Souvenirs ‘magic’ : réédition de ‘On The Beach’ de Neil Young en 2003

(WEA)

Quand on sait quelle préparation narcotique a présidé à la conception de On The Beach, on se pose beaucoup moins de questions. Neil Young vient de finir l’enregistrement de Tonight’s The Night (grand disque de deuil) dans un climat de chaos permanent, il est en train de perdre sa femme, l’actrice Carrie Snodgress, à la suite d’une tournée où aucun excès ne fut oublié. Bref, tout va pour le mieux. Sa consommation de Tequila est telle que certaines mauvaises langues prétendent que le nouveau membre de Crazy Horse s’appelle José Cuervo. Derrière ce surnom, se cache un personnage à l’aura sinistre, Rusty Kershaw, engagé pour ses talents de violoniste et de joueur de pedal steel guitar, qui donne le ton des sessions, préparant une friandise à base d’herbe et de miel dont tous les protagonistes abuseront.

Que ce disque ait alors une dominante laidback ne surprendra donc personne. En revanche, presque trente ans après les faits, ce qui continue de terroriser l’auditoire, c’est son excellence. Paru en 1974, On The Beach n’est en effet pas loin de Zuma ou Everybody Knows This Is Nowhere dans le panthéon intime qui nous lie au personnage : on aimerait toutefois l’écouter d’une oreille vierge, comme tous ces gens heureux qui vont le découvrir via cette toute première réédition en Cd. Walk On, morceau bien trempé, ouvre ce chef-d’œuvre de la manière la plus naturelle qui soit.En troisième position, Revolution Blues, probablement l’une des meilleures choses que le Canadien ait enregistrées, mérite un livre à lui tout seul. Le fait que Young ait choisi de se mettre dans la peau de Charles Manson en tant que narrateur donne à cette chanson un caractère sinistre quoique totalement détaché. À bout de nerfs après plusieurs tentatives d’enregistrement, un membre du groupe (la section rythmique du Band, excusez du peu) commence à saccager tout ce qui se trouve à portée de mains, hurlant aux autres : “Putain, les gars, vous croyez qu’on va faire un morceau sur la révolution comme ça ? Voilà comment commence une révolution !” La prise suivante sera la bonne.

David Crosby (garçon calme s’il en est), présent en tant que guitariste rythmique, tergiversera pendant des jours pour savoir s’il peut jouer sur un morceau aussi malsain (“I hear Laurel Canyon is full of famous stars/But I hate’em more than lepers and I’ll kill’em in their cars”, une bluette quoi). Pourtant, au final, Revolution Blues est probablement l’un des titres les plus Stoniens et palpitants jamais couchés sur bandes. For The Turnstiles est aussi un grand moment d’aridité, le reste du disque baignant dans une ambiance de blues de fin de monde. Sur la pochette, Young regarde l’océan, où l’idéalisme des années 60 est en train de se déliter dans la basse toxicomanie des 70’s. Lui restera toujours plus ou moins intact. Sur la plage.

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