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Stardust
Danny Brown
Warp Records

Avec « Stardust », Danny Brown se fout de la crise de la quarantaine du rap US (et c’est tant mieux)

Trois disques et demi (il en partage un avec JPEGMAFIA) et une cure de désintox plus tard, il est temps d’admettre que Danny Brown avait sans doute dans l’idée de devenir un chiot quand il serait grand.

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Avec son intérieur bien tenu, balayé par des vaguelettes de guitare et quelques leçons de vie apprises à la dure, la première piste du septième album de Danny Brown s’intitule… The Book of Daniel. Manque de bol pour le rap US – qui aurait bien besoin qu’on lui annonce la venue d’un messie ces temps-ci –, on n’y trouve ni apparition de main divine ni rêve de colosse aux pieds d’argile. En panne générale d’inspiration et infoutu de caser un seul single dans le Top 40 du Billboard Hot 100 il y a quelques semaines (ce qui n’était plus arrivé depuis 1990 !), le rap US traverse sa crise de la quarantaine. Le rap US ne va pas bien, et Danny Brown s’en fout. Pas prophète pour un sou, notre Daniel à nous (Daniel Dewan Sewell au civil, né à Détroit en 1981) ne s’est jamais senti investi d’une mission (“I walk around this earth with my head held high / ‘Cause I know I told the truth, and this game is a lie”), pas plus qu’il ne se rêve assis sur une montagne de streams (“How we go from mixtapes to clickbait?”). Quinze ans déjà qu’il fait tourner sa petite affaire, dans son coin et avec deux-trois invariants : un air de défaite inséparable du plus beau rire de la planète rap ; un habitus de vrai original, la pâteuse et le hoquet d’Oncle Waldo dans les Aristochats ; et cette curiosité bien au-dessus de la moyenne, régulièrement convertie en prods fabuleuses qui nous auront fait tous les coups, des frat houses qui menaçaient de s’effondrer sur Old (2013) au vertige néo-noir du chef-d’œuvre Atrocity Exhibition (2016).

Trois disques et demi (il en partage un avec JPEGMAFIA) et une cure de désintox plus tard, il est temps d’admettre que Danny Brown avait sans doute dans l’idée de devenir un chiot quand il serait grand. Son Stardust est un album plein de baballes en gomme, hyperpop, hip-house, digicore, drum’n’bass, d’inspiration Dizzee Rascal ou d’imitation K-pop, émoji tête à l’envers qu’importe le mouvement, balancées par des collaborateurs qui ont la moitié de son âge et à côté de qui il est tout sauf à la traîne. Pour commencer, toutes nos excuses : des balles courbes comme 1l0v3myl1f3! (feat. femtanyl) ou Starburst, produite par le Portugais Holly, sont tout bonnement impossibles à retracer dans leurs multiples développements. D’autres, comme Flowers (feat. 8485) ou Copycats, tiennent davantage de la passe laser tant le refrain nous arrive droit dans les pattes – on doit celui de Copycats à l’Américaine underscores et à sa glitch pop scotchante, croisées chez Oklou plus haut dans ce top. Le vice de certaines chansons et l’évidence des autres se rencontrent même à plusieurs reprises au long des presque 9 minutes de The End (feat. Ta Ukraїnka, Zheani & Cynthoni), morceau de haut vol qui ne retombe pas avant d’avoir trouvé une issue à la dépendance. Maintenant que vous avez fait le plus dur en vous représentant un homme de 44 ans en petit chiot bondissant, encore un effort et vous le verrez sourire de toutes ses dents. Ça ne sauvera pas le rap US, mais Danny Brown se porte à merveille.

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