Retour sur un grand disque jamais réédité avec l'album Voilà Les Anges des Français de Gamine, paru en 1988 sur le prestigieux label Barclay.

LECONTEXTE
La décennie tire à sa fin mais on n’est pas au bout de nos surprises. En particulier en France. Le grand public s’est branché sur le courant alternatif, dont les fiers représentants, Bérurier Noir en tête, sont devenus les porte-paroles d’une génération pas encore X. Ce qui n’entache pas la popularité du gendre idéal Étienne Daho, toujours à la poursuite des ses fantasmes mélomaniaques en confiant la pochette de son album Pour Nos Vies Martiennes au dessinateur Guy Peellaert. Daniel Darc admet être Sous Influence Divine, les Rita Mitsouko prennent LePetit Train et une douche avec les Sparks. Pendant ce temps, outre-Manche, la house music commence à faire des rave-ages, tandis que de l’autre côté du globe, les Australiens The Go-Betweens et The Church signent deux chefs d’œuvre invraisemblables.

L’ARTISTE
Dans leur ville de Bordeaux, les Gamine sont des gloires. Le groupe est né au tout début de la décennie 80, autour de la doublette Paul Félix Visconti (chant, guitare) et Paco Rodriguez (guitare). Épris de rock garage et de mélodies sixties, il devient l’un des fers de lance d’une scène locale, fièrement incarnée par les Stilettos et autres Standards. Entre deux reprises, quelques 45 tours et maints changements de formations, Gamine se trouve de sacrés parrains (Robin Wills et Chris Wilson, producteurs d’un mini-Lp), fait du gringue à l’Espagne et écluse les scènes françaises. Un passage télé et une cover de Gainsbourg plus tard, le groupe a gagné en notoriété et finit par signer en 1986 sur Barclay, une structure de renom alors bien décidée à rajeunir son image.

L’ALBUM
Pour sceller son arrivée sur son nouveau label, Gamine lance une belle invitation, annoncée par une guirlande d’arpèges chatoyants et un harmonica alerte. Pour Le Voyage, Visconti et Rodriguez laissent entendre qu’ils en ont assez de se rêver en Jagger/Richards pour mieux se fantasmer en Morrissey et Marr. Mais l’essai attend transformation. C’est chose faite juste au printemps 1988, avec un culot et un aplomb étourdissants. Si chère à nos cousins d’Angleterre, la ligne claire épouse enfin le french flair et en dix chansons cachées sous une pochette bâclée, ces Gamine-là deviennent majeures. Entre une profession de foi virevoltante (Être Roi) et une bourrasque rockab’ dans la langue de Shakespeare (Koelkast), les Bordelais multiplient les riffs volubiles (L’Autre), sortent indemnes du tourbillon mélodique de Voilà Les Anges, ou flânent en acoustique le temps de Dress Up. Quelque part entre Shack et The Smiths, jamais loin de The Church (pour s’en tenir aux contemporains), ces jeunes gens offrent à la mélancolie une bande originale indémodable (Les Gens Sont Si Bizarres) et effeuillent un romantisme à fleur de peau en dépeignant Nos Sentiments. Touchés, nous sommes.

LA REPRISE
Connu pour sa facilité à s’approprier le répertoire des autres, le groupe s’attaque sur l’album à la magnifique ballade de l’ex-Soft Machine Kevin Ayers, figure emblématique d’un certain psychédélisme en version britannique. Avec ses faux airs du I’ll Be Your Mirror du Velvet Underground, sa mélodie d’une rare élégance et son thème mutin, May I (dont il existe aussi une version française, son auteur maîtrisant à la perfection notre langue) ouvrait de fort belle manière le deuxième album solo du barde anglais, Shooting At The Moon (1970). Tout en restant fidèles à la version originale (inégalable), Paul et ses compères s’en tirent néanmoins plutôt bien, en ayant entre autres la bonne idée de faire se succéder les textes anglais et français.

LA SUITE
Grisé par ce succès d’estime ou paralysé par la réussite artistique, le groupe rate dans ses grandes largeurs le successeur Dream Boy (1990), plus anglophone et victime d’un éclectisme mal maîtrisé. Surtout, les querelles d’ego ont fait leur apparition. Après une décennie de cohabitation, le torchon brûle entre Paul et Paco, jusqu’a réduire en cendres les espoirs placés en eux. Gamine se suicide, laissant ses deux têtes pensantes se fourvoyer dans leur projet respectif – Real Atletico pour le chanteur, Mr Kuriakin pour le guitariste. Converti dans les années 90, le premier est depuis devenu moine bouddhiste. Quant au second, il coule des jours heureux à Goa, où il poursuit ses expériences musicales, tout en ayant remisé ses guitares au placard pour leur préférer l’exotique sitar.

Un autre long format ?