Critique en retrait de l’activité journalistique et leader de (Please) Don’t Blame Mexico en pleine préparation d'un nouvel album, Maxime Chamoux a écouté le premier effort solo du chanteur de The Walkmen, Hamilton Leithauser. Il nous livre spontanément ses premiers sentiments sur ce disque, titre après titre.


01 5 AM
Frank Sinatra rencontre Nino Rota. Le rouge rencontre le noir. Hamilton Leithauser contient sa voix. Les rideaux lourds s’ouvrent lentement sur la scène. On joue sur du velours, c’est superbe. Quel drame nous réserve-t-on ? Je suis happé.

02 THE SILENT ORCHESTRA
Le ton est plus léger, presque badin. Ce ska de pizzicati rappelle le vintage chic de The Good, The Bad And The Queen. C’est sobre et ludique, de bon goût, mais sans rien qui dépasse. Ah si, à 1’36, Leithauser chante exactement comme Lil Wayne. Pendant dix secondes.

03 ALEXANDRA
Leithauser fait enfin souffrir ses cordes vocales pour une pop song assez simple. L’ambiance et les arrangements sont débraillés mais pas trop ; ils rappellent l’album Pussy Cats (1974) d’Harry Nilsson, en version “gluten free”. Sensation pas forcément géniale d’écouter du Walkmen bubblegum.

04 11 O’CLOCK FRIDAY NIGHT
Un motif guitare/marimba semble traîner sans conviction un morceau à moitié écrit. Ni punchy, ni laid-back, ni rien, il est à peine sauvé de l’anecdotique par la voix de Leithauser, qui arrive à faire à peu près quelque chose d’une mélodie bien fade.

05 ST MARY’S COUNTY
Une belle ballade de nuit d’hiver qui rappellera Red Moon aux amoureux de The Walkmen. On retrouve l’axe “tabourets de bar au petit matin” initié par 5 AM et on commence à se dire que c’est ce qui convient le mieux à Hamilton aujourd’hui.

06 SELF PITY
Les premières mesures en jettent : ampleur, drame, silhouettes dans la neige – on est chez James Gray. La voix entre et, au lieu de monter d’un cran, l’intensité se dilue une fois de plus dans une composition sans vraie direction. La production est aux abonnés absents, tout est au même plan, c’est très brouillon. Quand le riff d’intro revient à la fin, on a la certitude d’un grand gâchis.

07 I RETIRED
Ça commence mal, j’aime pas les boogies. Ça, Hamilton n’y peut rien. Alors il s’égosille pour faire passer une mélodie bien pâlotte. On croirait une chanson à boire pour Urban Outfitters, tout sent tellement la recherche de l’authentique qu’au final, tout sonne faux. À commencer par cette parodie des studios Sun à la fin…

08 I DON’T NEED ANYONE
Le retour de Paul Maroon et du son de guitare de The Walkmen. Sans surprise, la chanson sonne donc… comme du Walkmen. Mais un Walkmen qui se serait laissé apprivoiser, qui serait devenu convenable. Et un peu ennuyeux. On notera l’ironie cruelle du titre compte tenu du contexte.

09 BLESS YOUR HEART
Cette batterie flottante est la meilleure trouvaille sonore du disque. Comme si l’intro de Supersonic d’Oasis avait été enregistrée sur une balançoire. Pour le reste, on navigue en territoire connu – The Walkmen dernière période. À mi-parcours, le morceau a l’intelligence de muter en quelque chose de plus orageux. Et puis il y a un marimba. J’aime beaucoup le marimba.

10 THE SMALLEST SPLINTER
Cette fin d’album expose explicitement ses origines “walkmeniennes”. Mais cette levée de voile sonne aussi comme un aveu d’impuissance à se réinventer. Il y a du coup un petit pincement au cœur à se dire que l’on tient probablement là un vrai grand titre, le meilleur de l’album avec 5 AM.

verdict
Dire qu’on est déçu serait mentir. On pouvait s’y attendre, le démembrement d’un bloc aussi cohérent que The Walkmen ne peut pas se faire sans tâtonnements. Sur Black Hours, Hamilton Leithauser a l’air effectivement dans le noir, en quête d’une direction. En fin de parcours, il semble trouver, si ce n’est une réponse, en tout cas une certitude : The Walkmen va beaucoup manquer à tout le monde.

Un autre long format ?