Egarés sur le chemin de la variété, frappés de plein fouet par la maladie, Tracey Thorn et Ben Watt reviennent de loin. En quatorze ans, Everything But The Girl a tout connu, tout tenté : les flirts bossa, les guitares pop, les arrangements à cordes, le dépouillement. Avec bonheur, souvent, en tombant dans l’erreur, parfois. Fort de l’impressionnant succès de la version remix de Missing, ce couple parfait vient de signer avec Walking Wounded un album moderne, brillant et romantique où la pop rencontre la jungle et la house. Tracey et Ben racontent leur incroyable parcours du combattant.

ARTICLE Christophe Basterra
PARUTION magic n°8Je suppose que vous avez changé votre façon de travailler pour enregistrer un disque comme Walking Wounded.

Tracey : Tout à fait ! Normalement, on composait nos morceaux à partir d’une guitare ou d’un piano, puis on commençait à travailler sur les arrangements, les rythmes. Cette fois, Ben a d’abord finalisé les musiques puis nous nous sommes mis à travailler sur les mélodies et les textes…

Ben : En fait, il s’agissait d’abord de créer l’ambiance, les atmosphères. Nous avons appris à procéder ainsi au contact de Massive Attack lors de notre collaboration sur l’album Protection. Les bases de leurs disques en sont toujours la musique. Une fois que celle-ci est achevée, ils commencent à s’inquiéter : “Tiens, il nous faudrait peut-être une voix…” (Sourire.) Et puis, cette fois–ci, mes instruments de prédilection ont été le sampler et l’ordinateur… C’était incroyable ! Quand tu utilises ces machines, il y a des données que tu maîtrises mais parfois tu arrives à des résultats incroyables par accident : tu appuies par mégarde sur un bouton et tu obtiens un son grandiose. C’est un peu la même chose lorsque tu commences à jouer de la guitare : tu vas mal placer tes doigts sur le manche et tu te retrouves à jouer des accords fantastiques. J’adore ce genre d’imprévus, ces petites imperfections qui viennent enrichir un disque ou une chanson.

Le public a encore du mal à percevoir les samplers et les ordinateurs comme des instruments “traditionnels”…

T. : C’est vrai mais les gens doivent comprendre que le talent prime avant tout. Que tu utilises une guitare acoustique ou un ordinateur importe peu. Il existe de mauvais disques de house, comme il existe de mauvais disques de pop ou de rock…

B. : Regarde, Hootie & The Bowlfish est un groupe à base de guitares et c’est sans doute le pire truc qui ait existé depuis belle lurette…

D’un autre côté, ce qui est saisissant sur Walking Wounded, c’est que toutes vos chansons pourraient être jouée sur une guitare acoustique, ce qui n’est pas toujours le cas sur ce genre de disques…

B. : Tu as raison mais est–ce vraiment le signe de la force ou de la qualité d’un morceau ? Pendant des années, les gens ont fait leur credo de cette affirmation et moi le premier… Mais ce postulat est peut–être à remettre en question. Une chanson, une musique a le droit d’être fantastique dans son ensemble, avec ses arrangements, ses rythmes…

T. : On n’attend pas d’une symphonie d’être jouée sur une guitare acoustique… Tout le concept unplugged d’il y a deux ans était irritant, ce retour à l’authenticité, même s’il a parfois donné lieu à des révélations comme pour l’album de Nirvana qui était tout bonnement somptueux…

B. : En 94, nous avons fait soixante-dix concerts en duo, juste une guitare et la voix de Tracey. Bien évidemment, cela avait son charme, mais à la fin, je mourrais d’envie d’entendre une batterie, une basse, des arrangements…Comment en êtes-vous venus à collaborer avec Spring Heel Jack ?

B. : En fait, John Coxon, l’un des deux membres, avait co-produit la première version de Missing. Et bizarrement, au début des années 80, j’ai très bien connu l’autre membre, Ashley Wales, pour la simple et bonne raison qu’à 17 ans, nous avons joué dans le même groupe ! Mais nous nous n’étions pas revus depuis !! On ne s’entendait pas très bien. (Sourire.) Tout comme on ne s’est pas très bien entendu avec Coxon. Mais j’ai réalisé que ces tensions, ces frictions pouvaient servir la musique. Nous avons chacun une très forte personnalité, nous luttions toujours pour imposer nos idées respectives lors du mix de Missing. Ce n’est qu’après que lui et Ashley ont formé Spring Heel Jack. J’avais été très impressionné par leurs deux premiers maxis. Je venais de découvrir la jungle, des choses comme Roni Size. Et lorsque j’ai écouté Omni trio pour la première fois, cela a fait tilt dans mon esprit : on pouvait combiner des rythmes excitants et une beauté absolue. Les arrangements de cordes de Spring Heel Jack sont subjuguants. Mais ce n’est guère étonnant puisque Ashley et John ont tous deux une formation classique. Ce sont deux personnes très difficiles d’accès, très renfermées, surtout Ashley. En fait, ils ressemblent à leur musique, très belle mais très ténébreuse. Par l’intermédiaire de Geoff Travis, j’avais récupéré une cassette de leur album. J’ai écrit un morceau à partir d’un de leur titre, These Are Strings, qui a donné un résultat très similaire à ce qu’allait être Walking Wounded. Geoff a trouvé le résultat exceptionnel mais comme la chanson était achevée, John et Ashley ont décidé de composer un tout nouveau morceau sur lequel j’ai travaillé, avec difficulté d’ailleurs car il n’y a… qu’un seul accord !

Vous n’avez pas pensé à enregistrer tout l’album avec eux ?

B. : Non, parce que j’avais énormément d’idées. Et puis, je ne voulais pas que l’on tombe dans le piège de la formule.

T. : De toute façon, je ne pense pas que John et Ashley auraient accepté. Ils aiment rester dans l’ombre. Ils n’aiment pas l’idée de succès à grande échelle, ils ne veulent pas se retrouver sur le devant de la scène. Même s’ils sont flattés de la réussite de Walking Wounded, ils n’en sont pas moins mal à l’aise. (Sourire.)

B. : Tout un album aurait peut-être tué Spring Heel Jack. Ils trouvaient juste intéressante l’idée de faire un single, une chanson qui mariait la pop et le drum’n’bass. Parce qu’il ne faut pas se leurrer : Walking Wounded est un morceau pop qui utilise des éléments drum’n’bass. C’est le même principe que suivaient les Stones : ils sortaient des disques pop en utilisant les bases blues d’un Muddy Waters.

T. : On ne cherche pas à être à la pointe, à l’avant-garde. De toute façon, c’est une position bien trop dangereuse.

Vous avez collaboré avec Howie B sur Flipside

T. : On l’a rencontré un peu par hasard, lors d’une soirée où il officiait comme Dj.

B. : Je trouvais la musique fantastique et lorsque je me suis renseigné, on m’a dit : “Mais enfin, c’est Howie B !”. Nous sommes restés en contact. Lorsqu’on l’a appelé pour lui proposer une collaboration, il a tout de suite accepté. Il voulait vraiment travailler sur des chansons : il sait créer des atmosphères, des rythmes mais mais il n’a pas souvent l’occasion de travailler sur de vraies compos… On avait terminé Flipside mais je n’étais pas content du résultat, de la musique. Je lui ai laissé les bandes et il a tout retravaillé tout seul, un peu à la manière d’un remix je suppose. Mais contrairement à Spring Heel Jack, sa collaboration a dépassé le cadre d’un seul morceau. Ils nous a donnés des idées, des conseils. Il est venu faire des scratchs au moment du mixage…

“Après Idlewide, on a commencé à évoluer dans d’autres sphères. Juste au moment où les scènes ont commencé à se mélanger avec l’arrivée des Happy Mondays, de Primal Scream et de la culture rave.”

Comment faut-il voir cet album : est-ce la nouvelle direction que vous allez suivre ou bien juste un disque à part ?

T. : C’est difficile à dire. Par le passé, nous enregistrions un album et son successeur était une sorte de réaction. Il est trop tôt pour savoir. C’est vrai que la réalisation de ce disque a été vraiment excitante. Mais nous n’avons jamais été très doués pour nous répéter. Si nos prochaines compos ressemblent à celles-ci, je suis sure que nous serions très déçus.

B. : J’adore faire des disques inspirés par l’instant présent, par son époque. Et l’année prochaine, l’instant présent sera tout autre… Et j’espère que nos futurs enregistrements s’inspireront de ce qui se passera alors. Il y a cinq ans, nous étions isolés… Et, aujourd’hui, je sais que je n’étais pas heureux de cette situation. On a commencé comme un groupe pop avec Eden, Love Not Money, Baby The Stars Shine Bright… Mais après Idlewide, on a commencé à évoluer dans d’autres sphères. Juste au moment où les scènes ont commencé à se mélanger avec l’arrivée des Happy Mondays, de Primal Scream et de la culture rave. Et tout d’un coup, nous nous sommes réveillés sans savoir où nous étions…

Amplified Heart était pourtant un excellent album…

T. : Oui, c’est avec ce disque que nous nous réveillés. Il pourrait correspondre à notre… étirement. (Sourire.) Avant de commencer cet album, nous avons décidé de nous débarrasser de toutes les choses qui ne nous convenaient pas. C’est pour cela qu’il est si dénudé. C’est aussi nos premiers pas vers l’utilisation des break beats, de nouvelles idées rythmiques.

B. : Exactement. Je me souviens de m’être interrogé : “Voyons, qu’aimons-nous vraiment ? La voix de Tracey, sans chœurs. La guitare. Les cordes. La basse jazz.” Et voilà, nous avions les bases de Amplified Heart. Ensuite, nous avons fait le tour des nouvelles tendances qui nous plaisaient : les break beats, la house mélancolique. Nous avons donc décidé d’incorporer ces éléments par petites touches…

Comment allez-vous interpréter les nouveaux morceaux en concert ?

B. : En fait, nous sommes quatre : Danny Thompson est à la basse, il a un style très vieille école. Martin se charge de la batterie et des percussions : il a une sorte de drumkit électronique qui lui permet de jouer live les rythmiques drum’n’bass. J’aime cette combinaison entre le jeu passéiste de Danny et le côté très moderne, presque science-fiction, du matériel de Martin. Sinon, je joue de la guitare, des claviers, je m’occupe du sample tandis que Tracey se contente de chanter divinement. (Sourire.) Il y a quelques jours, on a fait un concert désastreux à Sheffield. L’ordinateur nous a lâchés après deux morceaux et il était impossible de le réparer : tous les sons sortaient en rafale, une véritable cacophonie. Aux mille personnes présentes, on a donné le choix entre deux solutions : qu’ils se fassent rembourser ou que l’on joue en acoustique. Tous ont choisi la seconde ! On a joué pendant une heure vingt… Mais j’avais une drôle d’impression, tu sais, comme lorsque tu te rends à une fête en portant le pantalon que tu avais l’année passée…

 

George Michael

Comment voyez-vous les rééditions des disques des Marine Girls ou de vos albums solos respectifs par Cherry Red ?

T. : Oh, ça ne me dérange pas, je suis fière de ces disques. C’était un peu prévisible. (Sourire.) Comme si les centaines de milliers de personnes qui ont acheté Missing allaient se précipiter pour se procurer Lazy Ways ou North Marine Drive ! (Rires.)

Vous réécoutez ces disques ?

T. : Pas souvent. De toute façon, lorsque j’écoute les albums que j’ai enregistrés, c’est toujours dans un esprit de recherche : “Voyons qu’ai-je pu faire à cette époque ?” Mais jamais je n’écouterais un de mes disques pour le plaisir !

B. : L’année dernière, nous avons rencontré Courtney Love à une émission télé et elle nous a dit qu’elle préparait une reprise des Marine Girls ! Mais attends… La semaine dernière, on a entendu dire que George Michael voulait reprendre une vieille chanson de Tracey !

T. : Pour moi, c’est assez significatif. Dans nos chansons, certains y trouvent un esprit vraiment indépendant. D’autres craquent pour les mélodies et la simplicité des textes qui peuvent séduire le très grand public. C’est un peu la recette de Everything But The Girl : trouver ce juste milieu entre un esprit alternatif et des chansons très mélodiques. En fait, à chaque fois nous nous sommes trop approchés de l’un de ces pôles, nous avons échoué…

B. : Exactement. Quand nos chansons sont devenues trop mélodiques, nos productions trop propres, nous avons sorti de mauvais disques. Bien sûr, il peut sembler facile de dire ça aujourd’hui… Quand nous avons enregistré ces chansons à l’époque, j’étais persuadé que c’était la voie à suivre. Mais, avec du recul, The Language Of Life et Worldwide ne fonctionnent pas dans le cadre de Everything But The Girl. Certes, ils sont bons dans leur style, ils ont su trouver leur public, mais c’était un public dans lequel je ne me reconnaissais pas. C’était vraiment une sensation étrange. J’ai grandi en écoutant des groupes post-punks, la scène Rough Trade, Scritti Politti, Aztec Camera, Orange Juice. J’adorais cette approche pop légère. Et soudainement nous nous sommes retrouvés face à un public qui n’aimait que la variété, le light jazz… On a compris que quelque chose clochait. On est allé beaucoup trop loin dans une seule et même direction.

Et comment percevez-vous votre nouveau public, celui de Missing

B. : Je crois que le public de la scène dance est le plus… progressiste aujourd’hui, il est vraiment très large d’esprit. Regarde, cette scène embrasse des artistes aussi divers que Todd Terry et Junior Vasquez, qui font vraiment une musique de boîte, et Howie B qui a une approche très expérimentale. Et les journaux qui s’intéressent à ce mouvement comme Mix Mag, Muzik ou Dj Magazine, se font l’écho de toutes ces tendances… En fait, cela me rappelle la scène indépendante du début des années 80 quand les tendances musicales étaient très diversifiées et qu’on avait encore le droit d’avoir… des idées. Ce dont je me satisfais le plus, c’est que nous ne nous sommes pas imposés à ce public, c’est lui qui nous a choisis : il a dû trouver quelque chose, dans la voix de Tracey, dans la mélodie, dans le texte, qui lui plaisait.En France, Everything But The Girl a longtemps été considéré comme le groupe qui a enregistré Eden, un point c’est tout…

T. : C’est exact… C’est un phénomène européen d’ailleurs, enfin, continental plutôt. Aux États-Unis, notre carrière a suivi une courbe ascendante : personne ne nous connaissait au premier album. Nous avons obtenu un succès d’estime avec Love Not Money avant de séduire un public plus large à partir de Baby… Pour nous, c’était une sorte de compensation : si ce phénomène européen s’était répété un peu partout, je ne crois pas que le groupe aurait survécu bien longtemps…

B. : Le problème en France, en Italie ou en Allemagne, c’est que personne ne connaissait nos parcours respectifs avant la sortie de Eden. Avec cet album, tout le monde nous a classés dans la catégorie new jazz, aux côtés de Sade, Carmel, Working Week ou le Style Council. Aussi quand nous avons réalisé Love…, les gens ont été complètement déboussolés. Mais, nous n’y pouvions rien car nous aimions la bossa nova, bien sûr, mais nous adorions les Smiths également ! En Angleterre, le public avait suivi nos premiers pas et a mieux compris nos changements d’orientations. Je me souviens de notre tout premier concert à Paris que nous avons donné peu de temps avant la sortie de Love… Nous avions joué essentiellement des morceaux de cet album et l’audience semblait vraiment… choquée par ces chansons pop !

 

Un mauvais mariage

En 1992, vous avez enregistré The Covers Ep où il n’y avait que des reprises. Vous en avez fait plusieurs également tout au long de votre carrière. Vous n’avez jamais pensé enregistrer tout un album ?

T. : Si, parfois… Mais cela correspondait à des périodes où nous nous retrouvions à cours d’idées. Sinon, cela pouvait aussi venir d’impulsions très naïves : “Ce morceau est vraiment fantastique, il faut que nous en fassions une version !” The Covers Ep correspond à une période assez bizarre. Nous étions vraiment sans inspiration, on avait cette impression d’être incapable de pouvoir faire des choses par nous-mêmes. On venait de terminer Worldwide et on avait réalisé un single qui doit être le plus gros flop de toute l’histoire du groupe. En plus, c’est les derniers morceaux que nous ayons enregistrés avant que Ben ne tombe gravement malade. Mais je ne pense pas que ce soit un mauvais disque.

B. : Il y avait quelque bonnes idée, comme celle pour Tracey de chanter un morceau de Bruce Springsteen…

T. : Mais ce n’était pas une démarche aussi ironique que les gens ont pu le penser !

B. : L’image de Springsteen reste celle de la tournée Born In The USA, qui a été très mal interprétée. On en a fait le symbole de l’ère Reagan. C’est complètement ridicule ! Sa musique est bien plus complexe qu’on ne veut bien le croire, comme le prouve Tougher Than The Rest. Tunnel Of Love, l’album qui suit Born In The USA, est tout bonnement fantastique. Mais c’est vrai que ce Covers Ep correspond à une période étrange. J’étais déjà très malade lorsque nous avons fait la promo de ce disque : j’étais très fatigué, je souffrais d’asthme. Je me rappelle que lors de notre passage à Top Of The Pops, j’avais dormi tout la journée dans les studios. Tracey venait me réveiller pour la répétition ou le tournage…

Cette maladie a-t-elle eu des répercussions sur l’évolution artistique du groupe ?

B. : Elle a renforcé ma prise de conscience quant aux faux-pas que nous commettions avec Everything But The Girl : je me suis vraiment rendu compte que notre musique n’allait nulle part.

T. : La maladie de Ben nous a contraints à ne plus sortir de disques pendant plus d’un an. Et quand il s’en est sorti, nous avions ce choix : tout arrêter ou repartir de zéro.

B. : J’ai trouvé ça très drôle, la façon dont la presse britannique a traité notre histoire, en employant tous ces termes du style “renaissance”. Nous étions le groupe à qui personne n’accordait la moindre chances de revenir, nous étions allés trop loin dans le milieu variété… Sincèrement, je suis vraiment heureux pour Geoff Travis qui a travaillé avec nous pendant douze ans. Il est toujours resté à nos côtés. Il a accepté nos mauvais disques, il nous a toujours laissé faire : il savait qu’il n’avait pas à nous arrêter et que, quelque part, nous devions commettre ces erreurs. Il a adoré Amplified Heart. Et lorsque Massive Attack nous a appelés, il était surexcité : “Allez-y, vous devez foncer !” Et quand je lui ai dit quand nous allions utiliser des éléments drum’n’bass pour le nouvel album, il savait que nous étions sur le bon chemin… (Sourire.)Pourquoi avoir quitté Blanco Y Negro alors ?

T. : Parce qu’on nous a virés ! Geoff n’y est pour rien, c’est WEA qui a pris la décision. Même après Amplified Heart, même après notre collaboration avec Massive Attack, même après avoir présenté les versions remixes de Missing, WEA ne croyait plus en nous. On leur a écrit une lettre où on tentait de leur expliquer que nous étions au début d’une nouvelle carrière, plein d’énergie et d’idées. Mais ça ne les a pas émus ! (Rires.) Lorsqu’ils nous ont fait part de leur décision, on a vraiment été choqué : on était tellement habitué à ce confort.

B. : Geoff nous a dit qu’il avait le pouvoir de nous faire rester sur WEA… Mais ça n’aurait servi à rien : là-bas, plus personne ne voulait de nous. De toute façon, Geoff est toujours dans l’ombre, on continue de collaborer avec lui. En fait, notre relation avec WEA avait pris le pli d’un mauvais mariage…

Vous n’avez jamais pensé à arrêter le groupe ?

B. : Si bien sûr ! On a même pensé à changer de nom.

T. : Il était presque devenu comme un poids mort. Pour beaucoup, il restait associé à la mauvaise période du groupe. C’est Geoff qui nous a démontrés qu’on ne devait pas faire ça, car cela revenait à baisser les bras, à admettre notre défaite. Il avait raison : il ne suffisait pas de changer de nom pour que le public revienne vers nous. Il nous fallait surtout enregistrer un bon disque…

B. : Il nous a montrés que c’était un véritable challenge. Et aujourd’hui, je serais vraiment déçu si notre retour sur le devant de la scène s’était fait sous un autre nom.

Pensez-vous que le fait d’être un couple vous a permis de faire face à toutes ce remise en question, ces… erreurs ?

T. : Souvent, je me demande à quel point le fait de vivre ensemble ne nous a pas empêchés, lorsque tout allait mal, de développer chacun de notre côté des projets respectifs. Même lorsque Ben était malade, nous continuions à créer, à enregistrer des morceaux à la maison. Aussi…

 

De nouveaux rêves

Aujourd’hui, beaucoup d’artistes qui ont commencé en même temps que vous sont encore présents. Vous suivez leurs carrières ?

T. : Oui, surtout celle de Edwyn Collins. A Girl Like You a suivi un parcours très similaire à Missing. Lors de sa première sortie, ce morceau est passé inaperçu, puis il s’est mis à marcher en Europe avant de devenir un hit en Grande Bretagne et aux USA. Alors, forcément, on s’est senti proche de lui ! (Sourire.) Il y a quelques semaines, lorsqu’il a réalisé son nouveau single Keep On Burning, on a suivi son classement dans les charts avec intérêt. Et comme il a fait un flop, ça nous a bien inquiétés pendant une semaine. (Rires.)

B. : Tu sais que Robert Forster est en train d’enregistrer son nouvel album avec Edwyn alors qu’il voulait au départ travailler avec moi car il avait adoré Amplified Heart. Mais lorsqu’il a vu le succès de A Girl…, il a changé d’avis. (Sourire.) Enfin, on s’est réconcilié depuis.

Imaginez-vous une fin à l’aventure de Everything But The Girl ?

B. : Sincèrement, je ne sais pas. je suis bien placé pour savoir qu’en une année, il peut se passer beaucoup de choses… Je préfère apprécier l’instant présent. Mais, à chaque fois, nous nous trouvons de nouveaux buts, de nouveaux rêves. Depuis nos débuts, nous avons pu travaillé avec Paul Weller, Johnny Marr, Stan Getz ou Massive Attack. Aujourd’hui, nous venons de collaborer avec Spring Heel Jack, Omni Trio ou Howie B. Et demain, nous aurons certainement envie d’autres collaborations aussi excitantes. Tant que je rentrerais à la maison avec des disques que Tracey ne connaît pas et que je serais impatient de lui faire écouter, tant que j’aurais envie de découvrir des nouveautés, cela signifiera que Everything But The Girl se doit de continuer.

Un autre long format ?