Clarence Clarity – No Now

(Bella Union/PIAS Cooperative)

Savant fou, sorcier du son, laborantin de l’extrême… On soupire d’avance face aux lieux communs qui vont s’abattre sur Clarence Clarity. Comme d’habitude avec ce genre d’énergumène, évacuons d’emblée le storytelling. Le Londonien a longtemps fait croire qu’il vivait aux îles Fidji, des rumeurs le disent Français ou totalement fêlé, etc. Ceci fait, il convient de se plonger dans un disque volontairement épuisant mais pas toujours dénué d’intérêt.

L’objet dure plus d’une heure, chose peu courante à l’heure de la musique instantanée et du single roi, titillant la curiosité à chaque écoute. Si ça débute avec des vocalises à la Beach Boys pour s’achever en une messe coupée net, l’ensemble relève du melting-pot d’écoles jumelées de force. On y entend du R&B d’aujourd’hui, des falsettos aigus, des breaks impromptus, des beats déstructurés, des guitares saturées, des claviers moelleux ou tordus, des percées IDM… Mais les hits potentiels se ramassent à la pelle, très inspirés de l’art des Neptunes ou de Timbaland dans leur manière de façonner des tubes bizarres.

On pense à Meadow Hopping Traffic Stopping Death Splash (chœurs autotunés, basse imparable et départ en vrille), One Hand Washes The Other (boucle de guitare aigrelette) ou encore Let’s Shoot Up (R&B volontairement perturbé par des décrochages soniques abscons). Comme conscient du trop-plein d’informations contenues dans son œuvre, cet enfant de Prince ménage une pause silencieuse de trente secondes (Tathagatagarbha) et un interlude renvoyant aux pitreries chirurgicales d’Aphex Twin (brindezingue Hit Factory Of Sadness).

Cependant, ce vaste foutoir relève aussi de l’épate-bourgeois car derrière l’accumulation d’effets se révèle une écriture classique, des tubes précités jusqu’à un Those Who Can’t, Cheat calibré façon Pharrell actuel. Certes frimeur, No Now n’en reste pas moins l’un des premiers disques les plus déroutants entendus depuis un bail. L’album que Theophilus London et son armada n’ont pas sorti. L’œuvre que Pharrell Williams a définitivement abandonnée. Ainsi donc, le futur du R&B viendrait-il d’Angleterre ?

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