JD Beauvallet, 2021
© Bovus

Entretien fleuve avec JD Beauvallet, ex-pilier de la rubrique musique aux Inrockuptibles, qui vient de faire paraître « Passeur » aux éditions Braquage. Une autobiographie foisonnante, passionnante, sensible et au final bouleversante, avec la meilleure musique du monde en bande originale.

Dans le film de Ken Loach, Looking for Eric, le mythique n°7 de Manchester United explique que la plus belle action de sa carrière, ce n’est pas un but mais une passe décisive, sublime d’ailleurs, à son arrière latéral, l’Irlandais Denis Irwin. Forcément, l’anecdote fait sourire JD Beauvallet. Cantona, Manchester, ça lui parle. Même si sa première idole footballistique, c’était Lev Yachine , le gardien russe. « Habillé tout en noir, il avait le look Joy Division trente ans avant », rigole-t-il.

Après avoir tourné la page des Inrocks, il y a deux ans, JD Beauvallet a décidé d’écrire son autobiographie. Parce qu’on le lui a demandé. « Avant, j’ai toujours eu beaucoup de mal à écrire à la première personne du singulier. Je trouvais ça pédant, arrogant. »Parce qu’il avait envie de voir si la maladie, Parkinson, détecté il y a trois ans, avait commencé à s’attaquer à ses souvenirs. Visiblement non. Le livre a failli s’appeler « le syndrome de l’imposteur ».

Finalement, il s’intitule Passeur. « C’est plus positif. Mais il y a un truc en commun entre l’imposteur et le passeur : c’est celui qui ne crée rien, qui se contente de transmettre le message, qui n’apporte rien comme valeur ajoutée. Moi j’ai à peine servi de filtre. Je n’ai pas l’impression que ce soit beaucoup. En même temps, je viens d’écrire un livre entier où je raconte tout ça ! »

Il se lit comme un roman, celui d’une vie de musique, de passions, de découvertes, de joies et de tristesses. Il y raconte comment, selon une expression empruntée à Björk, il a « construit sa chaise »,créé la vie qui lui convenait. Asseyez-vous, il y a en a pour un moment quand JD (se) raconte. 

MAGIC : Tu racontes dans ton livre que tu commençais beaucoup d’interviews en demandant le premier son que ton interlocuteur avait entendu. Alors, c’est lequel, le tien ? 

JD Beauvallet :Il y en a plusieurs : un orage dans la maison de famille, en Corrèze, où tous les adultes sont livides tellement la foudre tape fort, la ligne de basse de la chanson Hair (Laissons entrer le soleil) de Julien Clerc et la boîte à rythmes dans l’Aigle noir de Barbara, une chanson qu’on écoutait tout le temps en voiture.  

MAGIC : Ta première passion, c’est quoi ? Le foot ? La musique ? 

JD Beauvallet : La pêche !  Je crois que mon besoin de tout ordonner vient d’ailleurs de lecture assidue du catalogue Manufrance où tout était rangé avec des références, des numéros de pages, des numéros de commande…  que ce soit le référencement des articles de pêche ou la liste complète des références Factory ou Création, c’est la même chose, le même besoin de trouver un peu d’ordre dans le chaos. 

MAGIC : Il y avait de la musique chez toi quand tu étais enfant ? 

JD Beauvallet : Mes parents écoutaient du jazz et de la chanson française : Barbara, Brassens. Mon père était obsédé par Brassens. J’en ai hérité un rejet total du jazz qui dure encore. Mon fils m’a converti au jazz éthiopien… Il y a des choses que j’aime bien Johnny Hartman, Chet Baker, mais c’est plus de la chanson. Pour le reste, je n’y arrive pas. Par contre, je suis venu au classique grâce à un vendeur du HMV Store d’Oxford Circus à Londres qui a joué le rôle de passeur. Ça m’a permis de comprendre ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas dans le classique. Et en fait, ce que j’aimais, c’était les choses les plus tristes et les plus lancinantes… 

MAGIC : Quelle surprise ! Ça rappelle deux chapitres de ton livre : Liverpool Melancholia et Sad Manchester… Deux villes qui ont forgé ton destin…

JD Beauvallet : Complètement. Liverpool, ça a vraiment beaucoup compté. Il n’y avait pas de touristes à l’époque. Quand tu étais français, tu étais regardé comme un martien. C’est une ville bouleversante. Dans les années 1980, les gens faisaient la fête alors qu’elle était en train de couler. C’était le Titanic. J’avais vingt ans, j’y suis allé comme un voleur. Mes parents étaient formellement opposés. Je suis parti de nuit avec mes valises. J’y suis allé par envie d’être au nord de l’Angleterre, de là où venaient mes disques : Echo and the Bunnymen, les Pale Fountains… Pas forcément les Beatles ! A l’époque, la mythologie des Beatles n’était pas très exploitée. Je ne savais pas, par exemple, que je vivais dans une maison où avait habité John Lennon jusqu’à ce que je me retrouve à la fenêtre à poil devant… La suite ? C’est par ici !

JD BEAUVALLET, Passeur
Ed. Braquages, 280 pages
Avec une préface et des photos signées Renaud Monfourny.
22 € (ou 30 € avec un 45 tours limité Daho/Miossec)
www.leseditionsbraquage.com

Un autre long format ?