N’en déplaise aux tenants du jeunisme musical, la crise de la quarantaine a parfois du bon. Pour Darren Riley, alias Ballard (“un hommage à mon écrivain préféré, j’adore la brutalité surréaliste de son univers”), vétéran amateur de la micro-scène indépendante de Bolton en Angleterre, elle s’est traduite par une brusque poussée d’inspiration et de productivité qui lui a permis d’apparaître enfin sur les radars pop internationaux. “J’ai commencé à écrire des chansons et à les enregistrer sur 4-pistes environ en 1994. Pendant presque vingt ans, j’ai essayé de tout bien faire comme il faut. Je préparais une démo, j’accordais tous les instruments et je passais parfois des mois à travailler sur un solo…

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… Résultat ? Personne n’écoutait. Depuis l’an dernier, j’ai changé de méthode. Quand j’ai une idée de chanson, j’essaie de l’enregistrer aussi vite que possible, souvent en mono et en compressant le son à mort parce que j’adore ça. Tous les morceaux que j’ai mis en ligne sont donc des premières ou des secondes prises. Et les gens ont l’air d’apprécier.” Une rupture méthodologique aussi radicale que salutaire qui l’a conduit au cours de la seule année 2013 à publier sur sa page Bandcamp l’équivalent d’un EP (Monkey Business) et de deux LP (Little Rockets et Bucky) aujourd’hui réédités en CD (toujours à compte d’auteur) sous le titre A Bundle Of Ballard. On y découvre avec délice une profusion impressionnante de mini-bombes pop artisanales arborant sans la moindre vergogne leurs défauts techniques assumés. “Je manque de temps et de moyens, c’est certain, mais je préfère sincèrement ce son lo-fi. Un de mes albums préférés de Prince est un vieil enregistrement pirate bourré de distorsion. J’ai racheté la version officielle mais j’aime toujours davantage le son du bootleg. Il y a quelque chose de poétique dans ces craquements, comme un signal perdu sur les ondes d’une radio.”




Évoquant souvent le fruit de la rencontre entre Ray Davies et Guided By Voices, mêlant à la nonchalance bruitiste du bricolage lo-fi américain une forme résolument britannique de distance humoristique, ces chansons possèdent l’évidence fugace et le charme ludique – presque naïf – des productions primitives de Martin Newell et Cleaners From Venus récemment remises à l’honneur par Captured Tracks. Elles demeurent jusqu’à présent le fruit d’une activité aux dimensions artisanales. Ballard proposait encore il y a quelques mois à ses fans de leur offrir une pochette personnalisée, décorée de leur portrait crayonné sur demande par un dessinateur ami. Alors qu’il continue à mener de front son activité alimentaire, son travail de production pour des jeunes formations du cru – The Kiss Off ou Don Blake, ces derniers lui servant aussi de backing band pour ses prestations scéniques – et même son rôle de leader au sein du groupe semi-parodique Pancho Ballard & The Banditos (exclusivement consacré aux reprises tex-mex des fleurons de son répertoire !), Riley a déjà trouvé le temps d’élaborer l’essentiel d’un nouvel LP dont la mise en ligne est prévue pour le printemps et dont vous pouvez déjà écouter un titre sur notre sampler du mois. “J’ai six morceaux en stock. Certains sont un peu plus rugueux, c’est sans doute lié au fait que j’ai commencé à jouer plus souvent en concert. Headline News par exemple, une composition que j’ai terminée la semaine dernière, explore une veine que j’appellerais garage soul – un titre qu’aurait pu jouer des musiciens Motown si Motown avait été un label punk.” Une formule plus que prometteuse qui, espérons-le, permettra à Darren Riley de conquérir de nouveaux supporteurs en évitant bien sûr le Crash.

Un autre long format ?