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© Nicolas Despis

Frédéric Lo, compositeur et réalisateur de "The Fantasy Life of Poetry & Crime", raconte à Cédric Rouquette l’histoire de sa rencontre avec Pete Doherty, auteur et interprète des douze pépites pop qui forment l’album. Elles marqueront la discographie et la vie des deux hommes.

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LA RENCONTRE ET L’AFFINITÉ

«Et ça c’est quoi ?»
«C’est rien»

Pendant huit ans, j’ai travaillé dans un studio parisien qui s’appelait Question de Son. Peter, je l’ai rencontré pour la première fois quand il y enregistrait Anthems for Doomed Youth en 2012 avec les Libertines. Ils ont dû passer deux mois à Paris. Je voyais Pete chaque jour ou presque. On buvait des thés, je discutais avec son producteur Stephen Street, on se croisait – on travaillait beaucoup chacun de notre côté. On ne s’est pas transmis nos coordonnées mais le premier contact remonte à cette période.

Le contact est renoué à mon initiative en 2020, quand je me lance sur mon album hommage à Daniel Darc – un projet que j’ai dû mettre en pause depuis, mais que je vais reprendre, en espérant pouvoir sortir le disque pour les dix ans de la mort de Daniel, en février 2023.

Dans ce disque, je demande à quelques figures emblématiques, comme Daho ou Dominique A, de reprendre une chanson de Daniel. J’ai aussi demandé à Houellebecq ; j’avais lu que Psaume 23 le faisait pleurer dans son salon. 

Dans l’idée d’un hommage qui corresponde à Daniel et à la direction artistique qui m’excite, je pense à Peter Doherty. Je l’appelle par un ami commun. Je vais le voir chez lui à Étretat, en Normandie, en juillet 2020.

Je constate que mon visage lui dit quelque chose mais qu’il ne le situe pas vraiment. Je lui rappelle cette période en studio à Question de Son, et ça brise tout de suite la glace. Je le trouve facile d’accès ; j’apprendrai plus tard que Pete est vraiment facile d’accès. S’il croise un fan et que le fan lui parle, il va s’arrêter et discuter, sans aucun problème.

Pour lui, j’ai pensé à deux morceaux. Je lui propose Inutile et hors d’usage et Élégie #2. Peter me tend sa guitare. Je joue Inutile et hors d’usage. Il est ému. Si ému qu’il pleure. «C’est l’histoire de ma vie», dit-il. Il se sentait vide à cette période de son existence et le texte résonne en lui.

Je vis un moment fort et j’en ai conscience, mais je ne vois pas plus loin.

Arrive un moment où il sort quelques bières, où la discussion se prolonge, et il finit par me poser tout un tas de questions. Il n’avait pas saisi que j’avais fait la musique de Crèvecœur, il commence à comprendre pourquoi et comment je porte le projet. Lui connaissait Taxi Girl, pas Crèvecœur ; mais son épouse [Katia de Vidas, ndlr] adore, et il comprend que c’est important pour nous.

Il m’interroge sur Daniel. Il me demande de jouer. Je lui joue Rouge Rose. Il me demande de jouer mes chansons, je lui joue Dire. Il me parle de Bill Pritchard, je lui joue Luck. C’est la rencontre de deux musiciens qui se sentent bien ensemble.

Dans ce genre de situation, je peux tout à fait me retrouver à parler et jouer des trucs en même temps sans faire attention. J’enchaîne les accords, comme ça. À un moment, il me dit : «Et ça c’est quoi ?». Je lui dis : «C’est rien, c’est juste ce que je joue.» Mais il dit : «J’adore.»

Il est tellement enthousiaste qu’il veut qu’on enregistre la reprise de Daniel tout de suite, là, maintenant. Je lui dis que c’est impossible, que je n’ai pas le matériel, mais que je peux revenir une semaine après. Ce que je fais.

On se retrouve dans la maison magnifique du XIXe siècle qui est sur la pochette de l’album, prêtée par un ami. C’est l’été. Je m’installe, j’ai mon ordinateur portable, un studio mobile dans cette magnifique bibliothèque.

Pete arrive, on est contents de se retrouver. C’est une grande pièce à l’ancienne, remplie de vrais livres, déjà lus. On les voit un peu dans la vidéo de The Fantasy Life of Poetry & Crime. Il adore l’endroit. Moi aussi.

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LA DÉCISION

«Je savais que ça allait être bien mais je ne savais pas que ça allait être aussi beau»

On enregistre. La reprise me plaît tout de suite, c’est une vraie version. On boit un coup. Je suis content de tout ça.

Et là il me demande, timidement, si je ne veux pas qu’on fasse des morceaux ensemble. Je me surprends à m’entendre lui répondre exactement la même chose qu’à Daniel Darc après qu’on eut fait notre premier morceau, Rouge Rose : «Avec plaisir».

Sauf qu’il y a une différence. Je dois dire : «Avec plaisir… mais je pars en vacances demain». On convient de se revoir à la fin de l’été.

Deux semaines plus tard pourtant, il m’appelle alors que je suis dans les Alpes, à peine sorti d’une baignade dans un lac.

Il me dit : «Je suis à Paris demain, est-ce qu’on peut se voir ?» Je sens qu’il est enthousiaste et pressé, même si on n’a encore rien composé. Je plante ma famille en promettant de faire un aller-retour rapide. Je l’attends Chez Jeannette, le bistrot à côté de Question de Son. On est en plein mois d’août, seuls dans l’open space avec un grand piano et une guitare. J’avais enregistré deux trois choses sur mon iPhone – bizarrement, quand je suis en vacances je me sens plus libre de composer.

Je lui joue une première chanson et je suis à nouveau estomaqué par sa réaction. Pete s’agenouille et me demande s’il peut écrire des paroles sur ces accords. Il me dit, dans une des fulgurances dont il est capable : «Je savais que ça allait être bien mais je ne savais pas que ça allait être aussi beau.»

Nous sommes dix jours avant mon anniversaire. J’imagine que ce sont des potes qui ont manigancé une blague.

Mais non, je vois qu’il est sincère, qu’il est touché, il n’y a pas de roublardise. Ce n’est pas sa nature, du tout, et ça aussi, j’apprendrai à le découvrir. Aujourd’hui il est le seul artiste avec qui j’ai travaillé qui, quand il est interviewé, parle de moi plutôt que de lui. Il est d’une culture de groupe, moi aussi à la base, et ça se sent tout de suite dans notre travail commun.

Je lui propose trois musiques ce jour-là : ce qui deviendra Yes I Wear a Mask, You Can’t Keep It from Me Forever, et The Fantasy Life of Poetry & Crime.

Quand on se met à travailler en septembre pour de bon – le 7 septembre, je m’en souviens – on prend nos repères dans cette maison. On ne se connaît alors que comme musiciens. On fait The Monster. Ça me plaît tout de suite.

Je pense rester une semaine, enregistrer deux ou trois titres, mais en réalité on s’installe dans un régime de sessions. Cela durera dix semaines consécutives.

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LA COMPOSITION ET LA COCRÉATION

 «On peut en faire une autre assez vite pour être sûr que ce n’est pas de la chance ?»

C’était un de mes rêves de me trouver dans un bel endroit pour ne faire que composer. En temps normal, j’ai toujours des productions en cours, la famille, la banque… Je suis un indépendant, je n’ai pas d’assistant, je gère tout tout seul. Et j’aime cette frénésie artisanale, je ne peux pas le nier. Mais me trouver dans ce cadre idyllique en bossant tous les jours pour faire des mélodies avec Peter Doherty, puis tout maquetter après l’écriture des textes, c’est juste génial.

Crèvecœur, c’était le même processus en face à face, isolés, mais c’était dans mon salon. De ce point de vue-là, c’était moins glam. Daniel et moi, on n’était personne à l’époque. C’était la dernière période de ma carrière où j’ai pu travailler huit heures par jour sur une chanson, ce qui ne m’est jamais arrivé ensuite. Jusqu’à ces sessions avec Peter.

The Monster a été écrite rapidement au cours de la première journée. Et là il me dit, toujours avec cette façon très à lui d’énoncer des choses dont tu te souviens : «On peut en faire une autre assez vite pour être sûr que ce n’est pas de la chance ?» Pete est d’un naturel drôle et dramatique. «Je lui ai dit : bien sûr, si tu veux, mais je suis certain que ce n’est pas de la chance.»

En deux mois et demi on conçoit treize titres. Très productif, comme volume. Que du songwriting et des démos. Le processus est assez simple : je propose des musiques et des mélodies. Il compose des textes par-dessus. En général, il lui faut deux séances pour boucler les paroles d’un morceau. Dans la foulée, je maquette. Et ainsi de suite.

L’enregistrement de l’album proprement dit intervient après, à Paris. Je le gère seul. Il me fait confiance. Guitares, claviers, basse, je joue tout moi-même. Les voix finales seront un mélange des voix initiales des démos et de voix refaites en juillet 2021 à Étretat.

Le studio, ce n’est pas son truc. Pete est le genre d’artiste qui préfère la scène au studio. À la limite, l’enregistrement des démos lui aurait suffi pour sortir l’album tel quel.

J’ai écrit des arrangements de cordes. En deux jours de session de batterie et un jour d’orchestre, je crame quasiment tout le budget du disque. On a enregistré avec notre argent, c’est toujours quelque chose qu’il faut assumer, de se payer un des trois meilleurs orchestres français, la Garde républicaine en l’occurrence. Mais on tient énormément à cette indépendance tous les deux.

Pete n’a pas de portable. Il faut le joindre sur un fixe, mais rien ne garantit qu’il soit à côté

Pete a un truc très anglo-saxon, qui est très différent de nos habitudes françaises : pour lui, le patron d’un album, c’est le producteur, pour peu qu’il l’ait choisi bien entendu. Chercher à faire croire qu’il a tout fait, ce n’est pas son genre. Il y a évidemment des artistes producteurs chez les Anglais. Damon Albarn est un producteur.

Peter, ce n’est pas son appétence, ce n’est tout simplement pas son mode de fonctionnement psychologique. Je peux travailler huit heures sur un détail. Ce n’est pas sa façon de penser ou d’agir. L’intensité qu’il y met, et sa capacité de concentration, qui peut être aléatoire, font qu’il va tout donner pendant deux heures et qu’ensuite il me laissera travailler cette matière.

J’ai trouvé ça super car au moins, tu ne te marches pas dessus avec ton binôme. Quand il n’est pas là, je compose ou j’arrange. Les apparitions de Pete sont comme une parenthèse enchantée.

Être allé là-bas nous a donné l’énorme avantage de ne pas avoir à faire de gestion de planning. En réalité, on pouvait très bien aller se promener le matin sur les falaises, rentrer quand on rentrait, et s’y mettre.

Pete n’a pas de portable. Il faut le joindre sur un fixe, mais rien ne garantit qu’il soit à côté. J’ai tout de suite compris que ça ne servait à rien de lui donner un rendez-vous. À Paris, travailler ainsi n’aurait pas été possible : si tu fixes un rendez-vous et que, alors que tu dois aller chercher tes enfants, il n’arrive pas une fois, deux fois, trois fois, tu peux en vouloir au gars.

Dans un tel endroit, dans un tel contexte, tu t’y mets à 9 heures ou à 21 heures, ça ne change rien.

J’ai admis que ça ne servait à rien d’avoir de l’exigence ou de l’impatience sur ce plan-là. Quand, comme lui, tu es hyper émotif, que tu t’es sorti d’addictions, que tu te sens sur le fil, tu n’as pas envie de travailler avec un père la morale, ce doit être déprimant. Notre rencontre a été une vraie rencontre y compris sur ce plan. On a compris qu’on ferait quelque chose ensemble sans planifier.

J’ai lu qu’avant que nous travaillions ensemble, il écrivait encore mais surtout de la poésie. Il se sentait dans un marasme créatif et il a voulu écrire des paroles sur ces musiques, les miennes, car sinon, m’a-t-il dit, quelqu’un d’autre allait le faire à sa place et ça ne le satisfaisait pas. 

Entendre ces musiques lui a redonné l’envie d’écrire des chansons et l’a boosté. Je crois que c’est aussi simple que ça.

Or, contrairement à ce que j’entends souvent, écrire des poésies et des textes pour une musique chantée, dans sa globalité, ce n’est pas la même chose. Et Pete est un pur auteur de chansons. C’était la première fois qu’il écrivait un album sans faire la musique – en dehors du morceau For Lovers avec Peter Wolfe en 2004.

Il a un sens inouï pour écrire des textes mis en musique, j’ai été très chanceux de travailler avec lui.

Pete est conscient qu’il est une star mais il n’a aucune envie de jouer un rôle ou de devenir autoritaire pendant la création. Cette fausse autorité, c’est souvent la marque des artistes qui manquent de confiance ; ils sont nombreux. Au début, il était plutôt en attente de final cut. On n’a pas de problème d’ego tous les deux. Réaliser ce projet avec lui est un plaisir, jusqu’à la promo.

© Nicolas Despis

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LA DIRECTION ARTISTIQUE ET L’AVENTURE HUMAINE

«Si tu y tiens, je le dirai, mais c’est un mensonge»

À la base, Peter ne connaissait pas Daniel Darc et moi, je connaissais mal les Libertines et les Babyshambles. Je savais que ça existait, mais je ne l’écoutais pas pour moi.

Ma référence, c’était son album solo Grace/Wastelands (2009). Je préfère sa voix dans cet album. L’étalon, la référence de Pete Doherty, c’était ça pour moi. Un univers mid-tempo, des accords mineurs, c’est plus mon univers. Le disque a été infiniment bien produit par Stephen Street et Graham Coxon.

Je voulais me rapprocher de ça et proposer quelque chose d’encore plus mélodieux et plus arrangé. Son songwriting pouvait se rapprocher de ces sonorités-là, c’est aussi ce qu’il venait chercher avec moi. Je voulais des cordes, des cuivres, mais pas sur tous les morceaux. J’aime le contraste. J’aime quand c’est facile d’écoute mais pas attendu. Moi j’aime autant les Smiths que Ravel. Les arrangeurs des grands albums de pop des sixties venaient du classique. Je sentais que ça pouvait fonctionner avec la voix de Peter.

Je ne voulais pas que ça sonne 2020, je suis heureux qu’il n’y ait pas un instrument inventé après 1960 dans le disque. Pas de synthé, pas de boîte à rythmes, juste des guitares, de l’orgue, du clavecin, du glockenspiel, du piano. Peter a quelque chose d’un poète du XIXe siècle. Le titre de l’album se situe dans cet imaginaire. J’aime ce titre. On est à contre-pied de l’époque sans être dans un revivalisme.

Je ne pense pas qu’on se soit parlé de tout ça. Quand je travaillais seul sur la prod, j’allais lui faire écouter le résultat à Étretat.

J’ai l’impression que nous étions deux amis devenus songwriters à ce moment de leur vie

Il est très indé DIY dans l’âme. Les fausses cordes auraient pu lui suffire. Mais j’ai voulu me faire plaisir, même si c’était un risque à courir.

J’ai l’impression que nous étions deux amis devenus songwriters à ce moment de leur vie. Ce qui est marrant, c’est qu’il a du sang français par un grand-parent. Il a vécu en France et il lit Rimbaud en français. Moi j’ai lu quinze fois Le Portrait de Dorian Gray en anglais, Stephen Street est ma référence, Pete a bossé avec Mick Jones du Clash qui était un totem pour moi. On a une base commune.

Je ne pensais pas spontanément que le disque paraîtrait sous nos deux noms. C’est lui qui a insisté. Il disait : «Je ne comprends pas, ce n’est pas ma musique, pourquoi ferais-je comme si c’était le cas ? Si tu y tiens, je le dirai, mais c’est un mensonge.» C’était assez surprenant. Son manager préférait que ce soit un disque solo de Pete Doherty, et moi aussi, j’étais là-dedans. «Je fais le prochain album solo de Pete Doherty.»

Puis j’ai réalisé qu’il me voyait dès le début comme un coartiste plus que comme un producteur. Que je sois par ailleurs producteur du disque, c’était plutôt un hasard à ses yeux, ou une chance.

Il me dit souvent qu’il se demande comment je ne deviens pas fou. Il a cette vision de ce qu’est un artiste ou pas que je ne comprends pas mais qui est très répandue. Mon point de vue, c’est évidemment que le réalisateur d’un album, l’arrangeur et même tout musicien de séance est un artiste, un vrai artiste. Je n’ai toujours pas compris ceux qui pensent le contraire.

J’ai accepté sa proposition de cosignature à bras ouverts. Aucun enjeu d’ego là encore.

J’ai eu l’impression que tout ce que j’avais fait avant dans ma carrière, c’était pour vivre ce moment-là. Les gens pensent que c’est difficile de travailler avec Peter mais ça a été le truc le plus naturel de toute ma vie de musicien.

Quand tu enregistres, tu ne sais pas si les chansons vont plaire, mais tu sais si elles te plaisent à toi. C’est ça qui m’a toujours motivé. Ça donne l’impression d’accomplir quelque chose. On ne savait pas si ça allait plaire à plus de gens qu’à nous deux, mais ça nous plaisait.

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DANIEL, FRÉDÉRIC ET PETE

«Peter est quelqu’un de fragilisé par ses excès et d’hypersensible, mais ce n’est pas quelqu’un de brisé. Daniel l’était»

Au moment de la rencontre, il y avait des similitudes avec ce que j’ai vécu avec Daniel Darc. Mais Daniel et Pete sont très différents.

D’abord, on a vingt ans de différence. Ensuite, Daniel était une icône des années 1980 mais il n’avait pas de carrière à proprement parler derrière lui. Nijinsky, son précédent disque, remontait à 1990. Daniel n’avait pas vraiment connu de succès.

Peter, c’est différent. Il a fait neuf albums et il est célèbre internationalement. C’est un musicien : il peut faire un concert seul avec sa guitare et chanter vingt ans de sa carrière et de sa vie. Il était beaucoup moins dépendant que Daniel, qui pouvait vouloir faire croire qu’il avait composé les musiques et qu’il jouait des instruments. Je ne comprenais pas qu’il veuille faire semblant et exposer à ce point ses fragilités. Qui il était, c’était en soi énorme, il n’avait qu’à le porter. Je lui disais.

Moi, je n’ai pas d’échelle de valeur, Daniel représentait quelque chose d’énorme pour moi et cela suffisait.

Dernière différence, Peter est quelqu’un de fragilisé par ses excès et d’hypersensible, mais ce n’est pas quelqu’un de brisé. Daniel l’était.

C’est vrai, cependant, qu’avoir travaillé avec Daniel m’a aidé au moment de travailler avec Pete. Avant sa mort, Daniel et moi allions sûrement retravailler ensemble. Lui et moi avions conscience que nous n’avions pas su gérer la suite de Crèvecœur. À un moment, j’ai été très dur, mais il poussait à ça. Quand il ne venait pas aux sessions, qu’il était systématiquement en retard… Avec Pete, je savais que je n’avais pas du tout envie d’être agacé par ça, et que je devais garder cette coolitude qui était à la base de notre rencontre. C’est pareil en amitié ou en amour. Tu peux trouver charmant, au départ, que quelqu’un soit toujours en retard avant de ne plus le supporter. Il faut être vigilant.

J’aime la globalité des expériences que me permet de vivre le métier de musicien. Disque solo, duos avec Bill Pritchard ou Pete maintenant, réalisateur pour d’autres… Si on était dans le classique ou dans le jazz, on ne se poserait pas beaucoup de questions sur ma trajectoire : un musicien classique ou un jazzman passe de projet en projet, de formation en formation.

Moi j’aime ça. Je viens de la vie de groupe : j’aime les rencontres, je peux faire ou participer à trois disques par an si je le souhaite. J’étais en train de finir l’écriture d’un album pour moi et de me lancer dans le projet de l’album hommage à Daniel quand Pete a eu envie de faire ce disque. J’aime cette globalité.

L’histoire de ce disque, ce sont deux gars qui se rencontrent, se trouvent et qui, sans l’autre, ne feraient pas ce qu’ils sont en train de faire. C’est pour vivre ces aventures que je fais ce métier.

Notre chronique de The Fantasy Life of Poetry & Crime est à lire ici.

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