Trois chroniqueurs de Magic sont aussi auteurs de livres remarquables, récemment parus ou réédités. Pierre Evil ("Gangsta Rap"), Frédérick Rapilly ("Mark Hollis ou l’art de l’effacement, Une histoire de Talk Talk") et Cédric Barré ("Le Moujik et sa femme" pour la collection Discogonie) vous racontent pourquoi et comment ils ont plongé dans ces sujets et se sont engagés dans l’écriture pop sur la longueur.
CÉDRIC BARRÉ
Jean-Louis Murat : Le Moujik et sa femme
Parution : 06/05/2025


L’idée d’écrire sur Murat est née pendant la période de confinement. Suiveur passionné de la carrière de l’Auvergnat depuis la découverte de Dolorès, je m’étonnais qu’il n’existe (à l’époque) aucun livre retraçant ses trente ans de carrière. Bataille avait bien tenté quelque chose mais le ton était trop polémique pour faire autorité. J’avais entre les mains le In Utero de Palem Candillier publié chez Densité et je trouvais dans le concept de cette collection une forme qui me permettrait d’explorer à la fois la personnalité complexe de Murat et de m’attarder, grâce au “track by track”, sur la richesse de son écriture. Coincé entre Mustango, son grand œuvre, et le colossal Lilith, le débraillé et organique Le Moujik et sa femme, n’avait à sa sortie ni convaincu une presse d’habitude acquise à la cause de l’Auvergnat ni séduit son public fidèle : en comprendre les raisons devenait donc une évidence. Réévalué au fil des années comme un de ses meilleurs albums – un des préférés du poète bougon – il renferme ses chansons les plus emblématiques et les plus efficaces. Disque matriciel au titre déroutant, enregistré en quelques heures avec une équipe jeune, Le Moujik est avant tout une démonstration de force à maturation lente, noyée au début des années 2000 dans le flot des innombrables sorties discographiques de Murat. Ce guide revient sur sa genèse et éclaire en creux le virage esthétique radical pris par cet artiste bien au-dessus de la mêlée, à l’œuvre monumentale inépuisable.
Cédric Barré
140 pages – 12,90 € – Éditions Densité
FRÉDÉRICK RAPILLY & JAMES MARSH
Mark Hollis ou l’art de l’effacement, Une histoire de Talk Talk
Parution : 07/11/2024

Un soir, sur une péniche, une amie me présente un gars s’apprêtant à lancer une nouvelle maison d’édition. J’ai écrit quelques thrillers et des livres notamment sur un chanteur pour vieilles dames nommé Frank Michael, ce qui fait (sou)rire Xavier (l’éditeur). On tchatche, évoquant des groupes comme Minimal Compact. Très vite, Xavier me demande : «Tu as carte blanche, sur qui écris-tu ?». Première idée : New Order. Mais Peter, Bernard, Stephen et Gillian se sont déjà racontés en long et en large, et avec talent. Deuxième idée : Mark Hollis et Talk Talk. Aucun ouvrage n’existe. Il y a un truc à creuser. Mark meurt soudainement alors que j’entame mon enquête. On arrête ou pas ? Je convaincs Xavier de continuer (ce n’est pas très dur). Petit à petit, j’entre en contact avec d’anciens membres de TT (Simon Brenner, Paul Webb…), l’ingénieur du son Phill Brown (Spirit of Eden, Laughing Stock). Sur Facebook, je me fais incendier par les fans anglophones, furieux qu’un Froggie soit sur le coup. Je leur réponds : “Fuck you!”. Je peux être très impoli. Le livre sort en 2021, est traduit en anglais, et devient «culte». Des petits malins spéculent. Il vaut jusqu’à 480 euros. Fin 2024, on le republie à un prix normal en français et en anglais, en version beau livre augmentée avec les illustrations de James Marsh, le graphiste de Talk Talk. Depuis, Charlie Hollis, l’un des fils de Mark, m’a contacté pour son projet Held By Trees avec David Griffiths, et les fans me demandent aujourd’hui des dédicaces. Life’s what you make it…
Frédérick Rapilly
110 pages – 34 € – Éditions Le Boulon
PIERRE EVIL
Gangsta Rap (3e édition augmentée)
Parution : 28/05/2025

Comment, en devenant G-Funk, le gangsta rap de Los Angeles a-t-il conquis le monde ? Comment une rivalité musicale comme il y en a eu tant dans l’histoire a-t-elle pu se transformer en monstrueuse machine à broyer, et faucher deux des plus grandes stars des États-Unis, 2Pac et Biggie ? Comment, surtout, une musique née à New York, fièrement native du South Bronx, a-t-elle fini par se fondre dans le rêve hédoniste et ensoleillé du California Love ? Ce sont les questions auxquelles j’ai voulu répondre en 2005 dans Gangsta Rap en proposant, après une introduction consacrée à la ville de Los Angeles elle-même, les portraits de figures devenues des légendes de la culture populaire (Dre, Snoop), les élégies de ceux qui sont tombés (Eazy-E, 2Pac), et le récit de la première carrière de ceux qui sont passés à autre chose (Ice-T, Ice Cube). Vingt ans plus tard, alors que le livre connaît sa troisième édition, j’ai fait prendre à Gangsta Rap une déviation. Quittant les freeways californiennes pour rejoindre l’univers liquide des mixtapes du Dirty South, le dernier chapitre du livre coécrit avec le regretté Fred Hanak salue désormais les héros tatoués du Dirty South, les Lil Wayne, Young Jeezy et Gucci Mane qui, depuis les projects de New Orleans ou les trap houses d’Atlanta, ont remplacé dans les années 2000 les Gs de la West Coast comme nouvelles icônes subculturelles, sulfureuses et fascinantes. Comme Ice-T le disait déjà (presque), il y a quarante ans : Gangsta Rap will never die, just multiply…
Pierre Evil
458 pages – 30 € – Éditions Le mot et le reste