Photo Linda Brownlee
Photo Linda Brownlee

Un peu plus d’un an après la sortie de "Life From a Window : Paul Weller et l’Angleterre pop", l’auteur Nicolas Sauvage parcourt un autre itinéraire artistique complexe, celui de Damon Albarn, à travers son ouvrage paru le 30 novembre, "Damon Albarn, l’échappée belle".

L’étude des trente années de carrière du natif de Whitechapel représente un travail conséquent. L’auteur français Nicolas Sauvage (Damon Albarn, l’échappé belle, Editions Camion Blanc, 414 pages) parvient à raconter, toujours avec précision, subtilité et sobriété, l’évidence créatrice qui relie les différents projets de Damon Albarn, jusqu’aux plus récents. Il met en exergue les influences qui marquent profondément les goûts du musicien britannique, des premières décennies de la pop anglaise (Ray Davies des Kinks et Bowie en tête) au Clash, aux Specials, Stone Roses en passant par Sonic Youth et, bien sûr, le hip hop, le rap… De quoi fournir au lecteur un large spectre d’écoute, et de définir les origines du « legs prodigieux » laissé par Damon Albarn aujourd’hui.

Une machine à chansons très humaine

La belle échappée du Britannique commence par une sortie réussie de la fin du XXe siècle et de la seule image d’icône de la Britpop, avec Blur. Il y a eu, dès 1998, l’idée géniale du groupe Gorillaz, qui s’appuie sur des personnages fictifs pour lui laisser un champ de composition totalement libéré, avec de nombreux musiciens de prestige. Il y a aussi son intérêt pour les musiques d’Afrique et ses voyages, qui donnent naissance à plusieurs projets (Mali Music, Kinshasa One Two, le collectif Africa Express…) et, dernièrement, un opéra, Le vol du Boli, présenté début octobre au Théâtre du Châtelet, à Paris. Ajoutons à cela tous les projets comme The Good, the Bad & the Queen, Rocket Juice and the Moon, entre autres, nombre d’identités sonores indépendantes les unes des autres et marquées du même sceau : Damon Albarn fait ce qu’il veut, avec qui il veut, et à un rythme effréné.

Groupe virtuel et live streamés

Deux parties distinctes semblent se dégager du livre. Si la première, dominée par la dizaine d’années de carrière de Blur, peut appartenir à une mémoire commune, la seconde est la plus passionnante et échappe complètement au domaine du raisonnable.

Impossible de ne pas ressentir une profonde admiration pour Damon Albarn à la lecture des collaborations épatantes qu’il engage et qui ont trouvé leur apogée avec Plastic Beach de Gorillaz, en 2010. Ce livre fait saisir le caractère absolument impressionnant de sa carrière : celle d’un songwriter unique, chef d’orchestre et entremetteur de styles. « Damon Albarn a fait un album avec Bobby Womack ! », soulignait récemment Elton John dans NME, lui-même mis à contribution dans le dernier album de Gorillaz, Song Machine, Season One: Strange Timez (2020).

A l’heure des confinements répétés, l’idée d’un groupe « virtuel » tel que Gorillaz et la projection de ses personnages sur scène semble plus que jamais appartenir au présent. Les trois live londoniens conçus pour présenter Song Machine, mi-décembre, en attestent.

Enfin, le plaisir de parcourir Damon Albarn, l’échappée belle réside aussi dans le partage, avec l’auteur, des mêmes « coups de cœur » pour les morceaux les plus réussis du Britannique, que l’on soit familier de ses projets ou pas. Ils sont nombreux et rappellent l’efficacité, la diversité des idées de Damon Albarn, qu’on croirait doté de plusieurs cerveaux, ou du « don d’ubiquité ».

Damon Albarn, l’échappé belle, Nicolas Sauvage
Editions Camion Blanc, 414 pages.

Un autre long format ?