Les mots inédits d’Arnaud Le Gouëfflec

Quand on met Brest sur la carte musicale de notre Hexagone, on évoque dans la foulée Christophe Miossec, les navrants Matmatah ou l’exilé ouessantin Yann Tiersen. Pourtant, il existe là-bas, au bout du bout de l’Europe, un label absolument passionnant, l’excellente Eglise de la Petite folie, espèce de chaînon manquant entre La Souterraine et Objet Disque. Ce label est né de l’esprit hyper actif d’Arnaud Le Gouëfflec qui revient ici avec le clair-obscur La Faveur De La Nuit. Arnaud Le Gouëfflec est également scénariste de BD et romancier. On se rappelle de son contrat posé sur la tête de Dominique A dans J’aurai ta peau Dominique A, de La Nuit Mac Orlan ou encore des souvenirs du Chanteur sans nom. Tout au long de ce disque, on pensera au chanteur au loup. Le Brestois distille des mots joueurs et cruels d’une voix un peu surannée, pour ne pas dire désuète.

Arnaud Le Gouëfflec triture les mots comme l’on malaxe de la glaise. Il pose une distance entre lui et ses personnages, à mi-chemin entre moquerie narquoise et régression craintive. Il y a, depuis toujours, dans la musique du Brestois, un combat contre une écriture classique, une volonté de recomposer un vocabulaire inédit, une ambition dans les formules, de celle que l’on retrouve dans les disques de Mocke avec ou sans Midget!. Si l’on devait qualifier ce nouveau disque, on pourrait sans doute citer les termes « onirique, nocturne, sombre ».  C’est un peu comme si nous étions invités à une errance dans les landes endormies, quelque part dans les nuits rouges, quelque chose qui ressemblerait à un cauchemar paisible, un mort qui bougerait encore.

Aux côtés d’Arnaud Le Gouëfflec, on retrouve à la réalisation le morlaisien John Trap mais aussi les guitaristes Olivier Polard et Ched Helias. Avec cet album, le Brestois fait un disque éminemment habité par le vent et la pluie mais à la position géographique impalpable. Ici proche de Current 93 ou encore de Nature And Organization, ou ici du côté d’un blues du Sahel. Ce qui est commun à ce disque extrêmement cohérent, c’est cette menace étrange, cette armée des ombres qui bat son pas lourdement quelque part dans la pénombre.

Gregory Bodenes 

ARNAUD LE GOUËFFLEC
La Faveur De La Nuit
(Eglise de la Petite Folie)

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