Avec "DON’T TAP THE GLASS", le rappeur californien appuie fort sur les grooves et invite à s’oublier un peu dans le fun de l’action.
La prod se résume à un beat bas de plafond. La fuzz des basses cogne la tête. Le clavier riffe en imitant le bip d’une alarme détraquée. Et tiens, l’ego qui enfle et crève l’écran de fumée ! Ce coup-ci, ça s’appelle Stop Playing With Me. Mais on aurait aussi bien pu penser à Who Dat Boy (Flower Boy, 2017), New Magic Wand (IGOR, 2019), Lumberjack (CALL ME IF YOU GET LOST, 2021) ou encore Rah Tah Tah qui figurait sur CHROMAKOPIA il y a quelques mois. Des comme ça, Tyler, The Creator nous en sort un par disque. C’est l’inévitable morceau glissé en souvenir de sa première carrière d’esprit frappeur du rap (2008-2015, avec ou sans ses copains d’Odd Future), et que l’on retrouve au milieu d’albums de plus en plus ourlés – avec un concept, un début, une fin, des ponts, des coquetteries et, sans parler de sérieux, disons beaucoup d’application. Si Stop Playing With Me perpétue cette tradition, on aurait du mal à en faire l’idiot du disque pour autant. Pas qu’il ait trouvé plus primaire que lui, mais dans l’effervescence de ce neuvième album, personne ne vous entendra gamberger.
Il n’y a qu’à voir la dégaine que se trimballe Tyler sur la pochette – la consistance d’un figurant de jeu vidéo, torse nu, enguirlandé comme LL Cool J – pour sentir que la conversation ne sera pas son fort. Il a, comme on dit, d’autres qualités. DON’T TAP THE GLASS, c’est dix titres qui se tiennent en moins de trente minutes, pare-chocs contre pare-chocs dans le trafic des musiques dance du sud des États-Unis. Point de chute : la pelouse d’une house party, piétinée par le stomp des standards actuels de production et délavée par un soleil vieux de trente ou quarante ans (Sucka Free qui baigne dans le R’n’B de l’ère Bill Clinton, un Ring Ring Ring qui ferait se dandiner un yuppie au tout début des années 1980). Après quatre albums plus ou moins lourds de sens et de confidences, DON’T TAP THE GLASS tient du rafraîchissement ; il ne court pas après nos sentiments, semble à l’aise avec l’idée que ses effets s’estompent vite et réussit son coup puisqu’on y revient constamment. Tellement qu’on regrette un peu que le rappeur de 34 ans se soit senti obligé de s’expliquer haut et fort sur ses intentions. Quoi de mieux qu’un post sur X pour prendre la défense d’une musique aussi récréative ? Eh bien, laisser faire. Laisser faire les couplets de Pharrell Williams (qui rappe ici sous le pseudo Sk8brd), en dérapage contrôlé sur un Big Poe avec traces de provoc et de caoutchouc. Laisser faire tout ce qui monte à la tête avec le synth-funk de Sugar on My Tongue ; dégénère sur Don’t Tap That Glass / Tweakin’ ; redescend avec l’Atlanta bass de Don’t You Worry Baby et les charmes de Madison McFerrin… Si on suit notre propre logique, on avait sans doute beaucoup mieux à faire que d’écrire cette chronique.
SORTIE CD, VINYLE ET NUMÉRIQUE