Free Humans
Hen Ogledd
Domino Records
en partenariat avec Domino Records

Free Humans, les collines galloises et montagnes russes de Hen Ogledd

Le troisième album de Hen Ogledd, "Free Humans", est paru vendredi 25 septembre. Il accompagne la mue du songwriter Richard Dawson, passé d’un avant-folk d’inspiration médiévale à une synth-pop eighties détonnante.

Il y a eu Bronze, bruitiste et souvent bruyant. A suivi Mogic, complexe et peut-être complexé. Free Humans, sorti le vendredi 25 septembre, est libre… et sans aucun doute libéré. Pour son troisième album, l’Anglais Hen Ogledd signe la plus pop de ses œuvres, mais une pop érudite et espiègle, se riant de celle ou celui qui n’arriverait pas à suivre. Ce qui n’est, avouons-le, pas si simple. 

Au départ, Hen Ogledd devait former un cocon : cela deviendra une chrysalide. En 2012, à l’orée de son succès critique dans l’avant-folk – il vient de publier le tortueux mais génial The Magic Bridge -, le songwriter britannique Richard Dawson se lie à Rhodri Davies, figure de la musique improvisée, pour un album collaboratif. 

Les deux compatriotes se sont rencontrés au comptoir du disquaire dont Dawson tient la boutique à Newcastle. Dans leur bulle, ils jouent avec les sons comme des matières, au cours de plages décousues que l’on qualifierait d’instrumentales si l’on considérait les bourdonnements, le fracas et les craquellements comme des instruments à part entière. 

Hen Ogledd, à cheval entre l’Angleterre et l’Écosse

Du moins leur musique est-elle presque intégralement dépourvue de chant, de conventions et peut-être d’ambition, si ce n’est celle de broder un espace récréatif, jubilatoire et finalement un peu dérisoire. Deux chanteuses et artistes, Dawn Bothwell puis Sally Pilkington, se joignent bientôt à cette échappée cérébrale. Tous partagent le même penchant expérimental, la volonté de s’amuser et le goût du folklore britannique. Leur nom, Hen Ogledd, reprend le titre du premier LP des deux hommes. Il désigne une ancienne région britannique, à cheval entre l’Angleterre et l’Écosse. 

“Je vois Richard comme un membre du royaume de Gododdin, qui allait d’Edimbourg aux rives de la Tyne ; Dawn représente Ystrad Clud, l’ancien royaume de Strathclyde, et je suis un outsider en tant que Gallois”, s’amuse Rhodri Davies auprès du site The Quietus en 2017. Quelques mois plus tard, Richard Dawson publie à part le néo-médiéval Peasant. Ce disque de troubadour folk, beau et mystérieux comme un conte en langue celte, lui donne encore un nouveau statut. En solo comme en groupe, c’est un point de bascule.

Dès 2018, Mogic, le deuxième album de Hen Ogledd, nouvelle formule, mêle les sessions déjantées du quatuor à une synth-pop mutante mais structurée. L’ensemble est brouillon et bouillant : chez Magic, on peine à se souvenir d’un tel “bazar d’idées géniales et d’absurdités foireuses” depuis les débuts d’Animal Collective.

L’année suivante, on s’étonne d’apercevoir, sur 2020, le versant “le plus accessible, le plus turbulent et le plus théâtral” jamais montré par Richard Dawson. “Sans jamais ménager son auditeur, ce bouffon du roi virtuose est plus frontal, plus immédiatement touchant qu’il ne l’était jusqu’à présent”, s’enthousiasme-t-on. Sans se douter qu’entouré de ses camarades d’impro, Richard Dawson, dans cette course à pas de tortue, va très vite se défaire encore un peu de sa carapace. 

Sommet d’art pop eighties

Le groupe, certes, n’est pas tout à fait débarrassé de ses tendances démonstratives, et l’on ressort de Free Humans un peu émoussé par ses passages incantatoires menés tambour battant. D’un décor de collines galloises, le groupe a fait un album de montagnes russes : les accélérations sont puissantes, les virages, radicaux. On y côtoie des sommets d’art pop aux couleurs eighties : le chant d’équilibriste de Trouble réveille le trio post-punk de Cardiff des Young Marble Giants, la densité sonore en plus. 

Plus près de nous, on pense parfois même aux esthètes de Metronomy. Car le groupe a conservé des tribulations formelles de ses débuts une science du son ébouriffante. C’est dans ses moments les plus immédiats qu’il est le plus renversant : trop original pour être tout à fait civilisé, assez intelligible pour accrocher la curiosité, chaque single constitue un jeu de clair-obscur à lui seul. Et une promesse : plus exposé que jamais, Hen Ogledd n’a pas encore livré tous ses secrets. 

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