Moon Gogo, intrigant duo

Dans leur second album, Fédérico Pelligrini (ex-Little Rabbits) et E’Joung-ju marient le rock indé au geomungo, un cithare coréen millénaire. Intéressant, parfois déroutant.

La star de Joy, l’album de Moon Gogo, est une sorte de longue planche en bois. Arrondie, elle mesure un peu plus d’un mètre cinquante. Sur les seize petites frettes qui la strient, s’étendent six cordes en nylon. Le geomungo, instrument traditionnel coréen, fait en grande partie la singularité des compositions du duo entre Federico Pellegrini (ex-membre du groupe vendéen The Little Rabbits) et la musicienne nanto-coréenne E’Joung-ju. Le groupe est, de fait, la rencontre d’un savoir-faire rock indé et des arpèges de ce cithare millénaire.

Une idée de production, aussi bonne ou originale soit-elle, donne néanmoins rarement, seule, un grand album. Moon Gogo l’avait en quelque sorte démontré à ses dépens au cours d’un confidentiel premier LP, International, sorti en 2015. Dans son deuxième essai, le duo varie, et c’est salutaire, bien davantage les thèmes, les sonorités et les genres. Autour des notes obtenues de ces longues cordes tirées ou frappées à l’aide de baguettes en bambou, se font entendre des guitares à la saturation grasse (Sally’s Gone), des synthétiseurs électriques, des beats presque technoïdes, des effets de voix prononcés (The Start). Dans ses ambiances les plus électroniques, à l’image du single Joy, l’album n’est pas loin de rappeler l’électro-rock de Discipline in Anarchy, l’excellent avant-dernier album de Rubin Steiner (Platinum Records, 2012).

La rondeur de la contrebasse, le groove du funk 

L’attelage fonctionne souvent. Pas toujours. Cela dépend des thèmes et peut-être même du support d’écoute. Il marche à merveille dans l’urgence (Good Enough) et au cours de jolies – mais plus classiques – ballades (Panema). Ses phases plus contemplatives ou expérimentales (Chulgang, Hangukae Dael) durent davantage sur disque que sur scène. Entendue notamment au Cent Quatre à Paris en janvier, la musique aux dix visages de Moon Gogo y trouve la chair, l’incarnation et le souffle qui lui manquent en continuité sur l’album. Les sonorités du geomungo – la rondeur de la contrebasse, le groove du funk – frappent davantage par leur diversité que par leur dimension statutaire. Federico Pellegrini s’y love avec sensibilité et liberté. La complicité entre les deux partenaires est celle des groupes qui goûtent encore aux délices de la découverte mutuelle.

Le cadre du songwriting se fait en revanche trop souvent sentir sur l’album, où il peut donner l’impression d’être hermétique. Joy est un album original, bien produit, mais plus intéressant que tout-à-fait excellent. Moongogo est un groupe non moins original, soudé, qui a besoin de la scène pour proposer toute son ampleur.

Robin Korda et Cédric Rouquette

MOONGOGO – Joy
(Havalina Records)

A découvrir aussi

/Sortie • 7 mars 2024

Astrel K, CoCorosie, Oisin Leech… : la playlist et les chroniques du 8 mars 2024

/Sortie • 29 février 2024

Gwendoline, Yard Act, Nils Frahm… : la playlist et le cahier critique du 1er mars 2024

/Sortie • 22 février 2024

MGMT, And Also the Trees, Real Estate : la playlist et le cahier critique du 23 février 2024