Ils ont choisi un nom à coucher dehors et travaillent avec une styliste qui les habille des pieds à la tête. Ils se maquillent, avouent haïr le jazz, aimer Black Sabbath, et viennent de réaliser un disque que l’on peut percevoir comme un concept-album. Autant dire que les trois membres de Zoot Woman auraient voulu tendre le bâton pour se faire battre qu’ils n’auraient pas procédé autrement. Oui, mais… Stuart Price – le Jacques Lu-Cont des Rythmes Digitales, c’était lui –, Adam et Johnny Adams – les deux frères – peuvent en fait se permettre tout ce que bon leur semble. Pour la simple raison que ces jeunes hommes ont réussi avec Living In A Magazine un premier album pétillant et étincelant, gorgé de chansons pop foudroyantes et clinquantes. Un disque d’une évidence lumineuse, d’une efficacité désarmante, comme ont su en offrir, dans un passé proche ou récent, Roxy Music, The Human League, ABC, Nirvana ou… Phœnix. Entre deux séances d’essayage et un jus de tomate, les trois acolytes ne se sont pas fait prier pour dévoiler le sommaire de ce premier numéro haut en couleurs. And Zoot Woman… was created.

ARTICLE Christophe Basterra
PARUTION magic n°51“Répétez après moi : ‘My taylor is rich’”. Le simple fait de se promener sur Saville Row, rue à l’impressionnante tranquillité pourtant située à quelques encablures à peine du fourmillement de Picadilly Circus, fait enfin prendre toute sa pertinence à cette phrase anodine – pour ne pas dire crétine – ânonnée jusqu’à épuisement lors de premiers cours d’anglais un peu rasoirs. Car c’est bien ici que sont implantés – c’est une tradition, et l’on ne plaisante pas avec les traditions au Royaume-Uni – les tailleurs les plus réputés de la capitale anglaise. Le très célèbre Hardy Amis en est la plus vieille enseigne et d’est dans cette véritable institution que nous attendent Stuart Price, Adam Blake et son petit frère Johnny – à peine vingt-et-un printemps au compteur –, les trois protagonistes de l’aventure Zoot Woman.

Un tel lieu de rendez-vous, et ce d’autant plus avec un groupe qui aime se définir comme “ultra moderniste”, a de quoi surprendre, surtout dès que l’on a franchi la porte d’entrée de la boutique : décor victorien de rigueur, parquet patiné par les ans, miroirs rococo, chaises en velours et canapés itou. Sur les cintres, des vestes et pantalons surgis d’un autre temps, ou plutôt hors du temps, tant on n’arrive pas à savoir s’ils respectent les canons de la mode du XIXème siècle ou s’ils épousent de nouvelles formes futuristes. Le choix de cet endroit pour le moins inopiné, on le doit à la mystérieuse Free Doran – enfin, mystérieuse… Il s’agit en fait de Fiona Jones, la tendre épouse de Mark, tête pensante de Wall Of Sound, présentement terre d’accueil du trio –, une créatrice de mode qui porte une attention toute particulière à la bonne présentation des trois compagnons. “C’est quand même bien agréable de se faire habiller par une femme”, explique Stuart tout sourire, en enfilant un étonnant manteau avant de prêter son long visage à un maquillage tout en nuances.

 

Obsédé

Les apparences sont trompeuses. Mais les faits, eux, sont implacables. Pour tout le monde – mis à part pour les principaux intéressés et, sans doute, quelques mélomanes archivistes  –, Zoot Woman est aujourd’hui considéré comme le nouveau projet flashy but chic de Stuart Price, l’homme qui, s’imaginant un matin beau, oui, comme Bowie, s’était inventé un personnage fantasque baptisé Jacques Lu-Cont, un soi-disant musicien français – en pleine fièvre french touch – avec pour tout actif… quelques séjours en asile psychiatrique. Sous le nom des Rythmes Digitales, Jacques-Stuart va ainsi sortir deux albums : Liberation, en 97, dans une veine big beat abstrait (si, si…) et le fameux Darkdancer de 99, pour le moins ancré dans l’electro pop des années 80. “Ce qui m’a intéressé par-dessus tout avec LRD, c’était cette possibilité d’endosser une nouvelle identité, la création de ce personnage, complètement obsédé par la pop et tout ce qui va avec : la production, les posters, les photos…” Mais, et ce ne sera pas, loin de là, la seule surprise de l’après-midi, le garçon confirme bien vite qu’il n’en était pas alors à ses premiers faits d’armes. “En fait, Zoot Woman a démarré il y a à peu près six ans. Mais nous n’étions que deux à l’origine, Adam et moi-même”.

L’aîné des Blake confirme d’un hochement. Et l’on se souvient alors, comme par enchantement, de ces deux singles que l’on avait complètement effacés de nos mémoires. Et pour cause… Le Ep Sweet To The Wind – seulement sixième référence de Wall Of Sound –, suivi quelque temps plus tard par Chasing Cities étaient d’une banalité médiocre. Voire d’une médiocrité banale. Le genre de disques qui laisse complètement indifférent. Stuart sourit. “Musicalement, ça n’avait effectivement pas grand-chose à voir avec ce que nous faisons maintenant. Adam et moi venions de quitter de l’école et l’on avait envie de faire de la musique, plus pour s’amuser que pour autre chose, au tout début en tout cas. Alors, on s’est essayé à ce qui était à la mode à l’époque, une musique instrumentale dans une veine trip hop avec parfois quelques sonorités latines. (Sourire.) Après presque deux ans, on s’est rendu compte que l’on avait emmené le projet aussi loin que possible dans cette formule. En fait, nous avions même enregistré un album, mais on l’a trouvé tellement nul qu’on a préféré tout foutre à la poubelle. C’est alors que j’ai commencé de mon côté Les Rythmes Digitales”. Lors de cette pittoresque genèse, Johnny use encore le fond de ses culottes courtes sur les bancs du collège.

Et, alors que Stuart-Jacques goûte à la chaleur des projecteurs, Adam, seul, trime en studio pour trouver une direction, un son au projet du tandem, placé d’un commun accord en hibernation. “Bien sûr que j’étais un peu jaloux de la tournure des événements”, admet Adam. “Mais je comprenais parfaitement la situation : Les Rythmes Digitales commençaient un peu à marcher, alors que Zoot Woman était encore en train de tâtonner. Pour lui, comme pour moi, il valait mieux attendre que l’on ait enfin trouvé une identité forte. Car j’avais confiance en Stuart, je savais que, malgré le succès, il était toujours intéressé par Zoot Woman, qu’il voulait qu’on arrive à développer le projet. De mon côté, je bossais comme un taré, mais c’est vraiment difficile de composer de vraies chansons sans avoir un chanteur, sans connaître la voix qui va être amenée à les interpréter…” Pourtant, les deux compères n’ont pas eu à la chercher très loin. Après avoir mis au point une ritournelle entêtante, aujourd’hui baptisée It’s Automatic, ils demandent à Johnny de venir faire un essai. Après tout, on ne sait jamais… “C’était il y a deux ans et demi environ”, se rappelle le benjamin de la troupe, les yeux pétillants et un sourire radieux à la seule évocation de ce souvenir.

“J’avais déjà fait des groupes à l’école, mais je savais que là, ce serait plus sérieux. Quand ils m’ont proposé de rejoindre définitivement Zoot Woman, j’étais surexcité. Mon rêve, c’était d’être chanteur, alors imagine ! J’étais vraiment intenable : ‘Ça y est, je suis dans un vrai groupe, à moi le rock’n’roll !’ Mais Stuart m’a vite fait redescendre sur terre, il m’a tout de suite expliqué, entre quatre yeux : ‘Ça va nous prendre des mois, des années pour arriver à ce que l’on veut…’ Pourtant, je n’arrivais pas trop à réaliser ce qu’il me disait. Aujourd’hui, après avoir autant travaillé sur notre premier album, j’ai compris que ce n’était pas une sinécure, que c’était comme un vrai boulot, en fait, même si, évidemment, tu y prends quand même pas mal de plaisir. Je suis certainement encore très naïf par rapport à ce milieu, mais nettement moins qu’au moment où je les ai rejoints… Au départ, j’étais vraiment comme une pile électrique : ‘Alors, les gars, quand est ce qu’on fait des concerts !?’. Et quand nous avons donné les premiers, ce fut dans des endroits qui n’ont rien de glamoureux…” Johnny préfère en rigoler.

Crème de la crème

STUART : En gros, pour résumer le parcours du groupe, disons que nous avons mis quatre ans à trouver le son que nous voulions. Ensuite, Johnny nous a rejoints et l’on a passé deux années sur l’élaboration de Living In A Magazine. Et le temps nous a finalement donné raison… Je n’ai aucun regret aujourd’hui. Pour moi, pour nous, ce disque, c’est le premier album parfait pour Zoot Woman : il dure quarante minutes, la plupart des chansons n’excèdent pas les quatre minutes, et l’on y retrouve la pop que l’on avait envie de faire…

JOHNNY : Quand on a achevé Living…, on a tous pensé que c’était le meilleur album du monde ! (Rires.) Mais bon, on a bien vite retrouvé nos esprits. On sait très bien qu’il est très loin du Aja de Steely Dan, ou du Nevermind de Nirvana. Mais, je crois qu’il donne une idée assez exacte de ce que veut être Zoot Woman. Et c’est déjà une sacrée réussite.

Six ans pour faire un album… Vous n’avez pas eu peur de ne jamais l’achever ?

S : Parler de deux ans serait plus juste. Mais c’est vrai que ce furent deux années d’un travail acharné, de discussions, de disputes, de tensions, de frustrations. Mais je vois tout cela dans un sens positif. La plupart du temps, on a toujours été très honnêtes les uns envers les autres… Et sans que personne ne sente offensé. Les différents ego n’ont pas trop souffert. (Sourire.) On a beaucoup discuté, on s’est souvent engueulé… En studio, c’est très simple : si tu ne veux pas entendre une mélodie ou une musique parce que tu les détestes, mieux vaut le dire immédiatement plutôt que de louvoyer et de perdre du temps…

Et dans ces conditions, ce n’est pas trop difficile de devoir travailler avec deux frères ?

(Rires.) Non, ça va… Même si ça peut être parfois un peu étrange ! Mais, je n’ai jamais ressenti une pression à cause de leurs liens familiaux…

ADAM : De toute façon, à un moment ou un autre, tout le monde s’est engueulé avec tout le monde…

J : En plus, le lien de parenté ne présente pas que des avantages dans ses situations. Quand on se disputait avec Adam, ça me rappelait de douloureux souvenirs et j’avais peur qu’il ne se mette à me frapper comme lorsque nous étions plus jeunes ! (Rires.) L’important, c’était d’accepter les confrontations, il était hors de question de tolérer une idée médiocre pour ne pas froisser l’un d’entre nous.

A : Et j’étais d’autant plus honnête avec Johnny que je le connais depuis vingt ans ! (Sourire.)

S : On s’est toujours dit les choses comme on les pensait. D’ailleurs, je pense même que le fait que Johnny et Adam soient frères a été plutôt bénéfique : le fait de les voir discuter aussi librement entre eux m’a aidé à adopter la même attitude. Et puis, je connais Adam depuis sept ans, et Johnny, depuis trois, c’est un laps de temps amplement suffisant pour pouvoir aimer une personne. Ou la détester. (Rires.) Cet album est vraiment le résultat d’un long processus, avec ses bons et mauvais moments, mais, surtout, avec le sentiment final d’avoir achevé quelque chose… Maintenant, en studio, on a toujours essayé d’avoir un peu de recul, de faire preuve d’un peu d’auto dérision. Parfois, il y avait des passages musicaux qui nous excitaient tout simplement parce qu’on n’arrivait pas à comprendre comment on était arrivé à ce résultat ou parce qu’ils nous faisaient mourir de rire. Ce sont tous ces moments un peu décalés qui te donnent l’énergie nécessaire pour continuer à avancer.

Je suppose qu’avec toutes ces discussions, vous avez dû abandonner pas mal de titres en cours de route, non ?

Déjà, il faut quand même savoir qu’il existe une version alternative, généralement pitoyable, de chaque chanson de l’album, qui est une très mauvaise version ! Si tu pouvais les écouter, tu te demanderais sûrement ce qu’on essayait de faire… (Rires.) Pendant ces deux ans, on a dû composer près de vingt-cinq morceaux et l’on a laissé tomber une centaine d’idées que l’on n’arrivait pas à concrétiser…

J : Sur l’album, on ne voulait que la “crème de la crème”. (Tout fier d’avoir utilisé une expression française.) Mais des fois, pendant l’enregistrement, on s’excitait pour des trucs vraiment faibles et lorsqu’on les faisait écouter à des gens extérieurs, ça nous ramenait à la triste réalité.

S : En fait, ce qui nous a énormément aidés à écrire ce disque, c’est lorsque l’on a commencé à discuter entre nous de son sujet central, de son thème. Adam est arrivé un jour avec l’idée du titre, Living In A Magazine, et à partir de là, on a pu imaginer une histoire. Ensuite, certaines chansons, comme Jessie par exemple, sont venues naturellement… Une fois le “scénario” défini, l’album s’est presque créé de lui-même, a trouvé sa direction, son style, parce qu’il y avait cette idée motrice, parce que l’on savait quels thèmes on allait être amenés à développer dans les textes…

Et quel était ce fil conducteur ?

J : En fait, il y en a deux, mais qui se rejoignent : une histoire d’amour et l’obsession actuelle du public pour les médias en général… Si tu fais attention à certains textes, c’est un album assez sombre en fait, presque sinistre parfois…

S : Le côté pouvoir de la presse était un sujet intéressant, mais peut-être un peu trop bateau. C’est pour cela que l’on a fait intervenir cette histoire d’amour… Jessie est un top modèle, et forcément, elle est confrontée aux médias. En fait, on a réuni tous les grands ingrédients de l’histoire du songwriting : l’amour, la perte, la tragédie… Et si nous avons repris The Model de Kraftwerk, c’est parce que cette chanson, qui est une attaque virulente contre le monde de la mode, cadrait parfaitement avec notre scénario. Parce que, dans l’absolu, c’est casse-gueule de s’attaquer à ce morceau, d’autres groupes l’ont fait avant nous et rarement avec bonheur. Je ne dis pas que notre version est supérieure à celles qui ont déjà été faites, mais au moins, elle prenait un sens dans l’optique de notre disque, où The Model était incarnée par la dénommée Jessie. Et dans ce cas, l’idée ne paraît plus si idiote !

Living In A Magazine est donc un album concept ?

Si tu as envie de le percevoir ainsi, c’est tout à fait possible.

A : Mais tu peux aussi prendre chaque morceau un par un et les apprécier pour ce qu’ils sont : des pop songs. Tu n’es pas obligé d’écouter l’album du premier au dernier morceau pour l’adorer. (Sourire.)

J : Ce qui nous plaît dans ce disque, c’est qu’il peut fonctionner à différents niveaux… Si tu veux y voir un album concept, si tu veux lire les textes du livret pour pouvoir suivre l’histoire, libre à toi… Mais si tu veux juste écouter les chansons, c’est aussi une possibilité. J’espère que ce disque ne va pas seulement s’adresser aux branchés de Londres, mais qu’il plaira également aux mômes, aux parents, aux Américains, aux Européens…

Bluegrass

Vous portez une attention toute particulière à votre image, aussi bien au niveau des vêtements que des photos…

S : Sans être de véritables maniaques, c’est un domaine que l’on n’a pas envie de négliger. Une photo, une vidéo, un concert sont autant d’éléments qui vont représenter le groupe, qui vont permettre au public de t’appréhender. Je ne comprends vraiment pas que certains artistes laissent parfois de tels domaines aux mains de leurs maisons de disques… Parce que tout ça fait forcément partie de la perception que les gens vont avoir du groupe.

A : Lorsqu’on monte sur scène, on aime s’habiller, on fait attention aux lumières. On se considère comme des performers…

S : En général, je trouve les concerts aujourd’hui de plus en plus ennuyeux… Alors, on a envie de proposer quelque chose d’un peu spécial. Live, on ne se considère plus comme des compositeurs mais plutôt comme des “entertainers”.

J : Il ne faut pas croire que l’on se veut prétentieux pour autant, on ne se prend pas pour U2, on ne cherche pas faire les malins… Je me souviens avoir vu Beck, à Reading : je ne connaissais pas trop sa musique, mais j’avais été impressionné par sa prestation parce que je trouvais ça très fort visuellement, et qu’en plus il avait des chansons…

A : Un groupe comme Slipknot ne joue que sur sa force visuelle, propose presque un spectacle de théâtre, mais le problème c’est qu’ils ont oublié de composer, ils se contentent de faire du bruit.

Et vous ne craignez pas que votre image devienne plus importante que votre musique, qu’elle l’éclipse ou qu’elle en donne une fausse perception ?

J : Ça peut-être un risque et c’est pour cela qu’il faut que l’on prête attention au fait que tous ces éléments forment toujours un seul et même ensemble. Si on n’était que dans The Face, Sleazenation ou des journaux de mode, on commencerait sérieusement à se poser des questions. Mais on intéresse également la presse strictement musicale.

A : On aime s’habiller, on aime se maquiller… Tout cela fait partie de “l’offre” Zoot Woman. Je pense même que l’image peut aider à mieux appréhender la musique. C’est ce qu’ont réussi tous les grands groupes pop, qui sont parvenus à associés une identité forte et d’excellentes chansons.

Vous avez des exemples en tête ?

J : (Immédiatement.) Roxy Music… Placebo pourrait être un bon exemple parmi les groupes contemporains. Je ne connais pas leurs albums, mais les singles sont assez forts et le look, plutôt marquant.

S : The Human League, qui est l’une de mes formations favorites… La musique explique l’image et l’image explique la musique. C’est comme ça qu’il faut le voir.

Et pensez-vous que vous allez pouvoir échapper à l’étiquette “revival 80’s” ?

Je crois que c’est un résumé un rien expéditif du disque. (Sourire.) Tu sais, les artistes qui nous influencent ne s’entendent pas forcément sur l’album. Pour Roxy ou Human League, on peut voir certaines similitudes, mais on adore aussi Crosby Stills & Nash, Joni Mitchell, Steely Dan… La presse parle souvent de Hall & Oates à notre sujet, mais à part un ou deux titres, genre She’s Gone ou One On One, on n’accroche pas trop. D’autant plus qu’ils ont toujours eu une image désastreuse… (Sourire.) Il faut savoir qu’une influence, tu ne la copies pas, elle te permet surtout à trouver de nouvelles directions, à ouvrir de nouvelles portes. On fait cette reprise de Kraftwerk, mais ce n’est pas du tout un groupe majeur pour nous. Ça m’intéresse, j’aime bien quelques chansons, mais je ne rentre pas chez moi tout excité à l’idée d’écouter un album de Kraftwerk, du style : “Yeah, c’est vraiment dingue, c’est la naissance de l’electro”. (Sourire.)

Le fait d’avoir des goûts éclectiques, c’est un atout aujourd’hui pour réaliser des disques excitants ?

Oui… Enfin, dans une certaine mesure en tout cas. Je trouve qu’il y a trop de musiques “extrêmes”. On est en train de retomber dans des catégories très sclérosées, comme le néo-metal d’un côté et le r’n’b garage de l’autre. Maintenant, je hais tous ceux qui veulent paraître cools et disent apprécier à la fois Saint Etienne, Daft Punk, Craig David et Slipknot, qui mettent justement en avant leur soi-disante ouverture d’esprit… Je pense que c’est bien de faire preuve de curiosité, d’écouter de tout, mais cela ne veut pas dire que tu dois TOUT aimer ! Ce n’est pas pour cela que tu seras meilleur musicien qu’un mec qui a écouté du bluegrass toute sa vie, un genre où j’ai découvert des types qui sont peut-être parmi les meilleurs songwriters que j’aie jamais entendus. Moi, le jazz me fait chier, mais j’aime bien la country… Le 2-step me fatigue, mais j’adore le rock. En fait, je trouve ça beaucoup plus sain d’aimer certaines musiques et d’en détester d’autres… J’en ai marre de tous ces mecs qui répètent inlassablement : “Ouais, grâce à mon père, j’ai découvert le jazz à l’âge de trois ans et demi…” Comme je lis régulièrement les magazines musicaux, j’ai fini par me rendre compte que nous devons être les trois seuls types à faire un groupe en Grande-Bretagne sans avoir grandi en écoutant du hip hop et Grand Master Flash. Mais je n’ai pas envie de raconter n’importe quoi, je préfère l’honnêteté et revendiquer que notre jeunesse a été bercée par Madonna, Paul Weller, Black Sabbath ou ABC…

 

Clin d’œil

Stuart Price, Adam et Johnny Blake se sentent sûrs de leur fait. Et l’on ne peut que leur donner raison. Ils ont su garder la tête sur les épaules. Mais ils peuvent pourtant déjà la tourner vers les étoiles. Car Living In A Magazine, avec ses incursions 80’s, ses mélodies exemplaires, sa ballade acoustique et ses hymnes pour dancefloors, est un album chamarré, addictif. Futile, parfois, utile, toujours. Le trio le sait, la partie n’est pas gagnée d’avance. Loin de là. Il leur faudra s’expliquer, prouver qu’ils sont bien autre chose qu’un vulgaire clin d’œil aux années 80. Que leur seule quête, c’est celle de la chanson pop parfaite. Heureusement, certains semblent en être déjà persuadés. À commencer par Madonna – qui a déjà prouvé son talent à l’heure de savoir s’entourer, l’exemple Mirwais étant le plus récent et l’un des plus pertinents – qui a fait des pieds et des mains pour que Stuart Price soit à ses côtés lors de sa prochaine mondiale. Un coup du sort que l’on aimerait interpréter comme un adoubement. Mais qui, finalement, ne s’avère pas si surprenant. Car c’est bien le genre de contes de fées qui peuvent arriver à tous ceux qui ont choisi de vivre leur vie par le biais des magazines.

Un autre long format ?