Inclassable et insaisissable Circuit des Yeux

Le refus farouche de catégorisation et de confort qui définit la musique de Haley Fohr depuis maintenant près d’une décennie a cela de précieux qu’il nous apporte à chaque instant des révélations inattendues. Impossible, ainsi, de saisir totalement ce qui meut Reaching For Indigo, son nouvel album sous le patronyme Circuit des Yeux, tant le chemin parcouru d’un titre à l’autre semble insaisissable, presque aléatoire. Minimal, animal et sépulcral, le songwriting de l’Américaine bifurque constamment, pouvant se jeter corps et âme dans une post-folk expressionniste et intense (Black Fly) avant de s’éteindre dans de lentes pièces suspendues au clavier (le sublime Brainshift en ouverture ou encore Falling Blonde) dans une esthétique sombre et énigmatique évoquant en creux les ruisseaux d’inspiration qui l’irriguent : Nico, Scott Walker ou le Tim Buckley de Lorca, icônes que sa voix grave et peuplée de vibratos évoque sans vergogne. Mais là encore, le name-dropping prend des allures des trahisons. Haley Fohr s’interdit le luxe de la familiarité, comme sur ce Paper Bag débutant dans une confusion électronique et chorale avant de bifurquer sur un formidable blues psychédélique acoustique. Le territoire se transforme sous nos yeux, empêchant toute cartographie, toute certitude. Inclassable. Inexplicable.

Emilien Villeroy

CIRCUIT DES YEUX
Reaching for Indigo
(Drag City / Modulor)

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