TH da Freak fait partie des plus belles promesses du garage contemporain. Et pas seulement au niveau hexagonal. Le leader Thoineau Palis et son frère Sylvain, le bassiste, nous ont raconté cette envie d’être toujours actif et prolifique, quel que soit le projet dans lequel ils s’inscrivent.

En deux ans, vous avez sorti deux albums, The Freak (2017), The Hood (2018), un double-album de faces B, et aujourd’hui Freakenstein. En quoi est-il différent des autres?
Thoineau Palis : Il est carrément différent de tout ce que j’ai fait depuis le début. Avant, c’était dans ma chambre, sur l’instant. Je faisais un morceau, puis d’autres dans la même veine, et ça faisait un album. Là, c’est plus de la composition étalée sur plusieurs années. J’ai gardé tel ou tel morceau. Et à la fin, ça donne Freakenstein. Pour l’enregistrement, au niveau technique, c’était aussi complètement différent. On a loué du matos stylé, des micros cool, une grosse table de mixage, avec une vraie batterie… alors qu’avant ce n’était pas du tout le cas. On s’est chauffé pour faire un truc un peu plus produit.

L’idée était de sortir du “fait maison”?
Thoineau Palis : C’est toujours du “fait maison”, mais nos anciennes productions étaient des albums de chambre. Là, c’est un album de salon.

Thoineau, c’est la première fois que tu enregistres avec un groupe. Ça a changé beaucoup de choses pour toi?
Thoineau Palis : Je suis toujours la tête pensante, mais les gars sont venus sur le disque et surtout la batterie a été faite par un vrai batteur. Je lui ai dit de jouer des parties précises que j’avais composées, il les a faites en apportant sa touche. C’est ce qui fait toute la différence.

Sylvain Palis : Peut-être que pour le prochain, on sera plus en mode groupe. C’était un peu les prémices pour savoir si ça marchait.

Avec une telle production de chansons, comment parvenez-vous à éviter la sortie de titres disons plus faibles?
Thoineau Palis : Certains morceaux, je les considérais vraiment comme des tubes. Je me disais “celui-là, je le garde”. Forcément, à un moment la liste s’agrandit. Et comme ça, zéro déchet.

Sylvain Palis : Si un morceau est un déchet, on ne le met pas.

Thoineau Palis : Si un riff ne marche pas, on l’oublie.

Je sais que toi, Thoineau, tu n’aimes pas trop retoucher tes chansons. Tu préfères les sortir le plus vite possible. Du coup, ce n’était pas trop dur de revenir en arrière sur des anciens morceaux?
Thoineau Palis : Non, parce que ces morceaux, je les ai quand même composés dans l’instant. Ils sont restés tels quels. Je les gardais juste enfouis, sans les sortir, mais ils ont tous été composés sur l’instant avec tous les arrangements. Ils ont juste été enregistrés plus tard.

Tu t’imposes des périodes de création ou ça te vient naturellement?
Thoineau Palis : Ça vient un peu comme ça.

Sylvain Palis : Chez nous, je trouve qu’un moment, d’un coup, on est créatifs. Dans ces cas-là, on ne s’arrête plus jusqu’à ce qu’on ait fini. Puis, on a des phases où on a envie de se poser et des phases où on a envie de faire que des tournées ! Là on a juste envie de tourner !

Beaucoup de jeunes groupes capitalisent énormément sur leurs premiers disques. Ils les ont beaucoup réfléchis, s’interrogent énormément sur leurs styles, leurs envies. J’ai l’impression que chez TH da Freak, vous ne vous posez pas ce genre de questions. Vous cherchez à retourner la table à chaque fois.
Thoineau Palis : C’est juste un album. La suite de quelque chose. Un épisode…

Sylvain Palis : Pour moi, un album c’est méga cool mais ça reste un album, ce n’est pas une fin en soi. Un artiste qui fait un album tous les 5 ans, il est un peu mou du cul quoi. Passer trop de temps dessus ça enlève le délire “album”. On peut se lasser de le jouer. D’ailleurs, on arrive toujours à un moment où on se met à réinterpréter les morceaux sur scène. On les joue méga plus lents, méga plus calmes, plus comme des bourrins…. On retourne le truc en live.

Vous voyez la tournée comme une récompense?
Thoineau Palis : C’est carrément la récompense. C’est la consécration de ton album.

Sylvain Palis : La tournée est le truc ultime du métier. Chaque tournée et son mood sont méga différents. Nos tournées, c’est un peu la colo. On est dans un délire où l’album est notre CV pour aller jouer. Le but, c’est de tourner.

Composition, enregistrement, tournée, projets parallèles… Vous n’arrêtez jamais de travailler en fait?
Sylvain Palis : Mais c’est pas bosser, c’est un plaisir ! On ne s’ennuie jamais en fait. Quand tu t’ennuies, t’as un mauvais mood, tu commences à névroser car t’as l’impression que tu ne fais rien, et nous on n’aime pas ça. Même quand on ne fait pas de la musique, on arrive à créer des groupes de jeux. On fait des parties d’Age Of Empire (jeu vidéo, ndlr) pendant une semaine avec Thoineau. On se crée des jeux dans les jeux. Thoineau va partir une semaine pour ne regarder que des films d’horreur des années 50. Moi, je vais jouer à des jeux d’horreur, et finalement vont en découler des trucs artistiques. Je me suis dit que j’allais faire des jeux d’horreur pour avoir le mood de Freakenstein, que ça allait peut-être m’inspirer pour le live… 

On est loin de l’étiquette “slacker” qu’on vous a accolée à vos débuts.
Sylvain Palis : Ce n’était pas dit en mode péjoratif donc ça va.

Thoineau Palis : Je ne le prends pas négativement. Ça veut dire un peu “nonchalant”, “à la cool” quoi.

Sylvain Palis : Ce qui peut être énervant, c’est les gens qui ne connaissent pas le milieu de la musique, qui voient le mot “slacker” et qui viennent nous dire “vous faites juste de la musique et des concerts“. Alors que derrière, nous, on se réveille à 9h, on répète de 10 à 16h, on organise des milliards de trucs avec nos collectifs. On est l’inverse des mecs qui foutent rien.

À Magic, on sent une grande effervescence dans la pop française, avec des artistes libres et décomplexés. Est-ce que vous vous sentez ce mouvement?
Thoineau Palis : Il y a une scène incroyable en France, malheureusement pas du tout mise en valeur sur le plan international. La scène indé française est pourtant l’une des meilleures du monde. Je partage ton avis sur le côté décomplexé. Je trouve que la musique indé française a un truc vraiment “freak”, sans limite. C’est ça qui définit  les groupes français : aucune limite, pas de barrière. Les Californiens, par exemple, ils font de la musique californienne, avec un son californien. La France, ce n’est pas du tout ça, ça pioche partout.

Sylvain Palis : Après, on aime bien le concept d’outsiders en fait. On est des Serdaigles (une maison secondaire dans l’univers d’Harry Potter, ndlr). La médaille du deuxième est superbe. Tu mets la pression au premier, et en même temps, tu es dans le top 3. Ça donne envie de se dépasser. T’as toujours l’objectif d’être premier !

Et comment définiriez-vous la scène bordelaise dont vous êtes issus?
Thoineau Palis : C’est abusé ! C’est la meilleure scène française.

Sylvain Palis : On a un collectif qui s’appelle Flippin Freaks et qui est ultra prolifique avec des groupes avec un format proche de celui de TH da Freak. En fait, chacun joue dans le projet des autres. Je suis le bassiste de TH, Thoineau est mon guitariste dans Siz par exemple. Cette année est une année importante pour nous car on va mettre ça en lumière. On passe en mode label, avec des sorties physiques. On dit que Bordeaux est “la Belle endormie” mais c’est tout l’inverse. On organise des milliards de concerts là-bas et on veut vraiment faire bouger les choses. Mais on ne s’arrêtera pas à la France, on est ambitieux et on veut aller loin. On ne veut pas s’ennuyer.

Qu’est ce qu’il vous reste encore à accomplir?
Thoineau Palis : Nous, on est des mecs de la prod. Il faut qu’on fasse des albums tout le temps, proposer des oeuvres. Il n’y ‘a pas de hiérarchie, pas d’accomplissement, c’est juste un par un.

Sylvain Palis : Et peut-être que l’année prochaine, ça ne sera pas un album de TH mais d’un autre projet qu’on a, qui sera tout aussi incroyable. Il n’y a pas juste TH, il y a plein d’autres groupes et c’est hyper important de comprendre ça ! TH fait partie d’un truc énorme. C’est la partie émergée de l’iceberg. En dessous, il y a un truc ultra vénère qui se prépare. Personne n’est prêt.

Thoineau Palis : On est pas des mecs de TH Da Freak, on est des mecs de Flippin Freaks.

Un autre long format ?