Best Coast – California Nights

(Capitol Music France/Universal)

Avec ses paroles naïves qui ne s’encombraient pas de métaphores, Crazy For You (2010) avait tout du journal intime dans la fleur bleue de l’âge adolescent. À l’ère des blogs et des réseaux sociaux au contenu cynique et blasé, ce fut quelque part une vague rafraîchissante pour nos cœurs de pierre qui ne ricochent plus.

Sous la petite déprime, le disque réussissait à gratter des chansonnettes dites insouciantes dans la droite lignée consanguine des Vivian Girls, Dum Dum Girls et plein d’autres girls. La différence, c’est que dans Best Coast, il n’y avait qu’une fille : Bethany Cosentino. Accompagnée de son ex-baby-sitter Bobb Bruno, la jolie blonde tatouée a très vite déclenché pas mal de foudres chez l’auditorat wok’n’woll indie.

Pour les filles, une certaine idée de la coolitude hype (le duo a notamment créé sa ligne de vêtements pour Urban Outfitters), une nana wild à laquelle on peut s’identifier sans problème ; pour les mecs, la grande (ou petite) amie parfaite des années lycée, la confidente de confiance avec qui on peut aussi boire des bières cheap en pogotant dans le garage. Bref, une petite héroïne qu’on aurait voulu garder pour soi malgré sa popularité grandissante. Puis Bethany a justement… grandi. The Only Place (2012) ambitionnait de dévoiler une facette plus mûre de sa personne.

Les textes se voulaient moins midinette et carte postale, le tempo ralentissait, la fougue mi-désespérée, mi-enjouée laissait place à de ravissantes ballades apaisées à la Mazzy Star, à écouter au casque (de moto). The Only Place idéale pour l’apprécier restait sans doute la plage, mais sous des palmiers, au moment du crépuscule. On n’allait pas en rester là, hein, Bethany ? Non !

California Nights nous rembarque pile là où Best Coast nous avait laissés. À première vue en tout cas… La Californie a toujours été au cœur de ses disques : selon la position du soleil, Bethany peut changer d’état d’âme, mais elle ne bougera pas d’un iota de son État chéri. Avec California Nights, LP post-grunge s’il en est, le côté lo-fi a été troqué contre un son plus gonflé, plus produit (par Wally Gagel, collaborateur entre autres de Muse), moins bouclé de façon lapidaire entre une partie de surf et un apéro couleur rosé.

Les acteurs déploient la lourde artillerie comme en témoignent les tornades de guitares qui ne se cachent plus pour rugir, mais aussi et surtout la batterie, nettement plus musclée que d’habitude.

Le carénage est donc désormais plus assuré, aussi bien au sens de bomber le torse que de s’affirmer davantage. La voix est quant à elle plus traînante, plus geignarde, officiant elle-même pour sa propre réverbération, mais elle reste entraînante quand elle part dans les “shalalalala” guillerets (Jealousy).

Ce qui n’a pas changé, ce sont les textes de Bethany et l’emploi régulier de la première personne – la dimension intime reste intacte. Finissons quand même par l’avouer : on l’a un peu perdue en route, notre héroïne… Avec des morceaux comme So Unaware ou le single California Nights (au passage, très beau clip rempli de paysages flottants, caressés par une esthétique envoûtante), Best Coast s’ouvre désormais à de nouveaux horizons, comme si les copains passaient de la plage au stade.

L’urgence des débuts, la naïveté, les années lycée, tout cela paraît bien loin désormais. L’indie, c’est fini ? Peut-être, mais on continue quand même d’attendre le live pour faire des cœurs avec les doigts.

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