En huit albums et 25 ans de carrière, Hot Chip fait définitivement partie du panthéon de la pop indépendante. Ce qui justifie complètement la parution de leur premier et excellent best-of, "Joy In Repetition", début septembre. Alexis Taylor et Joe Goddard, têtes pensantes du groupe, étaient de passage à Paris et ont répondu à quelques questions de Magic.
Ce best-of vous a fait regarder dans le rétroviseur… qu’y avez vous vu ?
Alexis : C’était l’occasion pour nous de nous retourner sur toute la carrière du groupe et de réfléchir aux chansons qui ont beaucoup compté pour nous, et qui comptent encore aujourd’hui. Quelles chansons représentent bien le groupe, quels singles, lesquelles résonnent le plus avec les gens ? C’est donc une combinaison de ces chansons : Over and Over, Ready For The Floor… et puis certaines, moins connues, mais très importantes pour nous : Positive, par exemple. Certaines sont des passages clés de nos concerts, qui ont passé l’épreuve du temps, comme par exemple Boy From School, qu’on jouait avant même de l’avoir sortie, tout comme Over and Over… On a une relation spéciale avec elles, le public aussi. Donc mettre ça sur le même disque, au même endroit, ça permet de marquer le coup.
Les chansons ne s’enchaînent pas dans l’ordre chronologique, pourquoi ?
Alexis : Nous sommes 5 dans le groupe et on a tous des approches différentes quant à cette question. Il y a un certain temps, j’avais déjà réfléchi à la meilleure manière de faire si nous devions faire un best of. Je pensais à mettre tous les singles sur un disque, puis toutes les B-Side sur le second, un peu à la manière de Substance de New Order. Sauf que quand on s’est réunis avec tout le groupe et le label, personne ne voulait vraiment faire comme ça. Finalement, c’était l’occasion de faire les choses à notre manière.
Joe : J’aime bien l’idée de pouvoir mettre les chansons dans l’ordre qu’on veut, ça permet de faire des ponts entre les chansons et les époques. Finalement, c’est un peu la manière dont fonctionnent nos concerts ! Tout mélanger, pour faire quelque chose qui a du sens en termes d’énergie et de mélodie.
Aucune chanson de votre premier album n’y figure… pourquoi ?
Joe : C’est une bonne question. J’adore cet album, j’aime son innocence et en terme de son il est très lo-fi, parce que nous avions peu d’expérience du processus d’enregistrement, qu’on l’a fait entièrement par nous même, dans ma chambre. On était en train d’apprendre en faisant. J’adore certaines chansons de l’album mais en même temps, le sens de l’humour me paraît un peu enfantin maintenant.
Alexis : Même après tout ce temps, je trouve certaines chansons sont vraiment bien, comme Shining Escalade. Sauf qu’inclure ces chansons à côté de tant de singles, ça donne une vibe différente. C’est une partie de la raison pour laquelle on en a laissé de côté.
D’ailleurs, ce best-of, c’était votre idée ou celle du label ?
Alexis : Celle du label. Mais c’est vrai que je me suis déjà dit à chaque fois qu’on faisait un album, qu’on sortait des singles, pourquoi pas ? Est-ce que ça serait assez fort pour finir sur un best-of dans le futur ? C’est pour cela que lorsque le label est venu nous proposer cette idée, j’ai trouvé ça cool qu’ils veuillent le faire parce que nous, on ne l’aurait pas forcément proposé. On a dit oui, on ne s’est même pas posé la question ! Je crois qu’il y a un certain temps, on y avait déjà réfléchi et on s’était dit qu’on avait pas une carrière assez remplie pour sortir un best-of.
Il y a un inédit sur cet album, Devotion. Quelle est son histoire ?
Joe : On a fait cette chanson l’année dernière, on l’a enregistrée uniquement pour cette compilation. Nous nous sommes vus dans ce studio d’East London où on a l’habitude de se retrouver, pour enregistrer tout un tas de trucs mais aussi pour traîner, passer du temps ensemble… Donc c’était chouette d’avoir l’occasion d’enregistrer une nouvelle chanson avec tout le monde réuni dans la même pièce, ce qui est rare. En ce moment, le groupe est un peu éparpillé autour du monde. Felix (Martin) vit à New York et Al (Doyle) est souvent aux États-Unis à jouer avec LCD Soundsystem. On s’est donc réunis pour créer quelque chose qu’on trouvait digne d’être sur ce best-of.
Alexis : Composer spécialement pour le best-of, à mon avis c’était la meilleure chose à faire. On a plein de B-sides et même des chansons récemment composées mais jamais sorties, mais là on a vraiment pu se mettre dans un état d’esprit particulier, à savoir de se poser la question de savoir quelle est l’âme de Hot Chip. On avait un peu la pression, mais c’est de la bonne pression. Donc on a composé en réfléchissant au cœur de nos influences. Dans l’une des premières versions de la chanson, il y avait ce côté Wall of Sound de Phil Spector, qui a évolué en quelque chose de moins rock, avec plus de synthés. C’est une chanson qui parle de dévotion, donc c’est génial, comme a dit Joe, qu’on soit tous dans la même pièce, même Rob (Smoughton) et Leo (Taylor), qui jouent avec nous en live, tous ici dévoués à cette chose qu’on fait depuis 25 ans… Et puis, ce n’est pas intentionnel mais dans “Devotion” il y a “Devo” et c’est marrant parce que c’est l’une de nos grosses influences, particulièrement à nos débuts ! C’est comme avec le titre de l’album, Joy In Repetition. Ce sont les paroles de Over and Over mais c’est aussi une référence à la chanson de Prince, Joy In Repetition, qui était partiellement dans ma tête quand on faisait Over and Over. Quant à la pochette, l’idée d’avoir ce petit singe est inspiré d’un groupe qu’on adore, Royal Trux, et à leur album Accelerator, dont le son nous a inspiré au moment de composer Over and Over. Donc tout cela, c’est une célébration de ce que l’on fait et en même temps on y a caché des petits indices quant aux influences du groupe.
Quand on regarde votre carrière, j’ai l’impression que vous n’êtes pas vraiment rattachés à un mouvement en particulier. Vous ressentez la même chose ?
Alexis : Je pense qu’on trouve des gens similaires en termes de vision, je pense à Optimo, c’est d’ailleurs très triste que Keith (McIvor, alias JD Twitch, moitié du duo) vient de décéder. On ne faisait pas partie de la même “scène” mais quand on était plus jeunes on s’est rencontrés et on a été très inspirés par ce qu’ils faisaient en tant que DJ, l’environnement qu’ils créaient… Ensuite il y a les gens de DFA Records… En fait il y a ces “collègues”, qui ont des visions similaires aux nôtres… Mais c’est vrai qu’on ne s’est jamais inclus dans une scène en particulier. Peut-être que c’est quelque chose qui émerge au fil du temps et qui prend plusieurs formes.
Comment vous voyez la suite ?
Alexis : On est déjà en train de composer de nouvelles chansons avec Hot Chip. Moi, je vais sortir des titres en solo, et puis il y a plein de projets sur lesquels Joe et moi on est impliqués, avec d’autres gens… Donc plein de choses arrivent !
Joe : Avec Hot Chip j’espère qu’on aura quelques semaines, tous ensemble cet automne pour enregistrer. On est déjà en train de réfléchir au prochain album.
