Day/Night
Parcels
Because Music

«DAY/NIGHT» : Parcels signe un grand album entre évolutions et révolutions

Avec "Day/Night", leur deuxième (double) album, les Australiens de Parcels continuent brillamment de réinventer leur musique en temps réel.

La musique de Parcels a toujours été paradoxale : un style affirmé mais qui se renouvelle sans cesse ; une touche rétro mais des sons résolument modernes voire futuristes ; une impression de facilité mais des mélodies complexes. Une pop mouvante et mutante, d’une précision redoutable, qui a su, en seulement deux EP et un album studio, placer les Australiens en bonne place des groupes les plus excitants et prometteurs du monde indé.

Mais nous ne sommes pas surpris. Dès notre rencontre avec le groupe en septembre 2018, la maturité de ces cinq jeunes gars (à peine 20 ans de moyenne d’âge à l’époque), originaires de Byron Bay et installés à Berlin, nous avait impressionnés. Hésitants dans la forme mais précis sur le fond, ils parvenaient sans mal à faire passer leur idée directrice : ​​refuser l’immobilisme et toujours se réinventer. «Je m’ennuie très vite quand je vois des gens faire la même chose, nous expliquait Patrick Hetherington (voix, piano et guitare). Nous sommes un peu hyperactifs. Quand on entend trop souvent quelque chose, on se doit de le changer.»

Sur scène, la chose est connue. Parcels aime surprendre, changer les setlists, trafiquer ses propres morceaux. La preuve avec Live Vol. 1, enregistré en 2020. En studio, il restait à la formation australienne de pousser encore plus loin cette volonté d’expérimentation. Sorti en octobre 2018, leur très bon premier disque était ainsi coincé entre des désirs passés (faire danser son auditeur) et des volontés nouvelles («sortir du cadre dans lequel les gens nous mettaient», selon le chanteur et guitariste Jules Crommelin). 

Changement évident

Avec Day/Night, les Australiens dévoilent un projet incroyablement casse-gueule : un double album composé de 19 titres. Mais dès le premier, Light, les doutes sont levés : les guitares semblent toujours aussi catchy, mais elles s’accompagnent de cordes (grâce aux arrangements d’Owen Pallett), de claviers plus présents, d’une structure plus fluide, davantage construite comme une montée en tension et en sensibilité. Oubliez la funk-pop lumineuse aux accents électros du quinquette. Il est définitivement passé à autre chose. Sans se renier certes, mais le changement est évident.

Dans la première partie, intitulée donc Day, Parcels délivre peut-être ses tubes les plus intelligents. Si Free, Comingback ou Somethinggreater sont déjà sur toutes les bonnes playlists du moment, les versions présentées ici sont plus étirées, moins immédiates, davantage euphorisantes grâces à des ponts d’une aisance mélodique saisissante. Durant ses passages, on dirait même que le groupe jamme en direct. Faire redécouvrir ses propres singles sortis quelques mois auparavant : peut-être la meilleure définition de la musique des Australiens (en réalité, nombre de versions lives existent déjà sur leur compte YouTube et ailleurs…)

Mais nous faire danser et dodeliner de la tête, ça, Parcels sait le faire depuis bientôt cinq ans. Alors, que ce soit sur Day ou Night, la formation, sans cesse, expérimente, rejette le confort, place l’énergie au centre de tout. Et ça paye. Leur musique se fait davantage cinématographique (Theworstthing, Inthecity) et parvient à nous secouer comme sur l’épique Outside, au rythme doux, mélancolique avant de déployer des cordes somptueuses qui clôturent ce premier versant de l’œuvre.

Sur Night, l’écriture se veut plus introspective et invoque des thèmes comme la perte, la solitude, l’insécurité et les regrets. L’environnement se fait plus sombre (Neverloved, Icallthishome). Après un Famous quasi-soul, très 70’s et un LordHenry exaltant et très inspiré par Michael Jackson période Quincy Jones et Off The Wall, Parcels clôt son deuxième album sur un enchaînement de titres intimes, d’une profondeur émotionnelle nouvelle, poignante voire troublante mais indiscutablement inédite dans la carrière du groupe. Avec des chansons comme The Fear, Reflex ou Once, Parcels écrit son futur et révolutionne son style. Il déroutera probablement une partie de son public, en recherche d’euphorie. Mais ces changements permettent d’imaginer des possibilités infinies pour des musiciens aussi talentueux. 

De toute façon, vous l’aurez compris, les Australiens ne se reposeront pas sur leurs acquis et doivent déjà chercher une nouvelle manière de s’étonner eux-mêmes, pour nous ébahir ensuite. Ils seront ce vendredi 5 novembre à La Cigale à Paris, le jour de la sortie de cet album pléthorique, excessivement moderne et jamais répétitif. A coup sûr, le public présent découvrira de nouvelles versions de ces titres à peine révélés au monde. Sacrés hyperactifs… 

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