Souvenirs ‘magic’ : une réédition de Le Mans en 2004

(Elefant Records/import)

Voici, malheureusement, l’un des secrets les mieux gardés de la scène pop de la fin du siècle dernier. La faute à des origines (espagnoles, les origines) et au manque de curiosité parfois désespérant du public (français, le public). Le Mans, donc. Deux filles, trois garçons, autant de mélomanes. Il y a peu, l’on évoquait dans ces mêmes colonnes l’unique album de Family, tandem énigmatique, compagnon de label, concitoyen (il faudra un jour se pencher sur l’extraordinaire vivier musical qu’est San Sebastian, la Perle de l’Océan) et alter ego indéfectible du quintette qui nous intéresse ici, à tel point que le chanteur-compositeur du duo basque fut le graphiste attitré (et surdoué) de ces jeunes gens qui avaient programmé leur séparation (en 1998) avant même d’avoir débuté l’enregistrement d’un quatrième Lp d’une exquise perfection.

Ainsi baptisée en l’honneur de la fameuse course automobile, cette formation menée par l’insatiable Ibon Errazkin (guitare, musiques, arrangements, etc.) et la discrète Teresa Iturrioz (basse, texte, sourires, etc.), épaulés par Jone Gabarain (chant), Peru Izeta (guitare) et Gorka Ochoa (batterie), a toujours fait montre d’un bon goût étourdissant, est l’exemple même – à l’instar de, au hasard, Felt ou Moose – du groupe qui a su mettre son érudition et son imagination au service de ses chansons. Catastrofe N°17 reprend exclusivement les morceaux que ces garçons et filles ont réalisés en singles, principe dans le cas présent un rien saugrenu puisqu’il prive d’emblée le béotien, tenant pourtant la meilleure occasion de s’imprégner d’une élégance exemplaire, des titres d’Entresemana, deuxième (mini)album à la nonchalance feutrée.Nonchalance est un adjectif qui correspond assez bien aux ambiances imaginées par Le Mans, à ses compositions délicatement ourlées, à ses mélodies d’une limpidité attendrissante, parfois à peine plus vêtues que d’une guitare acoustique et de quelques cordes nostalgiques (le bien nommé Saudade, l’enivrant Dry Martini), tantôt imprégnées d’un groove funky but chic (le chaloupé Zerbina). Lorsqu’ils glissent des clins d’œil appuyés à de glorieux aînés (Running Away de Sly And The Family Stone sur l’insouciant Un Rayo De Sol, l’intro du Be My Baby des Ronettes samplée pour une alanguie Balada De La Primavera), Errazkin et ses amis ne pensent bien sûr duper personne mais juste à embellir des chansons qui revêtent toutes, peu ou prou, des allures de classiques.

De l’orgue estampillé Tindersticks de Jueves 27 à la sérénité instrumentale du langoureux Jonathan Jeremiah, en passant par les sonorités latines de Hay Que Ver, jamais ce club des cinq ne commet de faux pas. Passé maître dans l’art de la séduction (les susurrements fragiles de Jone…), il signe même avec Mi Novela Autobiográfica, tout en arabesques lascives et motifs voluptueux, l’un des plus beaux hommages qu’on ait osé rendre au génie de Serge Gainsbourg. Tant et si bien que la seule catastrophe à redouter est que ce disque passe inaperçu et que le nom de Le Mans reste dans nos contrées exclusivement associé au chef-lieu du département de la Sarthe.

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