Quand on rencontre l’un des groupes les plus inventifs de la scène indie américaine, il n’est pas étonnant que l’interview prenne des airs presque métaphysiques. Quelques mois après la sortie de "It’s a Beautiful Place", nous avons parlé de dinosaures, de psychopathes et du destin de l’univers avec Nate Amos et Rachel Brown, membres centraux de Water From Your Eyes.

L’album s’ouvre avec One Small Step et se termine avec For Mankind. Comme si c’était un disque destiné à être écouté sur la Lune. Mais pourquoi commencer un album qui est en réalité un grand saut artistique pour vous – c’est votre premier disque avec un groupe au complet – par un morceau qui s’appelle One Small Step ?

Nate Amos (guitare / production) : Ce n’est pas si énorme. C’est juste de l’indie rock. Mais je crois que c’était l’idée de Rachel.

Rachel Brown (chant) : Oui, j’ai l’impression que… enfin, c’est comme “one small step for man, one giant leap for mankind”. Mais en réalité, je ne pense pas que l’humanité fasse de grands bonds. Seulement de petits pas.

Oui, mais sept milliards de petits pas finissent par faire un grand saut.

Rachel : C’est un bon point.

Et pourquoi dis-tu, Nate, que ce n’est « que » de l’indie rock ? L’indie rock ne peut plus faire de grands bonds aujourd’hui ?

Nate : Si, j’imagine. Mais je pensais surtout au fait qu’un des grands thèmes de l’album, c’est cette tension étrange entre l’importance immense de nos vies, la réalité très forte des connexions humaines, et le fait que tout ça existe dans un univers immense où nous jouons un rôle minuscule. Et même à l’échelle de la Terre, si tu essaies de faire un « grand geste » ou de transmettre quelque chose de fondamental, même dans l’art, l’indie rock est une façon assez drôle de s’y prendre.

Justement, j’avais une question à ce sujet. Dans le communiqué de presse, vous dites : « si la musique et toutes les pratiques humaines sont insignifiantes à l’échelle cosmique, pourquoi cela semble-t-il si important ? » Est-ce que tu arrives à expliquer pourquoi ça nous paraît si essentiel, ou est-ce que ça reste une question ouverte ?

Nate :  Je pense que c’est parce que l’univers est trop vaste pour que nous puissions le comprendre. Du coup, la valeur que nous accordons aux choses dépend du niveau de compréhension que nous sommes capables d’atteindre. Même si ces choses sont insignifiantes pour un univers froid, immense et sombre, pour nous – pour notre univers tel que nous le percevons – elles sont extrêmement importantes.

Et selon toi, quel sera l’héritage de la musique et des arts majeurs dans sept milliards d’années, quand le soleil aura englouti la Terre ? Penses-tu que tout ça laissera une trace, peut-être pour de futurs habitants de l’univers ?

Nate :  Tu te souviens de quelque chose datant d’il y a sept milliards d’années ? Non, je n’étais pas né.

Rachel : Je ne sais pas. Je pense que tout ce qui est sur le Golden Record, si jamais une forme de vie intelligente tombe dessus – ce à quoi on fait référence avec le Golden Record et les signes de vie – peut-être que ça survivra. À part ça… je ne pense pas que la Terre existera encore avec des humains dans sept milliards d’années.

Si vous deviez choisir une chanson à placer dans une capsule temporelle et à envoyer dans l’espace, laquelle serait-ce ?

Rachel :  Life Signs.

La plupart de vos morceaux ressemblent à des chansons pop, mais avec quelque chose de légèrement décalé. On a l’impression d’un « uncanny valley » de la pop. Est-ce quelque chose que vous recherchez consciemment, ou est-ce que ça vient naturellement dans votre écriture ?

Nate :  Ce n’est pas un objectif. C’est juste la manière dont ce projet existe. Il n’y a aucune intention de faire quelque chose de dérangeant. Il y a juste l’intention de faire quelque chose d’intéressant. Je pense que beaucoup de pop moderne n’a pas vraiment vocation à être intéressante – ce n’est pas son but. Le but de la musique populaire, c’est souvent d’être une expérience commune, accessible sans prérequis. Et ce n’est simplement pas exactement ce que nous faisons, pour le meilleur ou pour le pire.

Si je ne me trompe pas, tu as grandi en jouant du black metal, ce genre de choses. J’ai l’impression que le fait de commencer avec des musiques très extrêmes, notamment techniquement, donne des outils pour créer des environnements sonores étranges. Qu’est-ce que tu as gardé de tes premières années de musicien ?

Nate :  Le black metal est un intérêt assez récent pour moi. J’ai grandi en jouant du bluegrass, ce qui est très différent, mais la question reste valable. Je ne sais pas. Tout le monde est la somme de ses expériences. Musicalement, j’ai passé la majeure partie de ma vie à écouter des musiques très différentes, parfois incompatibles entre elles. Si tu essaies de tout assembler, le puzzle devient beaucoup plus complexe et le résultat final plus difficile à cerner.

Quand on essaie de faire quelque chose à partir d’éléments qui ne vont pas naturellement ensemble, comment compose-t-on une chanson ? Parce que je me souviens qu’il y a deux ans, je vous ai découverts via Ulrika Spacek, et ils m’avaient expliqué que leur méthode consistait à agglomérer des idées parfois sans lien entre elles, pour créer une sorte de patchwork. Est-ce que vous travaillez comme ça ? Est-ce que vous collez un couplet A avec un refrain B, ou composez-vous avec la chanson entière en tête ?

Nate : Ça dépend du morceau. Tu composes toujours avec la chanson entière en tête, parce que même si les parties sont très différentes, elles font quand même partie du même morceau.

Mais je dirais qu’il y a souvent une tentative d’intégrer quelque chose qui ne semble pas intuitivement à sa place dans la chanson. C’est plus une fusion d’idées. Parfois, pour débloquer un morceau, tu ajoutes une partie différente et tu te demandes comment relier les deux. Parfois ça fonctionne très bien. Mais pas toujours.

Tu dirais que tu es parfois surpris par l’efficacité d’un changement de rythme ou de mélodie, et que joué dans les bonnes conditions, ça fonctionne encore mieux que ce que tu imaginais ?

Nate :  Oui, totalement. C’est même la partie la plus excitante de la création musicale : quand quelque chose que tu ne pensais pas viable fonctionne, ou quand tu fais quelque chose par accident et que c’est meilleur que tout ce que tu aurais pu faire volontairement. C’est là que se trouve la joie.

As-tu un exemple précis d’un moment en studio où tu t’es dit : « oh mon dieu, c’est génial » ?

Nate :  Laisse-moi réfléchir. Sur cet album en particulier… Je pense que Playing Classics est un bon exemple. Le riff de guitare qui s’est transformé en riff de piano dans ce morceau existait depuis plusieurs années. C’était quelque chose de profondément triste, presque misérable. Le fait de poser un beat dansant par-dessus l’a complètement transformé. Ces deux éléments ont eu un effet très intéressant l’un sur l’autre. Ce n’était pas totalement accidentel : Rachel voulait un morceau plus orienté dance, et je fouillais dans mon ordinateur à la recherche de fragments qui n’avaient pas du tout vocation à devenir des chansons dansantes. Ça a transformé une pièce existante en quelque chose de totalement différent. C’est un bon exemple, parce que je suis passé d’un moment de frustration devant mon ordinateur à me mettre à danser dans ma chambre en me disant  « putain, c’est fou ».

Penses-tu qu’il soit aujourd’hui impossible de faire une pop music vraiment intéressante, ou est-ce qu’il y a encore des artistes qui te donnent de l’espoir, qui arrivent à surprendre ?

Nate : Je pense que, par nature, la pop est devenue plus homogène. On a l’impression que, dans le monde de la pop, plus personne n’essaie vraiment de repousser les limites. À un moment donné, la pop est surtout devenue guidée par la nostalgie. À chaque fois qu’il se passe quelque chose d’un peu intéressant en pop, c’est généralement une référence à quelque chose qui s’est déjà produit. Et j’ai l’impression que, surtout aujourd’hui, beaucoup d’artistes pop qui ont les moyens de faire sonner leur musique de manière très léchée choisissent une forme de rétrofuturisme, en essayant de faire sonner les choses comme avant. Ce n’est pas forcément révélateur de la qualité de l’écriture, mais c’est assez représentatif de la motivation générale de la pop actuelle C’est exactement la même raison pour laquelle la majorité des films à succès aujourd’hui sont soit des remakes, soit des recyclages de tropes déjà vus mille fois. Je ne pense pas que les gens cherchent l’expérimentation dans la pop. Ils cherchent plutôt une forme de confort, une assurance que les choses n’ont pas tant changé que ça. Je suis sûr qu’il existe de la pop intéressante que je ne connais pas, simplement parce que je n’ai pas vraiment l’oreille collée à ce milieu-là. Mais si la pop a un jour été le terrain de jeu privilégié des explorateurs et des défricheurs, j’ai l’impression que cette époque est révolue, au moins pour l’instant.

Oui, et ce que tu dis sur la nostalgie me fait penser que c’est un peu aussi la malédiction de l’indie rock. Tous les dix ans, un nouveau genre émerge, et c’est toujours une référence à quelque chose qui s’est produit quarante ans plus tôt. On a eu le garage rock au début des années 2010, puis le post-punk, peut-être qu’un jour ce sera le shoegaze… C’est un cycle éternel.

Nate : Honnêtement, je pense que la dernière ère de la pop qui n’était pas simplement une référence à une époque précédente, c’était l’alt-rock acoustique des années 90, des groupes comme Third Eye Blind ou Vertical Horizon. Parce qu’ensuite, dans les années 2000, au moins pour la musique à guitares, tout est devenu une sorte de revival post-punk indie new-yorkais. Et à partir de là, tout ce qui a suivi n’a été qu’une version légèrement affinée de ce qui se faisait trente ans plus tôt, rendue plus facile à consommer.

Peut-être que dans trente ans, on dira : « tiens, voilà le revival de l’indie des 2020’s », avec plein de groupes essayant de copier votre son. Et pour changer complètement de sujet : le communiqué de presse dit que l’album parle de dinosaures, de temps et d’espace – des thèmes qui, d’une certaine manière, sont liés à la façon dont les humains essaient d’expliquer ou de contrôler le monde à travers la religion Comme vous avez tous les deux grandi, si je ne me trompe pas, dans des environnements religieux, diriez-vous que It’s a Beautiful Place est, d’une certaine façon, une réaction aux parties de la vie sur lesquelles vous n’aviez aucun contrôle enfants ?

Nate : Je dirais oui, mais je vais laisser Rachel répondre.

Rachel : Penser que j’ai aujourd’hui plus de contrôle sur ma vie qu’avant… J’ai plutôt l’impression que plus on vieillit, plus on prend conscience du monde. Quand j’étais enfant, mes parents contrôlaient beaucoup de choses, mais je n’avais aucune idée de l’ampleur de tout ce qui échappait au contrôle de tout le monde. Mais je ne sais pas… j’ai l’impression que l’album est… Enfin, peut-être que l’art, de manière générale, est une réaction aux choses qu’on ne peut pas contrôler, ou au moins une tentative de refléter la manière dont on vit le monde extérieur sur lequel on n’a aucune prise.

Même si on parvient à s’éloigner de ces contextes-là, penses-tu que ça continue d’influencer la façon dont on se rapporte au monde – et peut-être même à la musique ? Je sais que beaucoup de gens aux États-Unis ont appris la musique à l’église, dans des chorales, à l’orgue, ce genre de choses. Comment te situes-tu aujourd’hui par rapport à ces expériences d’enfance ?

Rachel : J’ai l’impression que tout ce qui nous arrive nous accompagne pour toujours, qu’on s’en souvienne consciemment ou non. Le corps garde la trace. C’est quelque part dans un coin de ma tête, ou simplement inscrit en moi : ces expériences continueront toujours d’influencer la manière dont je vois les choses. Même si j’ai rejeté la religion et que je suis passée à autre chose, la première musique que j’ai pratiquée, c’était le chant à l’église, sur leurs chansons. Après, je ne sais pas… Ma famille n’était pas particulièrement religieuse. J’allais juste dans une école catholique. À chaque fois que je rencontre quelqu’un qui est passé par une école catholique, on se dit tous la même chose : « bon, tu as survécu, mais tu te sens toujours coupable ». C’est quelque chose dont on peut se détacher, mais ça ne veut pas dire que ça n’a pas déjà laissé une empreinte.

Dans le communiqué de presse, il est aussi dit que tu voulais devenir prêtre quand tu étais enfant. Qu’est-ce qui t’attirait là-dedans ? Qu’est-ce que tu trouvais cool dans le fait d’être prêtre ?

Rachel :  Je crois que je voulais simplement parler à Dieu. Je ne voulais pas d’intermédiaires.

Je voulais être celle qui parle directement à Dieu. Mais je n’étais pas un homme, donc dans l’Église catholique, je n’y avais pas droit.

Et est-ce que le fait de comprendre très tôt que tu étais exclue de quelque chose à cause de ton genre a pu jouer un rôle dans la façon dont tu te rapportes à ton identité de genre ?

Rachel :  Oui, je pense que oui. C’était l’une des premières fois où je réalisais que le monde traite le genre de manière extrêmement différente de la façon dont moi je le ferais. Et puis, ça rendait aussi très évident le fait que l’Église catholique est une énorme connerie, parce que je pense toujours que n’importe qui peut parler à Dieu. Ça rend aussi très facile le constat que tout ça est archaïque, dépassé – et que les prêtres sont des pédophiles. Mais je ne suis pas sûre que ce soit une représentation totalement juste. C’est pareil pour tout le monde : tout est aligné d’une certaine manière, et pour moi, c’est ça Dieu. C’est l’interconnexion de l’univers, le fait que tout a un effet. Il n’y a rien qui… si tu observes un électron, il change, tu vois. Donc ouais, je sais pas.

Pour revenir à ce que je disais sur les petits dinosaures dans l’espace : quand j’étais enfant, j’étais obsédé par les dinosaures. C’était vraiment ma grosse hyperfixation ADHD. Et je sais que pour certaines personnes qui ont grandi dans des environnement religieux, ça peut être un sujet tabou. C’était quoi ta relation aux dinosaures quand tu grandissais ? C’étaient des co-créateurs ou déjà quelque chose de symbolique ?

Rachel : J’adorais les dinosaures, et mes parents étaient totalement pour. Mes parents étaient religieux dans le sens où c’était culturellement important pour eux, mais ce n’était pas du tout un foyer anti-évolution ou quoi que ce soit. Il y a encore des jours où j’ai l’impression qu’il existe un univers parallèle dans lequel je suis devenu paléontologue au lieu de musicien. Et il y a clairement des jours où je suis jaloux de cette version de moi-même.

Nate : J’ai l’impression que ma famille aussi n’était pas anti-science. Et tu sais quoi ? Je viens de Chicago et on a Sue, le T-Rex, au Field Museum. Plutôt incroyable. Mais j’avais aussi une peur bleue des dinosaures. Ils me terrifiaient.

Vous aviez un dinosaure préféré ?

Je sais pas si j’en avais un préféré, mais j’avais une figurine de brontosaure. Et le jour où ils ont décidé que, en fait, le brontosaure n’était pas un vrai dinosaure… Ce qu’ils prenaient pour un brontosaure était en réalité des morceaux de squelettes fossilisés de deux dinosaures différents. Je me souviens très bien du jour où ils ont dit : en fait, le brontosaure n’existe pas. Et ce n’était pas mon jour préféré. Donc je vais dire le brontosaure.

Tu devrais écrire une chanson là-dessus.

Rachel :  Ouais. Je sais pas… C’est un peu ça le truc avec cet album. J’étais vraiment en immersion totale pour cet album. Le but principal, en tout cas sur le plan musical, c’était de tendre vers une certaine humilité : comprendre que même si on a découvert beaucoup de choses, on ne sait toujours pas grand-chose. Tu as déjà vu cet épisode de It’s Always Sunny où ils débattent de l’évolution ? Et où Mac finit un peu par gagner le débat, en sous-marin.

Quelle série ?

Rachel : It’s Always Sunny in Philadelphia.

Je n’ai jamais vu cette série. Je vois de quoi tu parles, mais je crois que je ne l’ai jamais regardée. C’est très américain, comment dire… Vraiment typiquement américain, quoi.

Rachel : Totalement, totalement. Il y a un épisode où ils organisent un procès pour décider si l’évolution est réelle ou pas. Et l’un d’eux avance l’argument que l’évolution n’est pas réelle parce que toute la science finit par être prouvée fausse. Du coup, il passe en revue tous les grands scientifiques de l’Histoire et montre comment ils ont tous fini par être contredits. Je n’adhère pas vraiment à ça, mais je pense quand même qu’en tant qu’espèce, on est assez arrogants : on part du principe que ce qu’on sait est la vérité. Alors qu’en réalité, à chaque époque, les humains ont pensé exactement la même chose. Et je ne crois pas qu’on soit réellement capables de comprendre entièrement ce qui se passe, ce qu’est tout ça, ou même si le brontosaure a vraiment existé. Et au final, ça revient à cette idée : si l’univers est vraiment au-delà de notre compréhension, est-ce que ça a de l’importance que l’univers dans son ensemble soit tellement plus grand que nous, alors que notre univers à nous se limite à ce qu’on est capables de percevoir et de comprendre ? Il y a une relation entre ces deux points de vue : considérer l’existence soit comme quelque chose d’immense dont on fait à peine partie, soit comme quelque chose que notre perception définit. Et je pense qu’il y a de la valeur dans un peu des deux. Et c’est pour ça qu’ils ont balancé ce putain de truc sur les dinosaures dans l’espace.

Dans Life Signs, tu chantes – c’est sur le disque – « life in a small town ». Est-ce que tu dirais qu’aujourd’hui, les États-Unis sont comme une petite ville parallèle bizarre, comme si le pays s’était rétréci en une simulation vraiment étrange ?

Nate : Non, je pense que le pays s’est construit sur une dévastation totale. Et cette histoire de petite ville, les États-Unis ont toujours été bizarres. Je veux dire, évidemment, on n’a jamais été aussi fascistes. Mais dire que les États-Unis n’ont pas toujours eu leurs bizarreries, ce serait ignorer une grande partie de l’Histoire. Et pour le morceau Life Signs, il parle du Golden Record qu’ils ont envoyé dans l’espace avec l’aide de Carl Sagan, ce disque envoyé pour que des formes de vie extraterrestres puissent le trouver.

Parce que la vidéo, et même la musique en fait, tirent beaucoup d’influences de MTV et d’autres émissions télé très célèbres des années 1980. C’est quoi ton rapport à la télévision ? Tu as grandi avec ou c’est quelque chose de plus abstrait pour toi ?

Rachel :  Non, j’ai grandi avec la télévision. J’adore la télé. J’ai l’impression que je n’ai jamais… tu sais, c’était quelque chose qui a toujours fait partie de ma vie, je suppose. Je me faisais engueuler parce que je regardais la télé et que je ne voulais pas manger le dîner. Je veux dire, oui, c’est juste… je suppose que c’est comme un tas de mondes, tu sais, que tu peux percevoir et qui sont tellement différents du tien. C’est facile de se perdre dans des histoires. Et avec la télé, tu sais, avec un livre, ça se termine, tu le poses, les films se terminent. Mais la télé, c’est toujours allumé. Il y a toujours quelque chose à la télé. Et à ce stade, tu peux choisir ce que tu veux regarder. Ce que je pense en fait être un peu pire. Je veux dire, c’est génial parce que je ne regarde pas énormément de choses. Mais je trouve ça génial. Mais en même temps, il y a quelque chose de vraiment spécial à juste zapper. Et je suppose que c’est cette idée de clip musical qui était de zappez et d’avoir toutes ces différentes histoires alternatives et couplets et tout.

Quelles étaient tes choses préférées à regarder en grandissant ?

Rachel : 

Quand j’étais vraiment jeune, j’adorais Tom et Jerry. Oh oui. Quand j’ai grandi, je me suis vraiment intéressé aux anciennes émissions de crimes. Comme CSI, Cold Case et Esprits Criminels. Ce qui, je suppose, reflète l’État policier américain. Mais je trouve encore ces émissions très amusantes à regarder. J’aime quand ils résolvent des mystères. Mais en ce moment, je regarde Mad Men. Et ces séries sont vraiment bonnes.

J’ai grandi aussi avec la télévision. Mais dès que j’ai eu 18 ans, j’ai vécu dans mon propre appartement. Je n’avais pas de télévision. Donc Internet a un peu remplacé la télévision pour moi.

Rachel : Pareil, je n’ai pas de télé. Enfin, j’ai une télé, mais je regarde en streaming. Je n’ai pas le câble. Je n’achèterais jamais le câble. C’est une perte d’argent. Donc je ne peux plus zapper. Mais d’une certaine manière, cette sensation me manque. Mais mes parents regardent encore le câble. Et je me dis, «vous n’aimez même pas ce que vous regardez». Au moins avec le streaming, tu peux choisir ce que tu veux regarder. Je ne pense pas que les enfants regardent la télé du tout. Ils regardent des vidéos courtes sur TikTok. Ce qui, je pense… Je ne sais pas, on n’a pas assez de temps pour que j’exprime mon avis là-dessus. Mais je suppose que les jeunes générations ne se souviennent même pas de zapper. Ils se souviendront juste d’aller sur YouTube. Ce qui, je pense, peut être mauvais pour l’attention. Mais même en regardant la télé maintenant, c’est dur de rester concentré parce qu’il y a tellement de pubs. J’ai l’impression qu’il y a deux fois plus de pubs qu’avant.

Dans Nights in Armor, tu parles de voler le soleil. Et je trouve que c’est une image vraiment violente. Dirais-tu qu’on vit à une époque où même la lumière du soleil semble privatisée ? Ou est-ce autre chose ? 

Rachel : Je pense que tout peut être privatisé selon qui tu es. Si tu es en isolement, tu n’as pas les mêmes libertés au soleil que moi. Je suppose que je ne sais pas. Évidemment, selon qui tu es, le soleil reste quelque chose que tu peux expérimenter librement. Mais je ne sais pas. À un certain moment, dans certains endroits, je suppose qu’on ne peut même pas vraiment voir le soleil à cause de la pollution. Je n’y pense pas beaucoup. Mais je pense que tout devient commercialisé, au moins aux États-Unis. On adore empirer les choses.

Et dans Born 2, qui est peut-être ma chanson préférée de l’album, tu dis qu’elle a été inspirée par deux livres, The Dispossessed et There Is No Unhappy Revolution. Quels éléments de ces livres ont servi de fil conducteur pour la chanson ? Quelles inspirations en as-tu tirées ?

Rachel : Ils ont en fait inspiré tout l’album. Je suppose, et je feuilletais… je lis assez mal, donc je feuilletais les pages. J’ai lu la moitié de l’un d’eux, The Dispossessed. Et c’est juste… je ne sais pas, je suppose le contraste des sociétés, une société capitaliste versus une société anarchiste. Mais ce que ça signifie vraiment d’être une personne dans l’une ou l’autre de ces sociétés. Je ne sais pas. Je voulais que l’album soit plein d’espoir et qu’il imagine un monde gentil, adapté, vivant librement, durable et construit sur le désir de favoriser la vie humaine plutôt que de la détruire. Et en lisant les résumés de ces livres, je me suis dit que c’était un peu de ça qu’ils parlaient.

On a l’impression d’être un peu incompatibles avec la beauté du monde, qu’on l’a aliénée par la technologie et la violence.

Nate : Oui, je pense que la technologie peut être bonne… Je ne suis pas anti-technologie, mais je pense qu’à ce stade, on l’utilise juste pour s’éloigner toujours plus les uns des autres et de la planète. Et il y a cette idée que les êtres humains ne sont pas des animaux et ne font pas partie de la nature, alors qu’on est littéralement des singes sans poils ou peu importe. Je ne sais pas. Je suppose qu’en ce moment, on n’a juste pas envie de voir les gens vivre. Les dirigeants veulent juste faire de l’argent.

Dans Born 2, un “psychopath” revient souvent dans les paroles… 

Rachel :  Je pense à tous ceux qui valorisent l’argent et la propriété plus que la vie humaine. Je pense que les États-Unis ont toujours été dirigés par des psychopathes, honnêtement. Des gens sans conscience quand il s’agit de séparer des familles ou de bombarder des enfants. Je ne fais pas ça. Je ne fais pas ça, mais le gouvernement américain le fait parce que c’est logique pour eux selon leur agenda plutôt que de ne pas avoir de sens du tout en termes d’humanité. Pourquoi voudrait-on faire du mal ainsi ?

Qui est le plus grand psychopathe de tous ?

Rachel : Il y en a tellement. Je suppose que peut-être Elon Musk. J’ai l’impression que ce type veut qu’on crève tous. Donald Trump est définitivement un psychopathe, mais je pense que c’est une réponse trop facile. Je pense que dans une certaine mesure, ce type n’a vraiment aucune idée. Je veux dire, il sait exactement ce qu’il fait, mais il veut juste être à la télé-réalité. Oui, la plupart des gens qui cherchent des positions de pouvoir tendent à être un peu psychopathes. Définitivement toutes les personnes de Wall Street, ce sont des psychopathes.

Oui, je comprends pourquoi. Et selon toi, ta chanson préférée dans It’s a Beautiful Place, ou la plus importante pour comprendre l’album et ses thématiques ?

Nate : Je ne sais pas, mais toi, Rachel, qu’en penses-tu ?

Rachel :  Peut-être Nights in Armor. Peut-être Spaceship. Je ne sais pas. Chaque chanson est tellement différente qu’il est difficile de dire qu’une seule peut représenter l’album sans les autres.

Nate :  Oui, c’est une combinaison de choses. D’une manière drôle, je pense honnêtement que les morceaux les plus représentatifs de l’album sont, en revenant au début, One Small Step et For Mankind. Pour moi, pour communiquer l’ambiance globale en peu de temps, ce sont eux qui parlent le plus.

Oui, donc ce sont en fait les plus courtes chansons de l’album, d’une certaine manière.

Nate : Oui, eh bien, c’est un peu le but de l’album, tu sais, ces chansons sont plus comme une expérience de physique qu’une pièce musicale. C’est un son que tu entendrais dans la nature. Et pour communiquer ce que ce son naturel communique, on doit traverser six genres différents. Et c’est un peu le but, même dans le contexte de la musique, tu peux faire toutes ces choses différentes et quelque chose de plus naturel dit toujours plus rapidement, et a plus à dire, d’une certaine manière.

Un autre long format ?