concentré, diront certains – Archy Marshall reste un vocaliste hors pair, crooner torturé s’il en faut. Sa Fender Mustang rejoindra d’ailleurs ma collection de guitares (quatre, si tout se passe bien, une fois récupérée celle de Maria Somerville). De mon œil de photographe, c’était sans doute le concert le plus excitant à capturer, même si 95 % de mes clichés ne montrent qu’Archy. Et puis ce moment : Easy Easy, depuis l’espace VIP du Fort Saint-Père, avec une vue plongeante sur le saxophoniste s’offrant le bain de foule le plus chouette qu’il m’ait été donné de voir. Peut-être le pinacle de ce qui fait de la Route du Rock mon festival préféré.

J.V.

J’aurais pu parler de…

Biche, Fine, Black Country New Road, Astrid Sonne… La Route du Rock 2025 a encore tenu son rang : une édition dans la grande tradition malouine, autrement dit, un régal permanent pour les oreilles. Mais au-delà des concerts, elle m’a surtout rappelé une évidence : la musique, c’est encore mieux entouré de copains. Surtout quand ton acolyte principal du week-end se réveille de sa sieste à cause de son propre pet trop bruyant, enchaîne direct sur des TikToks de chiens baveux, râle contre les suspensions de ta voiture dans le champ qui constitue le parking Pro 2, et t’assure un rôle de copilote si approximatif que tu te retrouves à faire le tour complet du barrage de la Rance, supplément attente que son pont mouvant daigne se baisser. La Route du Rock, c’est aussi ça : une alimentation plus que douteuse, faite de doses médicalement suspectes de Monster Energy, de moules marinières, de guerre barquettes au chocolat / figolus, de baguettes tradition au sarrasin et de wraps poulet pané / mayo curry. Bref : exactement ce qu’un festival doit être. Pour 2026, ramenez vos potes avec vous !

J.V.