En début d’année, Makeshift a signé un coup de maître avec un premier album éponyme énergique, beau et foisonnant, élu coup de coeur Magic. Le groupe nous a décrit les spécificités de sa pop élastique et sans frontière autour d’un excellent chili con carne.

Comment est né Makeshift ?

Michaël Roth (clavier/chant) : À la base avec Baptiste Poirier Rossi (guitare/chant), Vincent Condominas (guitare/chant) et moi. On a créé, au lycée, un groupe qui s’appelait Clockwork of the Moon. Du type plutôt folk des grands espaces, bucolique, mélancolique. En gros, c’était les Fleet Foxes mais en moins bien. Après ça, on a eu le souhait de développer notre musique et de reconstruire une autre formation. “Charly” (ndlr., Charles-Antoine Hurel, batterie/choeurs) est arrivé d’abord à la batterie puis “Nico”, Nicolas Marsanne, à la basse. Leurs expériences et leurs influences nous ont amenés vers une musique complètement différente. Ça a duré de 2012 et 2013, jusqu’à aujourd’hui avec la création de cet album.

Comment qualifier votre musique ?

Michael : C’est de la pop.

Vincent Condominas (guitare/chant) : Ouais c’est de la pop, “vision large”.

Charles-Antoine Hurel  (batterie/choeurs) : Pop hybride, pop à tiroirs. Expérimentale, c’est un peu pompeux alors on essaye de ne pas le dire.

Michaël : Pendant un moment, on s’est demandé si on ne faisait pas du rock progressif après certaines répétitions en studio.

Vincent : Mais on s’est dit que non (rires).

Ce n’est pas une pop commune…

Vincent : Oui c’est vrai. On peut qualifier “pop” le fait de passer par une sorte d’histoire à raconter. Après, on emprunte les chemins que l’on veut dans la structure du morceau. Mais on a un début, une fin. Pour nous c’est un peu ça la pop.

Charles-Antoine : C’est toujours la ligne de chant qui guide le morceau. On a tous cette culture-là.

Michaël : Même si elle n’est pas plus importante que le reste. C’est un tout. On accorde énormément d’importance à la musique. C’est même une priorité.

Vous avez mis longtemps à sortir cet album. Vos morceaux ont beaucoup évolué lors de ce processus ?

Michaël : Ça dépend vraiment des morceaux. Au début, ça partait vraiment de guitare/voix ou de piano/voix avec un tempo très lent.

Vincent : J’ai l’impression que les titres de l’album les plus détaillés sont ceux qui étaient déjà les plus détaillés en démo.

Charles-Antoine : La patte dans le fonctionnement à cinq, elle est plutôt sur l’énergie. Ces enregistrements, c’était aussi une période transitoire. On n’était pas sûr de notre fait sur beaucoup de titres, sur le jeu, sur les intentions à mettre. C’est Nico qui a tout enregistré…

Nicolas Marsanne (basse/choeur) : J’ai expérimenté. Il y a eu plein de lieux d’enregistrement. Tu te retrouves dans des conditions acoustiques différentes et il faut t’adapter à chaque fois. Tout ça a une influence sur le résultat de chaque morceau.

Michaël : Cet album a une particularité : c’est un patchwork. Un patchwork de bordel sans nom ! Chaque morceau a été composé à un, deux, cinq… C’est ce qui nous a pris beaucoup de temps aussi.

Un gros patchwork bordélique, certes, mais avec une grande cohérence.

Vincent : On s’est pas fixé de style ou de barrières dans les compositions. On a naturellement tout fait, avec les instruments qu’on connaît, les sons qu’on aime. Depuis le temps qu’on joue ensemble, on connaît notre son.

Charles-Antoine : Ce qui a joué, c’est le fait que Nico a mixé le disque. Il fait partie du groupe et ça aide à avoir une cohérence.

Nicolas : Il y a une grosse imprégnation de nos personnalités dans les compos.

Baptiste Poirier Rossi (guitare/chant) : Avant même de venir avec les compos, on sait d’avance qu’il y a une volonté de notre part d’avoir un son commun.

Votre groupe contient trois chanteurs. Comment ça s’organise ?

Baptiste : C’est venu un peu naturellement en fait.

Vincent : Tous les trois, on écrivait des chansons depuis le lycée. Même avec Clockwork, on a toujours écrit tous les trois. Michael chantait la plupart des voix lead. Du coup, la place de chacun n’était pas claire, en fait.

Michaël  : La musique a été enregistrée plus ou moins ensemble, mais pour les voix, on était chacun dans notre chambre ou dans une pièce avec un micro différent, parfois de merde, parfois de bonne qualité. Là, on a enregistré nos voix chez nous, tout seuls. On envoyait les pistes à Nico ensuite. Nos timbres s’accordent peut-être. On s’est sûrement influencés les uns et les autres.

Votre musique se démarque aussi par des montées en tension constantes sur une large majorité de chansons.

Michaël : Je pense que c’est dans notre manière personnelle de composer un morceau. Là aussi, ça vient naturellement. Le morceau prend plusieurs formes. Parfois, ça coule de source. Parfois, il y a cette idée de patchwork qui revient. Tu construis ton morceau avec les différentes parties que tu as trouvées.

Charles-Antoine : Après, on n’est pas trop sensible à l’énergie pour l’énergie. Si ça décolle, on essaye toujours d’avoir une variation, une modulation comme sur le titre Surveyor par exemple. On ne se repose pas que sur l’énergie.

Vous accordez une grande importance aux choeurs. Comment souhaitez-vous les utiliser ?

Michaël : Pour les choeurs, on tente et on enregistre plein de choses. Puis, on vire au fur et à mesure. Quand on a commencé la musique avec Clockwork, il y avait déjà des choeurs. Ça fait partie de nous et de notre musique. On a appris à accorder nos voix. Au début, on ne savait même pas ce qu’était une harmonie, c’était juste instinctif. On est autodidacte.

Vincent : C’est un truc qu’on travaillait depuis un moment, les choeurs, même sur nos précédents groupes. A la base, on composait vachement autour de ça. Là on s’est un peu détaché : on a pris les lignes mélodiques une par une, puis posé des choeurs là où ça faisait sens.

Quel est le futur de Makeshift ?

Charles-Antoine : On va splitter (rires).

Vincent : Faire vivre notre album un peu. On bosse déjà de nouvelles compositions et on a envie d’enregistrer dès maintenant.

Texte : Luc Magoutier
Photos : © Emeric Brunet

Un autre long format ?