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Raspberry Moon
Hotline TNT
Third Man Records

« Raspberry Moon », de Hotline TNT : framboises, fuzz et F-150

Avec "Raspberry Moon", Hotline TNT se place définitivement comme l'un des groupes phares de ce revival shoegaze qui sévit depuis quelques années aux USA. Chronique au goût de framboises.

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Je vais vous faire une confidence. Longtemps, j’ai préféré les fraises aux framboises – surtout les premières gariguettes de l’été, trempées dans un pot de crème fraîche à peine sucrée. Et puis, à force d’offrir, à chaque coup de blues d’un côtés ou de l’autre du couple, des framboises achetées au Naturalia à l’intersection de nos deux rues, à une ex accro à ces petites baies granuleuses – ne jamais sortir avec sa voisine, soit dit en passant –, j’ai fini par adorer ça. Un peu comme le shoegaze : d’abord fidèle à son versant anglais, puis une phase japonaise – une scène incroyable – avant de tomber pour la nouvelle scène américaine, dont Hotline TNT fait partie. Et, hasard de la vie, Raspberry Moon, troisième album studio du groupe fronté par Will Anderson, touche aux framboises – “raspberry” en anglais. Enfin, je ne sais pas s’il mentionne directement les framboises dans ses textes, mais ses chansons en ont en tout cas la sucrosité. J’avais annoncé dans une newsletter, en vous parlant de Candle, que Raspberry Moon pourrait bien être mon album de l’été – eh bien je ne me suis jamais aussi peu trompé.

Chaque morceau de ce LP – pour Larsen Paradise, tant les grincements contrôlés pullulent – semble taillé pour être blasté à fond dans un pickup Ford F-150 surdimensionné, dont la benne serait chargée jusqu’à la gueule d’amplis Roland JC-120. Anderson flirte souvent avec le grunge, le college rock, et tous ces sous-genres américains à tendance nostalgico-bruitisto-mélancolique, comme peuvent l’être Candle, Where U Been, ou cette formidable ouverture qu’est Was I Wrong, qui se laisse doucement emporter dans un torrent d’overdrive.

En gommant les rares défauts de Cartwheel – notamment ces intros parfois un peu longuettes, comme celle de Protocol –, le nouveau long format de Will Anderson gagne en immédiateté. Sans rien perdre de ce qui fait tout le sel de Hotline TNT : être une machine à tubes à écouter après avoir réinstallé Hinge, célèbre application de rencontres, comme le dit la biographie du groupe sur Bandcamp. Julia’s War, déjà génial en titre-éclaireur – un titre clin d’œil au label fondé par Douglas Dulgarian de They Are Gutting a Body of Water, bon pote d’Anderson – devient carrément ébouriffant replacé dans le contexte de Raspberry Moon, en sandwich entre ces deux sucreries garanties sans sirop de glucose que sont The Scene et Letter to Heaven.

Sous la session Audiotree du groupe – marqué, ces dernières années, par d’incessants changements de line-up, mais maintenant stabilisé autour du guitariste Lucky Hunter, du bassiste Haylen Trammel et du batteur Mike Ralston – un commentaire résume à lui seul les performances vocales de Will Anderson : “This singer gives me hope to sing for my band. I say that with love and respect”. Une phrase simple, mais qui dit tout. Will Anderson chante comme un monsieur tout-le-monde. Mais un monsieur tout-le-monde capable de faire des miracles à coups de guitares offset. J’aimerais bien vous dire quelle est ma chanson fétiche, mon coup de cœur immédiat… mais il change à chaque écoute. Parfois c’est Candle, parfois Was I Wrong, parfois Julia’s War, et je ne parle même pas de Where U Been. Et si c’était justement ça, le signe d’un très bon disque ? Un album qui réveille votre indécision chronique, qui divise vos neurones comme vos amis, incapable de se mettre d’accord sur la piste à ressortir de la tracklist et à glisser, jalousement, dans votre playlist «mes trésors cachés». J’ai dit «mon album de l’été» ? Il reste six mois pour voir si on parle aussi de mon album de l’année.

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