Toro Y Moi – What For?

(Carpark Records/La Baleine)

C’est devenu une excellente habitude. Chaque année, on attend la parution du nouveau disque de Toro Y Moi avec la certitude qu’on ne sera pas floué. Il est d’ailleurs amusant de constater à quel point cette discographie si bien installée dans son époque suit son cours d’une façon entièrement libre.

Notre amateur de skateboard glisse sur cette décennie pop sans connaître le moindre accroc, ne laissant planer qu’une impression de douceur et de flottement. Dévoilée à l’aube des années 2010, la musique de Toro Y Moi a connu MySpace, les expérimentations collagistes, l’enthousiasme des blogs indépendants, l’éphémère étiquetage chillwave et l’affranchissement de tous ces carcans.

Mais surtout, au fil des albums, la pop cosmique de Chaz Bundick n’a cessé d’évoluer et de proposer des métissages de genres musicaux toujours inédits. La première surprise que nous réserve What For? réside cette fois-ci dans son apparente simplicité. Les crossovers et autres grands écarts stylistiques que nous réservait immanquablement chaque nouvelle production signée Toro Y Moi semblent pour la première fois moins fantasques.

À l’exception d’un saxo free sur Empty Nesters et de deux variations d’une phrase de piano baroque sur The Flight et Lilly, tout paraît limpide. Limpide mais tout aussi impressionnant que ses prédécesseurs, What For? ressemble à un condensé de ce que fait le mieux l’Américain, quelque part entre les curieux bricolages funky de Causers Of This (2010), le groove émotif d’Underneath The Pine (2011) et la pop à guitares des parfaites démos de June 2009 (2012).

On retrouve évidemment le jeu de références autour des marottes de Chaz. La touchante Ratcliff et Run Baby Run ont tous les accents d’une jolie ballade comme Weezer n’en a pas produit depuis Pinkerton (1996). Lilly nous remémore la belle époque où Beck fricotait avec Air sur 10 000 Hz Legend (2001) et Spell It Out rappelle une fois encore le disco pop élégant de Phoenix. Toutefois, il n’y a pas une seule chanson de What For? que l’on pourrait imaginer enregistrée par un autre.

On a beau chercher, on ne décèle pas la moindre trace de poncif ou de singerie, car la fantastique machine à assimiler les références qu’est Toro Y Moi reste douée d’un tempérament singulier. Dans un monde idéal, les tubes absolus Empty Nesters et Half Dome seraient les deux seuls hymnes autorisés dans les campus américains en 2015. Dans notre monde, What For? permettra peut-être (enfin) à l’un des plus fins mélodistes de la pop actuelle d’accéder à la reconnaissance qu’il mérite.

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