The Rodeo (Arlequine) bannière
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© Julien Bourgeois

Sur "Arlequine", album de résilience et de dépassement, Dorothée Hannequin s’affirme artiste multifacette et gracieuse héritière de la pop francophone la plus sophistiquée, celle de Michel Legrand, Nino Ferrer, France Gall ou Françoise Hardy. Après "Thérianthropie Paradis" (2018), où elle assumait pour la première fois le chant en français en même temps que sa part sauvage, sensuelle, sur un album de chansons ivres d’amour, de mélodies et d’harmonies, la revoilà parée de mille couleurs avec "Arlequine", album de rupture et de renaissance. La musicienne s’est confiée sur les modalités de cette réinvention de soi.

Arlequine apparaît dans la lignée – pop, baroque, en français – de ton précédent album mais comme son double négatif. Autant Thérianthropie Paradis semblait affirmer un amour, autant celui-ci raconte la déception, la lassitude, le deuil de la relation. Faut-il l’entendre comme un album de rupture ?

Cet album parle évidemment de la fin d’une très belle histoire d’amour. Mais il est aussi libérateur parce que pendant les deux dernières années de cette relation, j’avais un peu l’impression de vivre sous cloche, d’être enfermée dans cette histoire, dans une personne qui n’était pas moi. Quand on est en couple et qu’on gomme trop de choses de soi-même, au bout d’un moment, tout se noue, et on ne peut plus défaire ces nœuds, retrouver le fil de la relation. L’album parle d’une femme multifacette, une «Arlequine», parce que je menais alors une sorte de double vie : une vie conjugale très simple, très organisée, rangée, et une autre vie quand je sortais avec mes ami·e·s, où je respirais, où j’étais une autre personne en un sens, qui voyageait, allait voir des concerts, buvait des coups, s’amusait, sans qu’il y ait de tromperie, mais comme une soupape nécessaire, où je pouvais être moi-même. La séparation m’a libérée d’une relation qui m’étouffait et me rendait malheureuse, et l’album parle de tout ça, mais pas seulement.

La première chanson, Courir, courir, courir, est très vive et entraînante, et pourtant ses paroles sont profondément dépressives.

Oui, elle parle de la rupture amoureuse – pas seulement celle-ci d’ailleurs, mais d’autres aussi qui l’ont précédée – et de ces moments de profonde tristesse où tu as envie, presque, qu’on te foute la paix et qu’on te laisse vivre ta dépression jusqu’au bout. Tes potes ont beau te dire : «T’inquiète pas, ça va aller, tu vas t’en sortir», tu veux toucher le fond, souffrir vraiment, scroller dans ton lit les Instagram des autres, te complaire dans l’état d’une personne malheureuse, pour remonter ensuite par toi-même… C’est aussi une demande d’attention bien sûr, pour que les gens viennent te voir et te réconfortent.

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