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Son nom et ses chansons ont traversé 2013 avec l’insistance fantomatique des secrets échangés à voix basse. Cette année, ils seront sur toutes les lèvres à la faveur d’un second album d’une beauté stupéfiante où Angel Olsen échappe déjà aux étiquettes et raccourcis faciles. Il y a le mot “folk”, on peut le garder dans un coin de sa tête mais il ne servira pas beaucoup. L’histoire de cette jeune femme de vingt-six ans est celle d’une solitude confrontée au monde et transformée par des rencontres (avec les précautions qu’exige un caractère bien trempé). Rester soi-même indépendamment des autres, c’est ainsi que l’Américaine explique le troublant de son deuxième LP, Burn Your Fire For No Witness, à paraître au mois de février. Les témoins de son enfance : Lauryn Hill, les Beach Boys, les Everly Brothers, Mariah Carey et Nirvana, religieusement compilés sur des mixtapes, bande-son de solitaires karaokés domestiques. “Je passais beaucoup de temps dans ma chambre à chanter, enregistrer, danser. Mes parents m’ordonnaient de faire mes devoirs. Mais dans ma tête, c’était ça mes devoirs”, se souvient Angel Olsen en souriant. Premières chansons à douze ans puis découverte de Songs Of Love And Hate (1971) de Leonard Cohen et de la puissance des mots. C’est peu dire qu’Angel Olsen y trouve une ligne de conduite. Seule à la guitare acoustique dans la cuisine de son petit appartement à Chicago, elle enregistre les morceaux qui formeront son premier EP, Strange Cacti, qu’elle édite elle-même en 2010. Fait maison, jusqu’au mixage maladroit. Sa voix est noyée dans la réverbération, mais quelle voix ! Dense, hyper expressive, l’impression du poids des années et de la solitude. On pense à Karen Dalton, à Paula Frazer (Tarnation). Avant de publier ce maxi, elle rencontre Emmett Kelly (The Cairo Gang) alors qu’elle joue dans une soirée d’étudiants. Après quelques mois et des échanges de mails, il lui propose de le rejoindre, avec Bonnie ‘Prince’ Billy, au sein du groupe The Babblers.

L’idée est de reprendre Babble (1979), l’album de Kevin Coyne et Dagmar Krause. “C’était tellement bizarre comme idée ! Et je trouvais encore plus bizarre qu’on fasse appel à moi pour ce boulot. Mais je l’ai pris comme un défi et l’opportunité de confronter ma voix à quelque chose de complètement différent.” C’est à la fois une première expérience de musicienne professionnelle, la construction d’une famille musicale et d’une nouvelle confiance : “J’ai longtemps été très protectrice avec mes chansons. Je voulais les garder pour moi ou ne les jouer qu’à des gens que je connaissais. Travailler pour d’autres m’a permis de voir comment un titre pouvait toucher les gens. Je m’en suis inspirée et j’ai insufflé un peu de cette énergie dans ma musique.” Résultat ? Le merveilleux Half Way Home (2012), premier album déchirant qui rencontre un écho inattendu. Tournées, rencontre avec le batteur Josh Jaeger et le bassiste Stewart Bronaugh. Une deuxième famille qui devient vite très soudée. Angel Olsen a beaucoup de compositions sous le coude, écrites avant même de partir sur les routes. De quoi faire un deuxième album. Signature avec le label Jagjaguwar, qui lui propose de travailler avec le producteur John Congleton (St. Vincent, The Walkmen). Méfiance… “Dans un premier temps, j’étais assez sceptique. Jusque-là, je faisais mes disques toute seule et j’avais en horreur l’idée de quelque chose de surproduit. Ça m’a bloquée un moment et puis j’ai eu une excellente conversation téléphonique avec John, suivie de quelques mails où je lui donnais des détails sur ce que je souhaitais, pour m’assurer que mon travail ne serait pas dénaturé. Il fallait aussi que nous soyons capables, avec Josh et Stewart, de communiquer nos idées à Congleton avant de travailler avec lui. Nous avons aussi listé nos albums préférés et ceux dont la production nous avait marqués. Il fallait avoir les idées au clair sur ce que nous voulions avant de rentrer en studio, où nous n’avions que dix jours.” Tout en tensions électriques, le résultat laisse entrevoir un avenir radieux.

Un autre long format ?