Dorian Pimpernel – Allombon

Nul besoin d’exagération pour affirmer qu’Allombon est une véritable bénédiction. Pour commencer, il y a cet univers onirique parfaitement cohérent : l’obsession de la pop des 60’s et de la pop moderne aux beaux claviers ; un nom qui évoque Le Portrait De Dorian Gray (1890) et Nicolas Et Pimprenelle, un dessin beau et tragique d’une femme au teint de Pierrot en guise de pochette signée par l’Italienne Silvia Idili. Si tous ces éléments fortement évocateurs et astucieusement revisités ne laissent pas immédiatement présager d’un chef-d’œuvre, ils témoignent immanquablement d’un très bon goût. Surtout, il y a ce jeu de références, de relectures savantes, des instrumentations claires et délicieusement farfelues qui surprennent à tous les instants sans jamais sacrifier la beauté mélodique. Chez Dorian Pimpernel, il y a aussi des rencontres charmantes bien qu’attendues. The High Llamas côtoie les Beatles ; Broadcast n’est jamais très loin de The United States Of America et de John Barry ; la basse de Stereolab flirte avec The Free Design (Teorema) ; Pram conte fleurette à The Kinks et à David Hemmings. Dans cette partie fine magique se retrouvent parfois des associations inouïes.

Inutile de faire l’inventaire des détails – une once de Melody Nelson (1971) de Gainsbourg par-ci, une pointe Tago Mago (1971) de Can par-là –, mais par exemple, lorsque la mélodie vocale d’Existential Suit entre sur un clavecin synthétique et désarticulé, une couleur semble tomber du ciel. Il est d’ailleurs assez curieux de constater à quel point Jérémie Orsel et sa bande évitent toujours soigneusement, par une sorte de syntaxe tout à fait secrète, la vulgarité des poncifs tout en citant des fragments de phrases musicales qui pourraient paraître communs (comme le lancinant accord de piano sur A Drowsy Waltz). Avec son musée d’instruments vintage, le quatuor ne se contente pas d’accomplir l’exercice périlleux de faire du neuf avec du vieux, il apporte sa touche singulière et évite le principal écueil sur lequel s’échouent bon nombre de formations partageant les mêmes goûts. Alors que celles-ci sont effrayées par leur ombre et s’empressent de combler tout éclair de singularité par une nouvelle citation, Dorian Pimpernel ne singe personne. Contrairement aux hits scolaires et anxieux de Jacco Gardner (avec lequel le quatuor partage néanmoins de nombreuses références), Ovlar E, Coodooce Melopia et Alephant prennent le temps de vivre, de respirer et de trouver une voie qui leur est propre. La promesse du EP Teorema est bien tenue : Dorian Pimpernel est un grand groupe car c’est aussi l’un des seuls soucieux du détail.

N.B. Dorian Pimpernel fêtera la sortie d’Allombon ce vendredi 16 mai au Point Éphémère (Paris) avec Julien Gasc et Forever Pavot.


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