Crédit Jeremy Jay ©

Un an après la sortie de leur plébiscité "Six Lenins", les Anglais de The Proper Ornaments sont déjà de retour avec "Mission Bells", album dans lequel leurs liens du sang musicaux n'ont jamais été aussi puissants.

“Plus qu’un groupe, je considère The Proper Ornaments comme une famille.” James Hoare, chanteur et guitariste de la formation, évoque en ces termes ce qui aura été son refuge créatif pendant les années passées au sein d’Ultimate Painting ou de Veronica Falls, deux groupes emblématiques de ce mouvement indie pop post-C86 de la première moitié des années 2010. Quelques heures avant un showcase intimiste au Comets Café, le 23 janvier, lui et son acolyte de toujours, Max Oscarnold (claviériste de Toy), sont paisiblement installés à une petite table de ce café-disquaire du quartier de Charonne, pour participer à ces traditionnelles séances de promo qu’ils abordent avec le sourire. Mieux vaut apprécier ces passages obligés, ou du moins les tolérer, quand on sort un nouvel album moins d’un an après le précédent, déjà excellent (vous pouvez retrouver la chronique dans le Magic#214).

Depuis l’inaugural Waiting For The Summer (2013), The Proper Ornaments s’est placé comme ce groupe d’outsiders ayant tout compris, ou presque, aux préceptes de la pop 60’s. Une carrière riche de cinq albums de pop merveilleusement ouatée et légèrement narcoleptique, montée en parallèle des autres groupes de ce duo soudé comme les deux doigts du V de la Victoire. Max Oscarnold avoue faire de la musique avec James depuis bien plus longtemps qu’avec tous ses autres bandmates, construisant au fil des années un lien quasi-fraternel.

Plus qu’un side project

Les deux comparses se rencontrent en 2005 dans le magasin de vêtements de Notting Hill où travaillait James. Très vite, leur vient l’idée de se joindre et d’écrire ensemble quelques chansons qui ne seront jamais enregistrées, mis à part un single sorti sur le label Make a Mess en 2010. Rien de bien sérieux, comme ils le reconnaissent. La faute à la flemme et à la fougue de la jeunesse qui transforment les soirées en nuits blanches… souvent les veilles de journées de studio, qu’ils finissent donc par repousser au lendemain, puis au surlendemain.

James et Max finissent alors par intégrer d’autres formations, dans lesquelles ils n’officient pas forcément aux postes ayant le plus de responsabilités, tout en utilisant l’expérience acquise dans ces dernières pour solidifier les bases de The Proper Ornaments. Pourtant, pour Max et James, il est aujourd’hui impossible de se considérer comme un side project. Quand tu montes un groupe avec un ami, alors que tu fais déjà partie d’une structure plus grosse à côté, et que tu sors un album sans lui donner de suite, là, on peut parler de side project. Mais, regarde Kim Deal. Quand elle a formé les Breeders alors qu’elle faisait partie des Pixies, les gens se disaient : ‘Tiens, un side-project’. Aujourd’hui, on la connaît davantage en tant que fondatrice des Breeders qu’en tant que membre des Pixies. C’est un peu ce qui est en train d’arriver avec nous.

La musique doit rester une chose amusante à faire, et elle peut devenir lassante quand elle est faite en compagnie de gens qui passent leur temps à vouloir absolument te dire ce que tu dois faire.”

James Hoare

Pour Max et James, The Proper Ornament constitue une véritable oasis de liberté, sentiment qui, selon leur propre aveu, peut parfois manquer cruellement quand vous faites partie d’une formation en qualité de “simple” musicien. “La musique doit rester une chose amusante à faire, et elle peut devenir lassante quand elle est faite en compagnie de gens qui passent leur temps à vouloir absolument te dire ce que tu dois faire, témoigne James Hoare. Quand tu es trop supervisé, tu as parfois simplement l’impression d’être à l’école, avec un professeur qui note toutes les consignes au tableau…

Il ne manquerait plus qu’il décide de donner des heures de colle à ce duo qui mélange école buissonnière et cours à domicile dans la manière de concevoir son art, s’occupant de toutes les étapes de la production d’une main de maître. Leur label, Tapete Records, ne s’occupe pour ainsi dire que du pressage et de la distribution. Pas même de leur management. Pour Max, cette volonté de tout faire de la façon la plus indépendante possible explique en effet son refus d’avoir de vrai manager ou producteur, de peur que les volontés de ces potentiels adjuvants, potentiels antagonistes finissent par prendre le dessus sur celles des Proper Ornaments.

L’album étalon de The Proper Ornaments

Comme dans le roman de Helen Walsh, Une Famille Anglaise, dans lequel les Fitzgerald tentent par tous les moyens d’éviter l’intrusion de leurs voisins dans leur existence. “C’est important pour nous de garder le contrôle sur tout ce qu’on fait. Combien de fois on a entendu des gens dire qu’ils allaient faire passer telle formation au niveau ‘au dessus’, pour au final ôter tout ce qui en faisait la magie. C’est une de nos grandes peurs.” poursuit James Hoare. Pour un résultat qui leur vaudrait presque les félicitations du conseil de classe.

Mission Bells, dont le titre évoque les cloches des églises construites par les missionnaires en Amérique du Sud, thématique qui aura marqué Max Oscarnold, est sans nul doute possible l’album étalon des sonorités de The Proper Ornaments. Un condensé des cinq précédentes expériences d’un groupe qui, enfin, peut s’inspirer de son propre travail sans avoir besoin de regarder à côté. Toujours accueillante, toujours comateuse, leur musique possède une vision dystopique, celle de jeunes Anglais qui regardent ce “monde très bizarre” partir en vrille.

“Les gens devenus vegans pour quelques likes Instagram, sans aucune conscience écologique derrière, me dégoûtent

Max Oscarnold

Black Tar, par exemple, était au départ inspirée par l’incessante procession des crackheads sous la fenêtre de James. Impeccable Lawn, et ses six-cordes aux allures de western, est quant à elle une complainte contre les violences et autres bavures policières, qui “peuvent même arriver dans les banlieues pavillonnaires tranquilles, aux pelouses impeccables typiquement anglaises”, commentent les deux principales têtes pensantes de The Proper Ornaments.

Mais pour eux, pas question de tomber dans la démagogie ou l’hypocrisie. “Aujourd’hui, le politiquement correct est devenu à la mode, ça a des bons côtés, mais on a l’impression que beaucoup de gens suivent ce genre de tendances juste pour se faire voir, s’emporte Max Oscarnold. Par exemple, les gens devenus vegans pour quelques likes Instagram, sans aucune conscience écologique derrière, me dégoûtent”. Pour rentre les difficiles années qui se préparent un peu plus agréables à supporter, rien ne vaut le sens de la famille et des belles mélodies que véhiculent The Proper Ornaments.

Un autre long format ?