Il y a deux ans presque jour pour jour, un premier album superbement intitulĂ© Lost Souls rĂ©vĂ©lait le talent sidĂ©rant de Doves, un trio revenu de nulle part â la house, un hit, un incendie, une autre identitĂ©. HabitĂ© et majestueux, il exposait une qualitĂ© dâĂ©criture touchĂ©e par la grĂące, un sens de la mĂ©lodie Ă©tourdissant et un don innĂ© des arrangements. Aujourdâhui, Jimi Goodwin, Jez et Andy Williams ont rĂ©ussi ce que dâaucuns â leurs proches, leur label et, heu, nousâŠÂ â pensaient impossible : surpasser ce disque avec The Last Broadcast, une Ćuvre plĂ©thorique, âkalĂ©ĂŻdoscopiqueâ, vĂ©ritable feu dâartifice musical, oĂč le groupe lĂšve dĂ©finitivement le voile sur une habilitĂ© qui confine au gĂ©nie. Hymnes pop, ballades mĂ©lancoliques, folk apaisĂ© ou excusions bruitistes, Doves sâapproprie tout cela avec une facilitĂ© et un culot dĂ©concertants et sâaffiche comme le seul groupe vraiment excitant de la dĂ©cennie en cours. Rencontre londonienne avec des Mancuniens qui ont signĂ© le meilleur Lp de lâannĂ©e en cours. Et, peut-ĂȘtre, de celles Ă venir.
ARTICLE Christophe Basterra
PARUTION magic n°61Des gens simples. Tranquilles. Normaux, serait-on mĂȘme tentĂ© dâajouter. Ce sont bien les premiĂšres impressions que lâon ressent en rencontrant les membres de Doves. Il est pratiquement impossible, de prime abord, dâimaginer Jimi Goodwin (guitariste, bassiste, chanteur, compositeur), Jez Wiliams (guitariste, chanteur, compositeur) et son jumeau Andy (batteur, compositeur) en perfectionnistes quasi-maladifs, cherchant pendant des jours et des jours le son, lâarrangement, le petit dĂ©tail qui fera basculer lâune de leurs chansons vers la catĂ©gorie enviĂ©e de âclassiquesâ. Ă quelques heures de monter sur la scĂšne londonienne de lâAstoria, pour un concert organisĂ© dans le cadre des âfestivitĂ©sâ du cinquantiĂšme anniversaire du NME et qui affiche complet depuis de longues semaines, Jimi, veste large, jeans et basket, mine dĂ©tendue et cigarette au bec, nâa pas de mal Ă vous convaincre de sa vraie nature âperfectionnisteâ, tant il sâanime Ă la simple Ă©vocation du titre du nouvel album du trio.
â TrĂšs sincĂšrementâ, confie-t-il en souriant, ânous ne sommes pas mĂ©contents dâavoir pu terminer The Last Broadcast. Parce que ce fut parfois un processus douloureux⊠Mais nous ne pouvons nous en prendre quâĂ nous-mĂȘmes : nous sommes tellement obsĂ©dĂ©s par le son⊠Certains morceaux ont failli me rendre littĂ©ralement dingue : There Goes The Fear ou The Sulphur Man, par exemple. Et surtout cette derniĂšre : on a dĂ» passer presque deux semaines dessus, avec notre ingĂ©nieur du son, Max Heyes. Jâavais envie de tout envoyer balader, on nâarrĂȘtait pas de tout triturer. Et puis, on a fini par trouver. (Sourire.) Mais câest vrai que la rĂ©ussite de certaines chansons ne tient parfois quâĂ un fil⊠(Sourire.)â. Alors, dans ce cas, en plus dâĂȘtre dâexcellents musiciens, les Doves sont Ă©galement de fins Ă©quilibristes.
Destin
Aux premiers traits de caractĂšre Ă©voquĂ©s prĂ©cĂ©demment au sujet de ces trois garçons, il faut aussi ajouter la modestie. Une modestie parfois presque trop envahissante, serait-on tentĂ© de leur souffler. Morceaux choisis : de leur premier album, ils caressaient le secret espoir dâen vendre dix mille exemplaires parce quâils en Ă©taient âtrĂšs contentsâ. Ils en Ă©couleront⊠seize fois plus dans la seule Grande-Bretagne. Si leurs concerts sont bien meilleurs aujourdâhui, câest parce que âle public est meilleurâ. Cette humilitĂ©, ils la reconnaissent, lâassument et lâexpliquent aisĂ©ment : âNous sommes des Mancuniens, et la plupart des habitants de cette ville ne sont pas des crĂ©tins arrogants, comme on a tendance Ă le croire parfoisâ, lance Jimi, sans viser â assure-t-il -quelquâun en particulier. Et puis, il est vrai que le groupe connaĂźt depuis belle lurette les arcanes dâune industrie sans pitiĂ©, sâest heurtĂ© Ă la versatilitĂ© dâun public-girouette. Au dĂ©but des annĂ©es 1990, le mĂȘme trio se baptisait Sub Sub et Ă©tait bien dĂ©cidĂ© de vivre la rĂ©volution house de lâintĂ©rieur.
Par hasard, il va mĂȘme en devenir lâun des leaders Ă©phĂ©mĂšres, en 1993, le temps dâun hit fulgurant, Ainât No Love (Ainât No Use). âOn nâa aucun problĂšme avec ce morceau, on lâassume et lâon en est mĂȘme toujours fierâ, affirme Jimi sans dĂ©tour. âMais câest vrai quâĂ lâĂ©poque, il nous a quelque peu dĂ©stabilisĂ©s. On sâĂ©tait levĂ© un matin avec lâenvie de composer un truc disco, câĂ©tait notre premier titre avec une chanteuse (ndlr : il sâagissait de Melanie Williams) et il Ă©tait un peu Ă part dans notre rĂ©pertoire : nous Ă©tions plus dans un trip atmosphĂ©riqueâ. Sub Sub ne se remettra jamais vraiment de ce succĂšs foudroyant. Ă tĂątons, il enregistre un premier album, Full Fathom Five, dont tout le monde se contre fiche, finit par perdre goĂ»t Ă la chose Ă©lectronique et sâĂ©loigne des dancefloors avec la sĂ©rieuse envie de renouer avec des instruments plus classiques, des sensations plus organiques.
âĂ lâĂąge de trois ans, mes parents mâont offert une guitare jouet, ce fut mon premier contact avec cet instrumentâ, explique Jez, sans une pointe dâironie dans la voix. âNous avions jouĂ© dans des groupes de lycĂ©e avant Sub Sub, plutĂŽt indie. On revenait Ă nos premiĂšres amours en quelque sorteâ. Des premiĂšres amours qui ont failli tourner court Ă nouveau lorsque, en 1995, leur studio dâenregistrement est dĂ©truit par un incendie, qui emporte Ă©galement le matĂ©riel, les bandes et, presque, les derniĂšres illusions de la formation. âBien sĂ»r, on Ă©tait atterrĂ©, mais ça nous a fait rĂ©agir Ă©galement : on a pris cela comme un signe du destin et nous avons dĂ©cidĂ© de tourner le dos Ă notre passĂ©. Ce qui ne veut pas dire que nous lâayons reniĂ© pour autantâ, souffle Jimi.
En 1997, Sub Sub va rĂ©aliser deux maxis qui, Ă lâĂ©poque, passent complĂštement inaperçus mais ont pris depuis une autre dimension dans le parcours des trois compagnons : Smoking Beagles, avec Tricky en invitĂ© de marque, et This Time Iâm Not Wrong, avec la participation de Bernard Sumner, ressemblent clairement Ă des premiers pas hĂ©sitants mais rĂ©ussis dans la direction que le trio mancunien semble dĂ©sireux dâemprunter. âAvec le recul, câest une Ă©videnceâ, reconnaĂźt Jez. âLe morceau avec Barney pourrait mĂȘme ĂȘtre une chanson signĂ©e Doves, il ne dĂ©pareillerait pas sur notre premier Lp. De toute façon, Sub Sub a une influence sur ce que nous faisons aujourdâhui : ce nâest pas forcĂ©ment perceptible par lâauditeur, mais, en studio, lâexpĂ©rience que nous avons accumulĂ©e Ă cette Ă©poque-lĂ nous permet de rĂ©aliser certaines choses quâune formation au parcours plus traditionnel ne pourrait pas accomplir. Ou, plus exactement, ne penserait pas Ă faireâ.
Instinct
De toute façon, les Doves ne sont pas un groupe comme les autres. Ils sont sans doute les seuls Ă fonctionner de maniĂšre vĂ©ritablement dĂ©mocratique, alors que tous leurs confrĂšres ne peuvent se passer dâun, voire deux leaders pour continuer Ă avancer. Ici, il nây a pas de place pour les problĂšmes dâego. Tous sont des multi-instrumentistes aguerris, composent, Ă©crivent les textes, touchent Ă la production. âCe mode de fonctionnement est Ă©vident pour nousâ, explique Jez. âTout simplement parce que la seule chose qui ait de lâimportance Ă nos yeux sera toujours la chanson. On se moque Ă©perdument de savoir qui va ou qui doit faire quoi. Si Jimi pense que la voix dâAndy colle mieux Ă lâun de ses morceaux que la sienne, ça ne lui pose aucun problĂšme de lui abandonner le chant. Pour les compositions, nous nâavons pas de rĂšgles spĂ©cifiques : nous sommes tous des songwriters, alors, il peut arriver que lâun dâentre nous compose un titre seul dans son coin, mais il est aussi possible quâil fasse appel aux autres pour le faire progresser. Et puis, au bout du compte, chaque chanson passe par le filtre âDovesâ. Avec The Last Broadcast, nous sommes arrivĂ©s Ă une espĂšce de communion. (Sourire.) Nous nâavons presque plus besoin de parler entre nous pour savoir ce que nous voulons, nous fonctionnons presque Ă lâinstinct. Ce qui nâempĂȘche pas les tensions, les engueulades. Mais on nâen est jamais arrivĂ© aux poings. (Rires.) Et pourtant, on bosse ensemble depuis douze ans pratiquement !â
Jimi ne peut sâempĂȘcher dâabonder dans le sens de son comparse, tant lâalchimie unique qui existe aujourdâhui au sein du trio est lâune des clĂ©s qui pourrait expliquer, autant que faire ce peut, un talent Ă nul autre pareil : âTous les trois, nous tendons vers le mĂȘme but, câest ce qui nous permet de tenir, mĂȘme lorsquâon est dĂ©couragĂ© en studio parce quâon ne voit pas le bout du tunnel pour tel ou tel morceau. On ne cherche pas Ă analyser ce que lâon fait. Les frĂšres sont des jumeaux. Et moi⊠Et moi, je suis le troisiĂšme. (Rires.) Je les connais par cĆur, je les respecte, ce sont mes meilleurs potes. Et je suis conscient de notre chance de pouvoir travailler ainsi. Nous nous encourageons mutuellement, lâun est lĂ pour dĂ©velopper lâidĂ©e de lâautre. Jâaimerais peut-ĂȘtre ĂȘtre capable de faire des choses seul, mais jâai besoin de ces deux types, ils sont une vĂ©ritable source dâinspiration. Je crois que câest cette connivence presque irrationnelle qui nous a permis dâenregistrer avec The Last Broadcast, un album aussi libre, expĂ©rimental, mais Ă©galement trĂšs dense. Et intenseâ.
Pourtant, si les Doves aiment Ă vivre en autarcie, ils nâont pas pour autant fermĂ© complĂštement les frontiĂšres de leur dĂ©mocratie idĂ©ale. Et, pour cette entreprise que le groupe a mis dix mois Ă boucler â âce qui est vraiment rapide Ă notre Ă©chelleâ, confesse Jimi au passage, âsurtout comparĂ© Ă Lost Souls, que nous avons fait en⊠trois ou quatre ansâ â, ils nâoublient pas de rappeler le rĂŽle jouĂ© par quelques intervenants extĂ©rieurs : le High Llamas en chef Sean OâHagan, responsable de quelques arrangements dont il a le secret, lâingĂ©nieur du son Max Heyes, dĂ©jĂ repĂ©rĂ© aux cĂŽtĂ©s de Primal Scream ou Paul Weller, ou le producteur Steve Osborne, arrivĂ© en toute fin de parcours.
âOn a fait appel Ă Steve parce quâil y avait deux morceaux que nous nâarrivions vraiment pas Ă mixer. Il a un cĂŽtĂ© trĂšs musical que jâaime beaucoup. Il est un peu comme nous, dans le sens oĂč, pour lui, seules priment les chansons. Il nous avait dĂ©jĂ rendu service pour Catch The Sun sur lâalbum prĂ©cĂ©dent, qui Ă©tait la chanson la plus simple mais Ă laquelle nous ne parvenions pas Ă rendre justice. Comme câest souvent le cas, dâailleurs. (Sourire.) Max, lui, nâhĂ©site jamais Ă tenter des trucs, Ă expĂ©rimenter. Mais câest vrai que, lorsque nous enregistrons, on aime bien pouvoir tout contrĂŽler. On est un peu dingue Ă ce sujet, trĂšs pointilleux. Maintenant, on ne sait jamais ce qui peut se passer dans le futur : nous ne sommes pas non plus des gens bornĂ©s. (Sourire.) Lorsque nous avons tournĂ© aux Ătats-Unis en fĂ©vrier 2001, on a rencontrĂ© le producteur Ross Robinson, qui est fan du groupe⊠MĂȘme si on nâa pas trĂšs bien compris sur le coup car on ne voyait pas trop le rapport entre ce que nous faisons et les artistes quâil produits dâordinaire ! (ndlr : Korn, Limp Bizkit, Slipknot !). Et puis, on sâest dit : âJustement, ce ne serait peut-ĂȘtre pas une si mauvaise idĂ©e que celaâ. Je ne sais pas si on fera quelque chose ensemble, mais ça pourrait ĂȘtre intĂ©ressant, ne serait-ce que pour un single. MĂȘme si je nâai aucune idĂ©e de ce qui pourrait en ressortir ! Et puis, si lâon devient un jour aussi important que New Order, on aura sans doute besoin dâun mĂ©diateur. Du style : âTiens, demande lui de me passer la guitareâ ou âoui, tu peux lui dire merciâ ! (Rires.) Mais bon, ce genre dâĂ©ventualitĂ©s ne devrait pas arriver avant le cinquiĂšme ou le sixiĂšme album ! (Rires.)â.
Sensation
Pour tenter de mieux dĂ©crire le miracle musical quâest The Last Broadcast, rĂ©alisĂ© par cette Sainte TrinitĂ© Ă lâallure dĂ©bonnaire, on pourrait sâamuser Ă ne donner que des rĂ©fĂ©rences mancuniennes, tant elles paraissent les plus pertinentes : ici, on retrouve pĂȘle-mĂȘle lâintensitĂ© de Joy Divison, la force mĂ©lodique de New Order, le romantisme des Smiths, la dĂ©sinvolture des Stones Roses ou la nonchalance de Badly Drawn Boy. Le groupe, lui, se contente dâavouer une certaine fiertĂ©. Celle du travail bien fait. Comme tout artisan ayant accompli son labeur et qui nâattend aucun honneur en retour. Jez confirme : âOui, câest vrai, câest un peu cela. Avec cet album, nous avons le sentiment du devoir accompli en quelque sorte. (Sourire.) Câest le disque que nous voulions faire, et nous y sommes parvenus. Je me souviens que, lors de la tournĂ©e Lost Souls, on discutait ensemble des futurs enregistrements et je crois le rĂ©sultat final est trĂšs proche de ce dont nous rĂȘvions. (Sourire.) Et pourtant, il nâest pas toujours facile dâarriver Ă matĂ©rialiser ce que tu as en tĂȘteâŠâ
Jimi, lui, est surtout prĂȘt Ă divulguer les sources dâinspiration de certains morceaux. âComme je le disais tout Ă lâheure, je crois que cet album est bien plus Ă©clectique que Lost Souls, nettement moins monochrome. Il existe plein de pistes diffĂ©rentes. Intro, lâinstrumental qui ouvre le disque, est nĂ© dâun sample que lâon avait utilisĂ© il y a des annĂ©es pour un titre de Sub Sub ! Et je mâen souviens trĂšs bien parce que câĂ©tait un morceau particuliĂšrement mauvais intitulĂ© Respect. (Rires.) When Weâre Calling From est une chanson de Jez, qui lui a Ă©tĂ© inspirĂ©e par le film de David Lynch, Mulholland Drive : câest la derniĂšre que lâon ait faite pour le disque, deux jours avant la fin des sessions. Ăa nous arrive souvent de trouver des trucs au tout dernier moment, on aime bien bosser dans lâurgence. Dâailleurs, ce nâest pas tant le fait de composer qui nous prend du temps, en particulier sur ce disque : plusieurs morceaux ont Ă©tĂ© faits en Ă peine quelques heures. En tout cas, jâaime beaucoup ce titre, il dĂ©gage une force Ă©motionnelle, possĂšde un cĂŽtĂ© trĂšs cinĂ©matographique. Il en Ă©mane une sensation de libertĂ©. Je crois quâil peut nous servir dâindication quant Ă des directions Ă emprunter pour le futur. Sinon, je tiens Ă prĂ©ciser que New York, ne traite pas des Ă©vĂ©nements du 11 septembre : je sens que lâon va nous poser pas mal de questions sur ce titre, mais câest le plus ancien, on le joue sur scĂšne depuis plus de deux ans. Pour Fridayâs Dust, le but Ă©tait de dĂ©sarçonner lâauditeur⊠(Sourire.) Jâavais en tĂȘte ce que pouvait faire Jack Nietzsche sur les disques de Neil Young, je voulais une production 60âs, trĂšs brute, oĂč tu distingues trĂšs bien chacun des instruments : jâaime beaucoup lâeffet âmal de merâ qui se dĂ©gage du morceau. Sur The Sulphur Man, il y a des Ă©chos de Scott Walker, mais on a su, je crois, Ă©viter le piĂšge du pompiĂ©risme. Quant Ă Pounding, câest un morceau pop trĂšs direct, efficace, un mĂ©lange entre New Order et la northern soulâ.
Ce morceau irrĂ©mĂ©diablement imparable â et que beaucoup de groupes rĂȘveraient de pouvoir compter Ă leur rĂ©pertoire â devrait ĂȘtre le deuxiĂšme simple extrait de The Last Broadcast, aprĂšs un There Goes The Fear qui sâest hissĂ© sans peine Ă la troisiĂšme place des charts britanniques. âCâest marrant, parce ce nâĂ©tait pas Ă©vident comme premier choixâ, rigole Jimi. âMais, entre nous soit dit, nous nous en moquons un peu. Ce ne sont pas les singles qui comptent Ă nos yeux, mĂȘme si, paradoxalement, il y en a peut-ĂȘtre plus sur le nouvel Lp que sur Lost Souls. SincĂšrement, on nâĂ©crit pas pour les radios⊠(Sourire.) Nous, ce qui nous intĂ©resse, ce sont les albums. Nous avons par exemple Ă©cartĂ© deux chansons, non pas parce quâelles Ă©taient mauvaises ou dĂ©cevantes, mais simplement parce quâelles ne sâagençaient pas bien avec les douze autres. Et pour nous, lâagencement dâun disque est presque aussi important que les compositions en elles-mĂȘmes. Un disque doit raconter une histoire, former un tout cohĂ©rent. DerriĂšre The Last Broadcast, il y a lâidĂ©e de voyage, et jâespĂšre que le public retrouvera cette sensation Ă lâĂ©coute de lâalbumâ.
SuccĂšs
Pour les Doves â et ce, mĂȘme sâils rĂ©futent cette Ă©ventualitĂ© dâun revers de la main â, ce deuxiĂšme Lp pourrait bien ĂȘtre celui de la consĂ©cration. Une consĂ©cration qui pourrait prendre des proportions dĂ©mesurĂ©es, faire dâeux des Radiohead du troisiĂšme millĂ©naire. DĂ©jĂ , dans les milieux autorisĂ©s, ils sont nombreux, dâhorizons trĂšs diffĂ©rents, Ă sâavouer fan de ces compositions magistrales, de ces mĂ©lodies ourlĂ©es : de Dan The Automator, qui a placĂ© Firesuite, lâinstrumental qui ouvrait Lost Souls, sur son rĂ©cent disque de mix, Wanna Buy A Monkey, Ă Oasis, qui a tenu Ă inviter le groupe lors de ses deux shows de Wembley en juillet 2001, en passant par Paul Weller, les Chemical Brothers, Colin Greenwood de Radiohead ou lâex-All Saints Melanie Blatt qui se sont tous pressĂ©s Ă leurs concerts et leur ont tressĂ© moult lauriers. Sans oublier Travis qui a mis point dâhonneur Ă accueillir les Mancuniens lors de sa tournĂ©e britannique en fĂ©vrier dernier.
âCâĂ©tait assez intimidant, impressionnant mĂȘme, de se retrouver chaque soir dans des salles de dix Ă quinze mille personnesâ, explique Jez. âEn plus, on sortait Ă peine de la fin de lâenregistrement, et lâon a eu Ă peine le temps de rĂ©pĂ©ter. Il nous a fallu trois, quatre jours pour nous mettre en jambe. Et puis, Ă la fin, nous commencions Ă ĂȘtre fatiguĂ©s de devoir jouer dans des endroits aussi grands. Heureusement que lâon a eu de bons accueils parfois, comme Ă Manchester, Belfast, Aberdeen ou Glasgow. Mais bon, sincĂšrement, tu parlais de succĂšs Ă lâinstant, mais je ne pourrais mâimaginer dans une telle position. (Sourire.) Et⊠(Il se tait.) Et mĂȘme si nous vendions un jour autant de disques que Travis, je ne nous vois pas nous produire chaque soir dans ces grands complexes impersonnels, en sachant quâun type a payĂ© quelque chose comme 25 ÂŁ pour venir nous voir⊠Bon, de toute façon, nous nâen sommes pas encore lĂ . (Sourire.) Et puisâŠâ
Il fait une pause, boit une gorgĂ©e de cafĂ©. Et reprend. âEt puis, de quel succĂšs parlons-nous. Des bonnes ventes de Lost Souls ? Mais il faut ĂȘtre honnĂȘte, savoir garder les pieds sur terre⊠Oui, câest vrai, le disque nâa pas trop mal fonctionnĂ© en Grande-Bretagne, beaucoup plus que nous ne lâespĂ©rions, mais ailleurs, nous ne reprĂ©sentons rien. Beaucoup de gens risquent de nous dĂ©couvrir avec The Last Broadcast. Enfin, jâespĂšre. (Sourire.) Avec le premier album, on savait quâon avait rĂ©alisĂ© un bon disque, mais nous nâĂ©tions pas sĂ»rs que le public puisse comprendre ce que nous voulions essayer de faire. Bien sĂ»r, nous crĂ©ons cette musique avant tout pour nous, parce que nous avons envie de retranscrire nos Ă©motions, mais ce sont les auditeurs qui te permettent dây trouver une justification⊠Tu trouves que nous sommes bons ? Mais il y a plein dâautres groupes dans ce cas ! Jâai adorĂ© les derniers Clinic et Boards Of Canada, le disque de Simian, About A Boy de Badly Drawn Boy. Lâalbum dâAphex Twin est Ă©tonnant. Jâattends dĂ©sespĂ©rĂ©ment le prochain Broadcast. Il y a toujours des trucs excitantsâ, conclue Jez. Sans mĂȘme penser un seul instant que son groupe est sans doute en passe de devenir lâun des plus importants et rayonnants de lâhistoire de la pop music.