Brett Anderson : « Suede est dans sa période noir et blanc »

Alors que Suede vient de révéler “Antidepressants”, rencontre avec Brett Anderson pour évoquer la période «noir et blanc» du groupe et leur quête de l’énergie des débuts du groupe anglais.

Dans le son, dans la pochette noir et blanc, on sent une continuité entre Autofiction et Antidepressants. Est-ce que c’est le cas selon vous ? 

Oui, bien sûr. Souvent, je considère que les disques vont par paire. C’était le cas pour les deux précédents, NIght Thoughts et The Blue Hour. C’est le cas pour les deux derniers. Enfin, Suede est dans sa période noir et blanc et j’aimerais bien faire un autre album dans les mêmes tonalités. Même si chaque album est différent, il y a une continuité, une sensibilité rock sombre qui est au cœur de tout Suede. 

Cela se remarque dès la pochette, où vous ressemblez à un ange déchu avec d’immenses ailes…

Je n’avais jamais pensé à ça ! Rien à voir. Nous nous sommes inspirés d’un tableau de Francis Bacon qui s’intitule Figure with Meat. Enfin, plutôt d’une photo de John Deakin qui avait repris l’idée de Bacon en le photographiant devant deux carcasses de bœuf. Je connaissais cette image mais c’est en la revoyant récemment que j’ai trouvé qu’elle faisait très Suede. Avec Paul Khera, qui s’occupe de notre artwork, nous en avons livré notre propre version. Ça dégage un sentiment de mortalité et une sorte de brutalité charnelle, comme notre musique. 

Est-ce que certaines chansons de ce nouvel album datent d’Autofiction ? 

Non, mais il y a deux titres qui ont été écrit pour un projet de ballet que nous avons abandonné depuis : Somewhere Between an Atom and a Star et Life is Endless, Life is a Moment. Elles peuvent sembler incongrues par rapport au reste de l’album mais je pense qu’elles donnent aussi une autre saveur à l’ensemble. 

Vous avez définitivement laissé tomber cette idée de ballet ? 

Peut-être y reviendrons-nous mais j’avoue que je préfère être dans un groupe de rock en ce moment. En fait, quand Autofiction est sorti, nous avons tous réalisé à quel point nous aimions redevenir un groupe de rock et nous nous sommes laissés porter par cela. On est vraiment très bon en concert. Il y a une énergie incroyable entre nous en ce moment qui nous a poussé à écrire de nouvelles chansons, à changer aussi. Je ne pense qu’il y ait beaucoup de groupes qui continuent, après trente-cinq ans de carrière, à faire évoluer leur son. 

Justement, qui est à l’origine de cette évolution de Suede ? Vous êtes plus punk, moins glam qu’à vos débuts. C’est comme si vous préfériez désormais l’énergie brute à la sophistication…

Plus je vieillis, moins je recherche la sophistication dans ma musique. Au contraire, je préfère la naïveté. Rechercher quelque chose de pure et d’honnête. Si vous pouvez y arriver sans paraître trop affecté, c’est plutôt cool non ? C’est un peu comme Picasso. Au début de sa carrière, c’était un peintre très sophistiqué et puis il a découvert le cubisme, le brutalisme, le primitivisme et toutes ces choses-là. Je ne compare pas Suede à Picasso, ce serait terriblement prétentieux. Mais je pense que si votre carrière dure assez longtemps, vous passez par des phases. Et l’une des phases inévitables, c’est de rechercher quelque chose de plus primitif dans votre travail. En fait, je recherche l’énergie de nos débuts, quand le groupe s’est formé en 1990. Nous étions cinq à jouer dans les pubs, personne ne s’intéressait à nous parce que nous n’étions pas particulièrement bons mais il y avait cette énergie brute.