Beirut – No No No

(4AD/Wagram)

Un silence de fonte, une lourde médication et l’observation de cieux pas toujours très avenants : Zach Condon a crevé le ballon de la désillusion ces dernières années. Comme le disait le très informé Paul Nizan : “J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie.” On arrive parfois assez vite, et avec une certaine frayeur, au bout de soi-même et de ses idées… Une morne lassitude s’installe.

L’imagination mange les pissenlits, la vie porte un voile terne, à peu près tout nous ennuie. Comme quoi, Zach Condon n’a pas qu’un visage rimbaldien, il porte en lui le même fruit mûr et chargé, ce même désir d’évanouissement et de disparition. C’est en 2013, dans une chambre d’hôpital australien, que le jeune homme accablé par les emmerdements d’un divorce et une fatigue générale bien entamée, a la prémonition d’un prochain disque. Il a déjà comme un goût cet album, il porte une lumière et fait battre le cœur. Mais les temps sont durs et il s’avère impossible pour lui de composer.

Il faut un déclic, qui arrivera sous les adorables traits d’une femme. Un amour, une résurrection. Voilà le tempo de cette œuvre humble et charnelle, à peine tissée de mélancolie. La merveilleuse ballade au piano At Once cicatrise à grands coups de rêveries les catastrophes passées. No No No est une chanson qui est essentiellement vouée à rassurer les fans et autres investisseurs, seule composition faiblarde d’un ensemble majestueux.

August Holland est digne du meilleur Jens Lekman, une mélodie assassine enguirlandée d’une flûte improbable. Avec son allant reggae, Fener décore avec joie l’arbre de la renaissance. Oui, No No No est comme un arbre, bien implanté et d’une gaieté bien réelle. Un album frais comme un coup de vent, vif comme une rafale. On ressent parfaitement la joie qu’éprouve Zach Condon à retrouver l’impulsion poétique et le sel de la vie. C’en est même bouleversant. À nous de goûter sans retenue la beauté d’un tel retour.

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