Le groupe Cathédrale
©Franck Alix

Aussi tranquille dans “la vraie vie” qu’enragé dans les albums qu’il façonne, le quatuor toulousain revient avec un troisième album dont l’atmosphère épouse les influences britonnes.

Pendant que Jules (pas moi, un autre) et Félix se grillent une cigarette avec leur manager et Tom, patron de leur label Howlin’ Banana, devant les portes de L’International, flotte sur l’avenue de Ménilmontant-Oberkampf, à Paris, un climat de petite révolution. Des camions de gendarmes défilent gyrophares allumés tandis qu’au loin, volent des fusées de sécurité et autres pétards de manifestants. “On s’est déjà retrouvé dans une manif’ avant un concert à Nantes, on voulait s’amuser un peu…, se remémore Jules Maison, frontman de Cathédrale. On a surtout couru pour pas se prendre une charge de CRS ! Mais ça serait peut-être mieux de rentrer, non ?

Un monde où tout se ressemble

Bonne suggestion. Profitons-en pour les questionner sur l’apparent message politique qui se dégage de Houses Are Built The Same, leur dernier effort en date, sorti chez Howlin’ Banana. “On prétend pas avoir fait un album politique, en tout cas on a pas du tout les mêmes intentions que ce qui se fait en Angleterre. Mais c’est vrai qu’on a quand même quelques chansons avec un petit message contestataire derrière, comme dans Institutions, explique Félix Wilson, bassiste, mais il est pas très sérieux. Parce qu’on n’aime pas vraiment passer des heures dans des bâtiments glauques et pas accueillants juste pour avoir un papier !

Houses Are Built The Same est plus centré sur l’uniformisation du monde. Les constructions que l’on croise en marchant dans les rues, les rames de métro bondées que l’on emprunte pour se déplacer, les bureaux grouillants où l’on est bien obligé de s’installer et de s’ennuyer cinq jours par semaine, pour gagner un peu sa croûte. Pour s’échapper de cette vie grise et morne, chaque individu se façonne donc son son musée caché, Hidden Museum en version originale.

Réinterprétation du Musée Imaginaire de Malraux ? “Pas vraiment, réfléchit Félix. Pour moi, un musée caché, c’est cette passion que tu gardes au fond de toi et que tu ne dévoiles qu’aux gens en qui tu as parfaitement confiance. Parce que parfois, tu la trouves toi-même un peu honteuse !

À l’écoute, leur troisième effort a effectivement l’odeur de cette vague de post-punk qui pousse comme des roses parmi les orties outre-Manche. Une esthétique anglo-saxonne qu’ils n’ont pas empruntée “de façon totalement réfléchie au début de la création du disque” mais qui les influençait depuis de nombreuses années.

Buzzcocks, le Velvet et Protomartyr

Au moins depuis la claque reçue avec Idles au This Is Not A Love Song Festival 2018”, témoignent de concert les deux comparses qui, chose assez rare pour être soulignée, avaient préparé des brouillons remplis d’éléments de réponses potentiels, “pour éviter de paniquer pendant deux minutes quand on nous pose une question à laquelle on n’a pas réfléchi”.

Exit, donc, le garage-rock des débuts, qui n’attire plus autant les jeunes formations que lors de son âge d’or de la première moitié des années 2010. “Peut-être que les gens en ont eu marre de faire du garage ?”, médite Félix, évoquant la cyclicité de l’histoire musicale, un style en remplaçant un autre. Deux ans après la sortie de Facing Death, album lorgnant du côté de plages plus psychédéliques, le quatuor toulousain s’est plus ou moins réinventé, évoquant encore les Buzzcocks ou le Velvet par moment, mais se sentant davantage influencé par Protomartyr (“une grosse claque” pour Jules) ou Crack Cloud.

Ayant déjà tourné en Angleterre, Cathédrale souhaitait passer à l’étape suivante au moment où s’accumulaient les compositions “album worthy”. Direction un studio d’enregistrement londonien, sis dans le quartier de Hackney, pour une semaine intensive, répartie en quatre jours de prises de son, “dans une chaleur pas possible, étant donné que les Anglais ne sont jamais préparés à ce qu’il fasse plus de vingt degrés en été”, plaisante Félix, puis deux jours de mixage avec l’artiste et producteur Syd Kemp, qui va donner à Houses Are Built The Same cette couleur très anglo-saxonne.

Et au sein de la discographie de Cathédrale, c’est le disque qui met le mieux en valeur le timbre singulier, puissant, légèrement rauque et parfois quasi-aboyé de Jules Maison, voix parfaitement adaptée à ce style de musique. Elle s’élève et gueule sans mal au dessus de guitares ronflantes et acérées, aux riffs annihilateurs. Les protégés d’Howlin Banana, label qu’on ne présente plus tant son ancrage dans la scène indépendante française est important, sont peut-être devenus sans le savoir le groupe le plus britannique de France. Et si c’était ça, la meilleure réponse à apporter au Brexit ?

CATHEDRALE – Houses Are Built the Same
(Howlin’ Banana / Modulor)
Disponible en digital le 24 avril et en physique le 22 mai

Un autre long format ?